Une BD sur Cherbourg devient un phénomène

  • « New Cherbourg Stories » est une fiction rétrofuturiste située dans une ville de Cherbourg réinventée.
  • D’abord diffusée dans la presse locale, cette série BD invite les habitants de la ville à participer à son développement.
  • Succès oblige, un premier volume sort au niveau national et une suite est d’ores et déjà en préparation.

C’est parce qu’ils sont « fous amoureux de la ville » que Romuald Reutimann, qui y est né, et
Pierre Gabus, qui y vit, ont décidé de situer l’action de leur nouvelle bande dessinée à Cherbourg. Et c’est parce qu’ils ont gardé un souvenir ému des petits Mickeys de leur enfance, « qui faisaient partie du quotidien des gens car diffusés dans les journaux, donc gratuits », souligne Romuald Reutimann, que New Cherbourg Stories a d’abord été publié, sous forme de fascicules, dans La Presse de la Manche, un quotidien local distribué à 70.000 exemplaires.
Résultat : un carton absolu, qui a captivé toute une région et inspiré des initiatives culturelles inattendues…

Mais d’abord, que raconte « New Cherbourg Stories » ?

Reutimann et Gabus adoptent la même veine rétrofuturiste que celle de leur première série, Cité 14 (Fauve de la meilleure série du
festival d’Angoulême 2012) : dans un Cherbourg « maquillé en New York des années 1930 », les frères Glacère – clin d’œil à La Glacerie, un quartier de l’agglomération actuelle – mènent deux enquêtes sur l’échouement d’une créature sous-marine inconnue sur la plage et le vol d’un dossier top secret dans le bâtiment du contre-espionnage local. Aidés par une jeune fille et son petit frère, les jumeaux croisent, sur terre et au plus profond de la mer, des créatures pour le moins mystérieuses…

Couverture du 1er tome de « New Cherbourg Stories » © Reutimann, Gabus & Casterman 2020

Pour palpitant qu’elle soit, l’intrigue n’a, finalement, qu’une importance toute relative. Ce qui surprend, en revanche, c’est l’engouement suscité par une BD originellement destinée à une diffusion confidentielle. Ainsi, après que La presse de la Manche a accepté de publier le premier épisode de
New Cherbourg Stories, la mairie a commandé à ses auteurs une vingtaine d’illustrations présentant la ville, en grand format, en vue d’une exposition dans le cadre de la neuvième
Biennale du 9e Art de Cherbourg.

Illustration pour l’expo « New Cherbourg Stories » © Reutimann, Gabus & Casterman 2020

Les Cherbourgeois coscénaristes ?

Le projet a alors pris une ampleur inespérée : « On a vendu tous nos fascicules et grâce à l’expo consacrée à Jack Kirby et la nôtre, le musée a explosé son record de fréquentation », s’enthousiasme Reutimann. Depuis, les aventures de New Cherbourg Stories sont célèbres dans tout le département de la Manche et les habitants de la ville se les sont définitivement appropriées. Pierre Gabus s’en réjouit, car « c’est exactement ce qu’on espérait ! De nombreuses personnes viennent désormais vers nous pour nous donner des pistes et des idées, on nous invite à visiter des lieux insolites de la ville (pour les intégrer dans la série BD) ».

Les fameux « grondins » de « New Cherbourg Stories » © Reutimann, Gabus & Casterman 2020

Des manettes au burin, un univers en expansion

D’autres initiatives ont suivi, parmi lesquelles le développement, par la société cherbourgeoise Le Rituel, d’un jeu en réalité virtuelle reprenant les décors modélisés du « Roule Palace » (un hôtel de luxe dans la BD, inspiré aux auteurs par le
Fort du Roule, qui est en réalité un Musée de la Libération). Certaines scènes du jeu sont d’ailleurs présentées au sein de l’
exposition New Cherbourg Stories. Ou la réalisation d’un buste de « grondin », ces créatures marines présentes dans la série, par un sculpteur local. La municipalité envisagerait même la création d’un mur peint, et une étudiante en communication a carrément commencé à étudier l’impact de la bande dessinée sur la diaspora Cherbourgeoise !

Décors du jeu « Le Roule Palace » © Le Rituel 2020

Presque plus saillantes que l’œuvre dont elles découlent, les incidences locales sont donc nombreuses et diverses. C’est peut-être le plus grisant de cette aventure éditoriale, qui rappelle d’abord combien la bande dessinée est un médium populaire et rassembleur ; et qui souligne ensuite à quel point les habitants sont attachés à leur territoire et aspirent à participer à son développement culturel.

 

New Cherbourg Stories t1 « Le monstre de Querqueville », de R. Reutimann & P. Gabus – éd. Casterman, 14,50 euros

Exposition New Cherbourg Stories, jusqu’au 29 mars au Musée Thomas Henry (Cherbourg-en-Cotentin)

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