Un jeu de guerre «Call of Duty» à la fois réaliste et fun, est-ce possible?

A l’instar de FIFA et des jeux de sports,
Call of Duty est réglée comme une pendule et revient chaque année avec une nouvelle itération. Presque des sous-licences, avec
la Seconde Guerre mondiale (les premiers, World at War, WWII), Black Ops, et peut-être la plus connue, Modern Warfare. Près de dix ans après la trilogie originale,
Modern Warfare revient vendredi sur PS4, Xbox One et PC, non pas sous la forme d’une suite mais d’un reboot.

« Il nous a semblé qu’assez de temps avait passé, que le monde avait assez changé pour faire un jeu différent, explique Taylor Kurosaki, directeur narratif au studio Infinity Ward. Les premiers Modern Warfare s’ancraient dans un climat et un malaise post 11-Septembre, or c’est de l’histoire ancienne aujourd’hui, une époque que les jeunes recrues de l’armée n’ont même pas connue. C’est un tout nouveau monde, et une toute nouvelle guerre moderne contre le terroriste et contre la terreur. »

De nouvelles histoires, de nouveaux points de vue

Depuis l’annonce du jeu et sa présentation à l’E3, les éléments de langage sont rodés, martelés : Le monde a changé, et avec lui la guerre, les ennemis, les champs de bataille. La guerre est moralement plus complexe, les ennemis moins définis et identifiables, et ce nouveau
Call of Duty propose d’explorer ces zones grises, de ne pas fermer les yeux sur les dommages collatéraux. « Une de nos priorités était de mettre en lumière les alliés et forces locales, qui se retrouvent pris dans le feu d’une guerre qui n’est pas forcément la leur, mais celle des puissances, et qui en paient souvent le prix. Pour elles, faire la guerre ne signifie pas partir loin sur le front, mais protéger son village, ses proches. Nous voulions raconter leurs histoires, épouser leur point de vue, ce que la série Call of Duty n’avait jamais vraiment fait. »

Franchir ou pas la ligne jaune

La campagne solo met ainsi le joueur dans la peau, tour à tour, d’un policier britannique, Kyle Garrick, d’un agent de la CIA, Alex, et de la cheffe des rebelles, Farah. « Dans ma jeunesse, j’aurais adoré voir un tel personnage sur les écrans, n’importe quel écran, commente son interprète, Claudia Doumit. Une femme du Moyen-Orient, forte, indépendante, qui se bat pour la liberté. »

Farah est présentée comme le repère moral par l’équipe du jeu, en comparaison au Capitaine Price, figure historique de la licence, grosse moustache, gros bras et vieilles méthodes. « Où mettons-nous la ligne jaune », demande le rookie Kyle à un moment. « Tu mets la ligne où tu as besoin de la mettre », répond le vieux loup Price. « Farah combat des terroristes, capables de tout pour vaincre, et doit se demander : comment respecter les règles si mon ennemi n’en a aucune », ajoute Taylor Kurosaki.

Explorer les zones grises

Cette femme est-elle une civile ou une terroriste ? Se retourne-t-elle pour protéger son bébé ou pour prendre une arme ? Le joueur est mis régulièrement face à des situations inconfortables, des choix difficiles. C’est la fameuse zone grise de la guerre. « Chaque action a des conséquences sur la suite, les dialogues, l’histoire », détaille le directeur narratif de Modern Warfare. Jusqu’à un certain point. « Non, il n’est pas possible de tuer la mère et son bébé, ajoute-t-il en référence à une mission d’infiltration intense et immersive à Londres. Comme ce ne serait pas possible lors d’une vraie opération militaire. Nous avons les mêmes standards. Si vous tirez sur tout ce qui bouge, vous devriez être arrêté et jugé devant une cour martiale. » Mais, bien sûr, pas de ça ici.

« Le cinéma aborde des sujets durs, pourquoi pas le jeu vidéo ? »

Si Call of Duty n’est plus le blockbuster d’action qu’il a pu être, et se rapproche du réalisme d’un Spec Ops : The Line, un échec commercial lors de sa sortie en 2012 d’ailleurs, il se veut également toujours un jeu de guerre « fun ». Est-ce possible ? « Prenons l’exemple du cinéma, argumente Taylor Kurosaki d’Infinity Ward. Tu peux aller voir une comédie légère ou un thriller intense, qui t’accroche à ton siège, te bouscule, t’excite. Nous acceptons que les films abordent des sujets durs, compliqués, pourquoi pas le jeu vidéo ? Toutes les histoires doivent être racontées, vécues. En ce sens, la mission d’infiltration à Londres est fun, elle me prend aux tripes, je veux savoir ce qu’il va se passer. Mais on est d’accord qu’il n’est pas possible de tenir cette intensité tout du long, ce serait trop stressant, fatiguant, insoutenable. Le jeu fait aussi la part belle à la camaraderie, l’empathie, la victoire… Il y a tout un spectre d’émotions à explorer. »

« Tu dois avoir la boule au ventre au moment d’appuyer sur la gâchette, renchérit l’actrice Claudia Doumit. C’est inconfortable, et c’est tant mieux. Chaque choix doit résonner en toi, tu n’es pas là pour te marrer, et tirer dans tous les sens. » Pour Elliot Knight, interprète du Sergent Kyle Garrick, ce Call of Duty : Modern Warfare participe à redéfinir l’entertainment et à éveiller les consciences : « Le public visé, les fans de FPS, ne s’attend pas forcément à un jeu si complexe, guidé non par l’action mais par l’histoire et les personnages. » Alors jeune recrue, mission acceptée ?

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