Voici pourquoi la réforme des retraites pourrait compliquer l’accès à la rupture conventionnelle

Dans un entretien au Journal du dimanche le 5 février 2023, la Première Ministre, Élisabeth Borne faisait part de sa volonté d’ »unifier les prélèvements sociaux des indemnités de ruptures conventionnelles et de départs à la retraite, en les fixant à 30 %« .

La rupture conventionnelle – « une procédure qui permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie » -, rappelle le Ministère du travail, est rêvée de nombreux employés en CDI et en proie à des envies d’ailleurs ou à un mal être au travail. 

D’après les chiffres de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), au 3e trimestre 2022, « 123 800 ruptures conventionnelles ont eu lieu en France métropolitaine sur le champ privé hors agriculture et particuliers employeurs ». 

Un chiffre en baisse de 2,3% par rapport au trimestre précédent et qui ne devrait pas remonter de si tôt, de par la volonté de l’exécutif de créer « une harmonisation du régime social des indemnités de rupture conventionnelle et des indemnités de mise à la retraite ». 

Rendre plus difficile d’accès la rupture conventionnelle pour maintenir les seniors au travail

Une mesure prise pour mettre fin aux « incitations à se séparer des seniors », arguait Elisabeth Borne dans le JDD en février dernier. 

Parce qu' »à l’heure actuelle, il est en particulier financièrement plus avantageux pour les employeurs de signer une rupture conventionnelle avant l’âge de la retraite qu’après, puisque dans ce dernier cas, l’indemnité de rupture est entièrement assujettie à cotisations”, sauf le forfait social (20%), complète la Revue Fiduciaire.

Un dispositif qui permet aux salariés concernés de « toucher l’indemnité légale de départ ainsi que l’assurance chômage », tandis que l’entreprise « élimine le risque d’une procédure devant les prud’hommes », explicite Ouest-France.

« Car pour les salariés proches de l’âge légal, la rupture conventionnelle sert aussi de pré-retraite déguisée, grâce à une fiscalité et un taux de prélèvements sociaux nettement moindres (ils représentent environ 20% de l’indemnité versée) que pour l’indemnité de départ en retraite (50%) », résume le quotidien. 

« Cette ‘préretraite Unédic’ qui ne dit pas son nom permet au salarié d’être couvert jusqu’à l’âge légal actuel, voire jusqu’à 67 ans pour obtenir tous ses trimestres s’il n’a pas suffisamment cotisé (soit une couverture pouvant aller jusqu’à huit ans) », appuie la Revue Fiduciaire

D’après la DARES, chez les plus de 50 ans, les ruptures conventionnelles étaient en hausse de 4,1 % en 2021. 

Une surtaxe qui s’appliquera sans critère d’âge  

Mais si la loi entre en vigueur (normalement au 1er septembre 2023, après passage et vote devant le Conseil constitutionnel, ndlr), « les indemnités de rupture conventionnelle individuelle et de mise à la retraite seront toutes deux soumises à une contribution spécifique de 30% sur la fraction exonérée de cotisations. Exit, donc, le forfait social de 20% sur l’indemnité de rupture conventionnelle, et la contribution de 50% sur l’indemnité de mise à la retraite”, continue la revue spécialisée. 

Si cette surtaxe est principalement mise en place pour celles et ceux en fin de carrière, dans le but d’augmenter le taux d’emploi des seniors, elle ne prévoit pas de critère d’âge et s’appliquera donc à tous les salariés. En clair, il sera d’autant plus difficile d’obtenir une rupture conventionnelle, une fois la loi entrée en vigueur. 

« Imaginons qu’aujourd’hui vous percevez une indemnité de rupture conventionnelle s’élevant à 10 000 euros. Votre employeur devra non seulement payer cette somme, mais devra aussi payer 20% des 10 000 euros, soit 2000 euros de cotisations sociales à l’organisme compétent. Mais à compter du 1er septembre 2023, ça ne sera plus 20% mais 30%”, illustre Elysee Odjango, consultante experte en paie, dans une vidéo TikTok. 

« Les ruptures conventionnelles vont coûter plus cher. Cela va freiner les embauches par effet de ricochet », réagissait un représentant du Medef au micro de Les Echos en février dernier. « Le résultat, c’est que le salarié touchera moins […] Tandis que l’entreprise ne sera plus exonérée de cotisations, ce qui n’est pas rien non plus », alertait également Michel Beaugas (Force ouvrière), comme le relayait Ouest-France

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