"Une parenthèse", "un cocon" : pourquoi la Star Academy 2022 nous a-t-elle fait du bien ?

« C’est la parenthèse dont j’avais le plus besoin dans ma vie, sincèrement. » Sur Twitter, Coralyne semble reconnaissante, et déjà nostalgique. Elle confie ces mots simples aux internautes, alors que les quatre finalistes de la Star Academy disent au revoir au château de Dammarie-lès-Lys. Elle suit leurs larmes en live, puisqu’abonnée à la formule de TF1qui permettait aux fans du programme de visionner en direct le quotidien des élèves, du cours de sport au réveil jusqu’aux instants d’amitié avant le coucher.

Samedi 26 novembre, l’un d’eux sera sacré par les téléspectateurs qui auront majoritairement envoyé « 1 », » 2″, « 3 » ou « 4 » par SMS grand gagnant de cette édition 2022. Comme Jenifer presque vingt et un ans auparavant, ou l’étoile Grégory Lemarchal, trois ans plus tard. Nikos Aliagas tiendra le suspens durant quelques secondes qui leur paraîtront une éternité, avant de les délivrer, par le cri d’un prénom dans son micro. Comme il y a deux décennies aussi. 

Réactiver des souvenirs positifs de l’enfance

Car si ce reboot a rencontré son public, c’est en partie parce qu’il a retrouvé ces codes cultes.

La production Endemol et la chaîne ont su « raviver nos souvenirs, créer un effet de nostalgie », analyse Mélissa Pangny, psychologue spécialiste du psychisme et du comportement humain. Qui immédiatement précise : « La nostalgie, ce n’est pas seulement ‘C’était mieux avant’. Ce programme a activé une nostalgie positive. »

Si nous parvenons à nous y replonger, cela signifie que nous n’avons pas tellement changé. Ce peut être rassurant.

« Les spectateurs qui appréciaient le concept au début des années 2000 se remémorent dans quels états ils se trouvaient et quelles émotions ils ressentaient devant les émissions, mais aussi, par-delà ce cadre, dans la cour d’école, à l’université… Ils se souviennent qui ils étaient à cette époque et font une rétrospection sur leur vie », développe l’interrogée.

Cette nostalgie positive provoquée par le télé-crochet madeleine de Proust a pu aussi renforcer une confiance en soi : « Si nous parvenons à nous y replonger, cela signifie que nous n’avons pas tellement changé et avons toujours les mêmes sensibilités, raisonne la spécialiste. Ce peut être rassurant. »

« Bulle légère » dans un quotidien anxiogène

Ces six semaines dans le décor de notre enfance auraient alors fait remonter un « moi » heureux, appartenant à une ère légère, loin d’une vie d’adulte avec ses problèmes… d’adulte. « Le spectateur a pu vite replonger dans la naïveté et la sérénité dans lesquelles il se situait à cette période », formule la psychologue. Avant de nuancer : « Cet effet ne peut se produire que chez ceux qui ont eu une enfance paisible ».

Devant le téléviseur, nous pouvons parler de soi et de sa propre enfance à son enfant.

Plus qu’une « parenthèse »- pour reprendre le terme de Coraline – dans sa vie personnelle et les tracas quotidiens, Mélissa Pangny envisage cette « Star Ac » nouvelle génération, et plus généralement, le phénomène des reboot de programmes culturels cultes (des suites de Sex and The City et Un Dos Tres aux émissions-retrouvailles des six Friends ou du casting d’Harry Potter), comme « une bulle légère, un cocon, qui permet de s’extirper de l’actuelle atmosphère anxiogène ». Et à Melik, attaché de presse et oncle d’Ahcène, candidat solaire de cette nouvelle promotion, d’illustrer : « Je ne pense pas à la guerre, aux conflits, à l’inflation. Ça me diverti ». Simplement.

Le divertissement vintage fait également du bien à Chloé, Marseillaise de 26 ans. Il est rapidement devenu un rendez-vous complice avec sa fille. « Ça nous plaît, à toutes les deux. » La psychologue pointe aussi, de son côté, « l’outil de médiation, de transmission » que constitue ce retour à l’écran : « Devant le téléviseur, via l’émission et à travers des commentaires, nous pouvons parler de soi et de sa propre enfance à son enfant ». 

Retour apprécié à une télé véritablement réalité

À l’unanimité, les répondants emballés ont évoqué l’authenticité du programme. Il détonne des actuelles télé-réalités, qui, justement, leur paraissent bien moins « réelles ».

On croyait cet esprit disparu depuis la naissance des candidats-influenceurs.

« Je me suis attachée à ses élèves sincères, qui veulent réussir dans la musique et non faire du buzz, témoigne Karen, kinésithérapeute toulousaine âgée de 28 ans. On croyait cet esprit disparu depuis la naissance des candidats-influenceurs. »

Les pensionnaires du mythique château en briques « ne sont pas là pour faire des scandales », abonde Julie, étudiante parisienne de 21 ans, « désormais rabibochée avec la télé-réalité », alors qu’elle ne s’identifiait plus à des franchises telles que Les Marseillais ou Les Anges, « trop fausses ». Elle note un retour bienvenu des « caméras fixées », qui permettent aux candidats d’oublier qu’ils sont filmés. Et les obligent à ne pas faire semblant.

« Les élèves paraissent plus vrais que d’autres candidats de télé-réalité plus formatés à l’exercice. Il y a aussi de vrais professeurs, qui ont une vraie carrière. Cette véracité dans le format permet aux spectateurs une meilleure projection, de se sentir davantage proches de ces potentielles futures stars, d’être touchés par elles », énumère l’experte des comportements humains.

Un « souffle de bienveillance »

Chloé a apprécié ce casting diversifié, où la jeunesse n’était pas représentée comme un groupe bête et moqué, tandis que Karen s’est sentie portée par « l’humanité des professeurs », peut-être même davantage palpable que dans la version originelle.

Son attachement aux différents protagonistes a tenu aussi « aux échéances de la semaine : les évaluations, les nominations, la préparation au prime ». Plusieurs étapes, comme autant de moments à soi. Ou à partager.

Car le « souffle de bienveillance », pour reprendre l’expression du directeur Michael Goldman lors de la dernière quotidienne, qui a (globalement, avec son lot de ratés à ne pas minimiser) soufflé sur nos écrans s’est même répandu sur Twitter. Où, malgré des incompréhensibles trolls ou twittos agressifs, des commentaires tendrement constructifs ou simplement affectueux sur les élèves et leurs enseignants se hissaient chaque soir parmi les messages les plus partagés en France sur la plateforme. Apaiser Twitter ? Une prouesse.

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