André Téchiné est réalisateur, cinéaste et surtout un passionné du septième art. D’abord en tant que critique pour les Cahiers du cinéma et puis il y a eu l’écriture de scénario, quelques réalisations, une formation à l’Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC). Sa naissance en tant que réalisateur aura lieu avec Souvenirs en France, en 1975, avec une Jeanne Moreau et Marie-France Pisier habitées. Et puis il y a eu Barocco avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu (1976). Ses premiers films à gros budget : Les sœurs Brontë (1979) ou encore Hôtel des Amériques en 1981 avec Catherine Deneuve, une collaboration qui va perdurer.
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Ce mercredi 12 avril 2023, il sort son nouveau film Les Âmes sœurs avec Noémie Merlant, Benjamin Voisin, Audrey Dana et André Marcon. C’est l’histoire d’un lieutenant des forces françaises engagé au Mali, grièvement blessé dans une explosion pendant une intervention. Il est rapatrié en France et va être accompagné par Jeanne, sa sœur, pendant sa longue convalescence, qui va notamment se concentrer sur son amnésie.
franceinfo : Votre film Les Âmes sœurs n’est-il pas finalement avant tout un focus sur le travail de mémoire, sur la mémoire ?
André Téchiné : Oui, c’est ça. C’est sur la mémoire et c’est sur la mémoire à travers le soin. J’ai écrit ce film pendant la période du Covid où il était beaucoup question de prendre soin des autres. Et le film est sans doute marqué par cela puisque c’est l’histoire d’une sœur qui va vouloir prendre soin de son frère et se battre pour qu’il parvienne à se remettre d’aplomb. Ça, c’est passionnant pour un cinéaste parce qu’un cinéaste a toujours envie de faire les choses pour la première fois, et là, j’avais justement l’occasion d’un personnage qui faisait tout pour la première fois et de sa sœur qui était à ses côtés. Mais elle avec évidemment un décalage puisqu’elle pouvait se référer à un passé dont elle était la seule dépositrice.
Est-ce que, quand vous tournez, vous faites les choses comme si c’était la première fois ? Avec toujours vos yeux d’enfant ?
Ça, c’est le rêve ! C’est exactement ça. C’est-à-dire que je ne me sens pas du tout, malgré mon âge, expérimenté. Chaque fois, j’aborde un film comme une aventure complètement nouvelle, humaine puisque je vais rencontrer des gens, artistique parce que je vais me lancer dans un projet sans savoir vraiment ce que je vais découvrir. Et là, c’était formidable parce que je traversais pas à pas avec ces personnages qui eux aussi marchaient dans l’inconnu. Et c’était très stimulant pour nous tous.
Je voulais savoir à quel moment vous avez compris que vous alliez faire du cinéma. Ça remonte à l’enfance ?
Sans doute. J’ai eu une enfance très provinciale. Isolé, on peut dire. Je n’étais pas très sociable et le cinéma, c’était la seule clé, c’était le trou de la serrure. Je pouvais imaginer d’autres mondes, d’autres vies, d’autres relations. Enfin, c’était vraiment l’évasion. Ça me faisait rêver. Il y avait une espèce d’opposition parce que je voyais beaucoup de films français, mais là, curieusement, je n’avais pas très envie de ressembler à ce cinéma français et à ses personnages.
Je préférais ressembler à Gary Cooper qu’à Jean Gabin quand j’étais petit.
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Est-ce que le cinéma vous a permis justement de raconter vos histoires, de vous faire du bien, de vous alléger ?
Pour moi, c’était magique et je crois que maintenant, ce que je fais de mon côté, avec mon équipe, avec les gens que je choisis, c’est comme quand on joue enfant et qu’on prend le jeu et les compagnons très au sérieux. On fait des opérations magiques. Et mon rêve, c’est toujours évidemment d’entraîner les spectateurs dans cette magie.
Vous avez su aborder des sujets qui étaient vraiment tabous, des sujets qui fâchaient souvent : le divorce, l’adultère, la prostitution, la délinquance, la toxicomanie, l’homosexualité, le sida… C’est aussi ça être cinéaste, tenter de faire changer les mentalités ?
C’est une vision qu’on peut avoir, mais c’est une vision qui me paraît très optimiste. Je suis un tout petit peu plus sceptique que vous.
Je ne suis pas sûr que le cinéma puisse changer le monde, mais en revanche, je pense qu’il peut mettre des sons et des images là où il n’y en a pas, de mettre des représentations là où justement elles manquent.
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Est-ce que le fait que Les roseaux sauvages, en 1994, vous permettent d’obtenir deux César, celui du meilleur réalisateur et celui du meilleur scénario, vous a apaisé ?
Non, parce que s’il y a quelque chose que je redoute et qui me fait peur, c’est le calme plat. Et c’est aussi un moteur pour les films que j’entreprends. C’est quand même un goût ou un désir de la bagarre. Je crois que le jour où je l’aurai perdu, je ne suis pas sûr que j’aurais encore envie de faire des films, tout simplement.
Que vous a apporté le cinéma ?
Ça m’a apporté toute cette opération magique avec quand même la possibilité d’avoir un métier, ce qui était en ce qui me concerne très incertain. Et puis aussi, malgré tout, sans emphase, traiter de ces petits récits qui n’étaient pas représentés. Mettre des images et des sons sur ce qu’on ne voyait pas et sur ce qu’on ne montrait pas.
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