Violences intrafamiliales : l’Assemblée nationale adopte de justesse la création d’une juridiction spécialisée

Jeudi 1er décembre 2022, l’Assemblée nationale a voté la création d’une juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales. Adopté de justesse en première lecture, à 41 voix pour et 40 contre, le texte du député Les Républicains (LR) Aurélien Pradié se base sur le modèle espagnol, en avance dans cette lutte.

Dans un tweet, le député, aussi Secrétaire général LR et candidat à la Présidence du parti, s’est félicité que la lutte contre les violences conjugales « passe une nouvelle étape ».

Selon les mots du parlementaire, il s’agit d’associer « les pouvoirs du juge civil [qui tranche des litiges dans les affaires civiles, privées, ndlr] et du juge pénal [qui juge les personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction, ndlr], habituellement séparés, en s’appuyant « sur des référents au sein de chaque parquet ».

Le hic ? Ce texte a été approuvé contre l’avis du gouvernement, au sein d’un hémicycle sous tension. Les ministres de la majorité comme le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti aurait notamment lâché à l’opposition : « Vous avez volé le débat », relaie l’Agence France-Presse (l’AFP).

L’exécutif accusé d’obstruction

Selon les informations de l’AFP, les députés accusaient l’exécutif de retarder le plus possible l’adoption du fameux texte. Aurélien Pradié aurait déclaré aux ministres présents (Éric Dupond-Moretti et la ministre-président chargée de l’Égalité entre hommes et femmes Isabelle Rome) : « Vous faites tout pour que nous n’examinions pas ce texte parce que vous avez la trouille d’être battus. »

Le vice-président des Républicains Olivier Marleix a, lui, déclaré que ces derniers se livraient à « un jeu d’obstruction semaine après semaine ».

Mécontents, et alors que 3 amendements seulement sur 57 avaient été examinés, les députés LR ont suspendu la séance et ont retiré leurs amendements, avant la fin de leur « niche » parlementaire [la journée réservée à la présentation des textes d’un parti, ici des Républicains, ndlr].

L’ancien candidat à la Présidentielle et député NUPES Jean-Luc Mélenchon a commenté l’adoption de la loi LR via un tweet publié durant la nuit, et dénonce lui aussi « l’obstruction » du gouvernement. 

Une proposition de loi « faite à la va-vite »

Isabelle Rome a déclaré lors de la séance que la proposition de loi était « faite à la va-vite » et était « au rabais ». La ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes a également annoncé l’organisation d' »un groupe de contact de deux semaines » à l’issue de la mission parlementaire [lancée en septembre dernier par la majorité, ndlr], « pour associer les différents groupes politiques ».

Le ministre de la Justice a lui dénoncer le comportement des élus Palais Bourbon : « Vous vous asseyez sur vos propres convictions pour faire passer aux forceps alors que sur la composition, sur la compétence, vous n’êtes pas d’accord. » Selon lui, ce texte est « un danger, car il désorganise les juridictions », cite l’AFP.

Quoiqu’il en soit, le texte adopté sera transmis au Sénat, à majorité de droite.

D’après le décompte de l’association féministe NousToutes, 124 féminicides ont eu lieu, en France, depuis le début de l’année 2022.

En Espagne, les tribunaux spécialisés en violence de genre ont prouvé leur efficacité. Selon un décryptage de la correspondante à Madrid du Monde, publié en juillet 2021, 700 000 sentences ont été prononcées depuis leur création en 2004. Dans 72 % des cas, elles ont abouti à la condamnation d’un homme.

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