"Une nouvelle violence" : pourquoi la parution du livre "PPDA le Prince noir" indigne les accusatrices de l'ex-présentateur

« Non c’est non. » Sur leurs réseaux sociaux, mardi 7 février 2023 dans la soirée, plusieurs femmes qui ont porté plainte contre Patrick Poivre d’Arvor pour violences sexuelles partagent ce message en lettres capitales.

Ce soir-là, la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris, a décidé, à l’issue d’une audience en référé qui s’est déroulée à huis clos, que l’ouvrage-enquête PPDA Le Prince Noir écrit par le journaliste Romain Verley, et édité par Fayard, pourra bien paraître – et dans sa version complète, déjà imprimée -, ce mercredi 8 février comme prévu, indique Le Parisien, qui révèle l’affaire.

Son récit confié à la police relaté sans son accord

La veille, l’une des onze femmes qui a porté plainte pour viol contre l’ex-présentateur du JT de TF1, a assigné en justice l’éditeur et l’auteur.

Elle accuse ce dernier de porter gravement atteinte à l’intimité de sa vie privée en révélant des extraits de son audition par la police en mars 2021, alors qu’elle n’a jamais détaillé publiquement les faits constitutifs dénoncés devant les autorités, et ce, même lors de sa participation à l’émission organisée par Mediapart, qui avait réuni 20 accusatrices sur le même plateau.

Cette plaignante, directement nommée dans cet ouvrage, précise qu’elle n’a jamais rencontré l’auteur, aussi réalisateur du Complément d’enquête consacré à l’ancien animateur-vedette, diffusé en avril 2022 sur France 2. Roman Verley et elle n’ont jamais échangé.

Soutenue par d’autres accusatrices, elle réclamait dans son recours la suppression des passages la concernant, directement extraits de son audition par la police donc, afin de « protéger sa vie privée et son entourage familial et professionnel », sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Mais le tribunal a estimé que ces révélations s’inscrivent « dans le cadre d’un sujet d’actualité », et « sont dès lors susceptibles de se trouver justifiées par la nécessaire information du public », cite le quotidien, soulignant néanmoins que « le caractère douloureux de l’évocation publique des détails de l’agression subie » n’était « pas contestable ».

Le choc et la colère des plaignantes

Sur Twitter, dès le 1er février dernier, Marie-Laure Delattre, une autre des 22 accusatrices de PPDA, a interpellé Romain Verley sous l’un de ses tweets où il communiquait sur une séance de dédicace à venir : « Je suis dans votre livre. J’aurais accepté de vous parler. J’ai lu votre livre et vous ne nous avez pas contactées avant, c’est une nouvelle violence ». Hélène Devynck, autrice d’Impunité (Seuil), s’insurge, elle, auprès de Libération : « Romain Verley reprend des extraits d’articles parus dans d’autres médias et fait comme si on lui avait parlé, il plagie certaines pages de mon livre, il fait une utilisation mercantile de nos traumas ».

Nous sommes (…) nombreuses à avoir confié à vos confrères et consœurs les viols et les agressions que nous avons subis. Il était inutile de forcer celles qui redoutaient l’impact du récit détaillé de leur viol sur leurs proches, leurs compagnons ou leurs enfants.

Dix des femmes qui accusent Patrick Poivre d’Arvor ont co-signé un e-mail, consulté par Le Parisien, dans lequel elles écrivent à l’auteur et à son éditrice Isabelle Saporta : « Vous vous êtes autorisé à relater nos histoires d’humiliations les plus intimes que certaines d’entre nous avaient choisi de réserver à la justice. Vous n’avez pas respecté notre volonté, rajoutant une nouvelle couche de violence à la violence. Nous sommes pourtant nombreuses à avoir confié à vos confrères et consœurs les viols et les agressions que nous avons subis. Il était inutile de forcer celles qui redoutaient l’impact du récit détaillé de leur viol sur leurs proches, leurs compagnons ou leurs enfants. Ça n’apporte rien à la démonstration. C’est blessant ».

La réponse de l’auteur et de son éditrice

Au Canard Enchaîné, dans son édition parue en kiosque ce 8 février, Isabelle Saporta, directrice des éditions Fayard, confie être « très étonnée que, venant de la part de femmes journalistes, il y ait une volonté de musuler ». « Elles doivent comprendre que romain verley va les aider à mettre à bas ce système », déclare-t-elle.

Ce à quoi, l’une des plaignantes, Cécile Delarue, répond sur Twitter : « En tant que femme journaliste et prof de journalisme je m’attache surtout à montrer l’exemple : respecter le consentement des victimes, et les protéger avant tout ».

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À l’hebdomadaire satirique, Romain Verley reconnaît qu’il aurait « dû effectivement (…) contacter » l’accusatrice qui a saisi la justice après avoir découvert son récit à la police dans ses pages.

« Je suis ni le porte-parole des plaignantes ni l’avocat de PPDA. Je suis là pour donner des faits », a-t-il encore réagi auprès du Parisien.

D’Instagram à Twitter, Hélène Devynck et d’autres plaignantes font bloc, publient le même témoignage clair : « J’ai parlé. J’ai porté plainte en confiance devant la justice. Ce traumatisme, il n’y a que moi qui puisse le partager. Je soutiens les victimes de PPDA dont les détails des agressions et des viols ont été étalés, sans leur consentement, dans un livre qui n’a rien de journalistique. C’est une nouvelle violence. Quand on dit non, c’est non. » 

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