- Mighty Thor dans Thor : Love and Thunder, She-Hulk sur Disney+, Riri Williams dans Black Panther, Wakanda Forever… Les super-héroïnes seront sur tous les écrans cette année.
- Il semble loin le temps où elles étaient boudées par les studios. « Pendant longtemps Hollywood s’était mis en tête que les films de super-héroïnes ne marchaient pas », explique à 20 Minutes Xavier Fournier, journaliste et auteur de Super-Héros : L’envers du costume.
- Cette visibilité récente des super-héroïnes dans les productions américaines est notamment due à l’évolution des mentalités et des attentes du public.
Cette année, elles crèvent le petit comme le grand écran. Le 13 juillet, Natalie Portman sera Mighty Thor, la déesse du tonnerre dans Thor : Love and Thunder au cinéma. Dès le 17 août, Tatiana Maslani campera She-Hulk dans la série éponyme de Disney+. Et en novembre, Riri Williams, successeure d’Iron Man, devrait faire son apparition dans la suite de Black Panther, Wakanda Forever. Autant de super-héroïnes dans les salles ou sur les plateformes, sur un si court laps de temps, c’était du jamais vu jusque-là. Pourtant, nombre de fans des comics books attendaient depuis longtemps de voir ces personnages féminins prendre vie. Pourquoi n’ont-elles pas eu droit plus tôt à ce coup de projecteur ? Explications.
Quand, en 2019, sort Captain Marvel, c’est un évènement. Il s’agit du premier film solo d’une super-héroïne dans le MCU [l’univers cinématographique Marvel]. Le personnage existe pourtant depuis 1988. Pire, Black Widow, interprétée par Scarlett Johansson dans les productions Marvel depuis 2010, n’a obtenu la tête d’affiche qu’en 2021.
D’abord, des flops
« Pendant longtemps Hollywood s’était mis en tête que les films de super-héroïnes ne marchaient pas », explique à 20 Minutes Xavier Fournier, journaliste et auteur de Super-Héros : L’envers du costume. En effet, Supergirl, Catwoman et Elektra, trois films de super-héroïnes, sortis respectivement en 1984, 2004 et 2005, se sont soldés par des flops. Par exemple, pour un budget de production de 100 millions de dollars de production, Catwoman n’en a rapporté que 82. Un échec que le spécialiste des comics explique par « un scénario écrit avec les pieds… Une Barbie avec des superpouvoirs. »
La fin de la décennie 2010 marque un tournant dans la création de films de super-héroïnes. Le succès des franchises Marvel et DC Comics rassurent les producteurs et la demande de films centrés sur les femmes de ces univers se fait sentir, ce qui lance les productions de Wonder Woman et Captain Marvel. Changement de paradigme en cette période post- #MeToo, qui a secoué l’industrie cinématographique l’invitant à se remettre en question et s’ouvrant aux voix féminines et féministes. Résultat : deux succès atteignant ou frôlant le milliard de dollars de recette et qui pavent la route pour d’autres productions comme She-Hulk ou Miss Marvel pour le petit écran. Les super-héroïnes sont plébiscitées et rapportent gros.
Les super-héroïnes face aux sexistes
Malgré le succès indéniable des films Marvel, les critiques se font cependant de plus en plus fortes. Florilège sur les réseaux sociaux : « Captain Marvel est une propagande féministe » , « Marvel fait de la propagande progressiste » ou encore « She-Hulk ? More She Woke » («Miss Hulk ? Plutôt Miss Woke »). Les productions Marvel Studios sont accusées d’être trop féministes, pro-LGBT, favorables à la justice sociale. Des accusations notamment portées par des conservateurs américains qui voient en ces films et séries des médiums propageant un progressisme qu’ils refusent et qui ne correspondent pas à leur vision des comics. « Les femmes dans les comics sont un thermomètre du rôle de la femme dans la société. Dans les années 1950, les plus rétrogrades pour les personnages féminins comme Wonder Woman d’ailleurs, on créait des super-héroïnes pour montrer la supériorité de l’homme. Ce qui illustre bien le sexisme des auteurs de l’époque », rappelle Xavier Fournier.
La volonté du studio de mettre en avant ces femmes et les personnages issus de la diversité serait donc en adéquation avec les valeurs de la « Maison des Idées » (le surnom de Marvel). « Marvel a très vite été conscient de la nécessité d’avoir de la diversité, ce qui a mené à la création de Black Panther dans les années 1960, plus tard à celle de Miles Morales [le Spider-Man aux origines latino-africaines] ou encore à celle de Khamala Khan [la Miss Marvel actuelle, Pakistanaise et musulmane]. »
Ces personnages et leurs histoires rencontrant leur succès, la recette est à nouveau utilisée pour créer de nouveaux personnages sur la base d’anciens. C’est ainsi que Mighty Thor (Jane Foster) est née sous la plume de Jason Aaron et que Brian Michael Bendis a créé Iron Heart alias Riri Williams, la nouvelle Iron Man. Des personnages qui bouleversent les codes genrés des comics et qui débarqueront donc prochainement sur nos écrans.
L’inclusion dans le MCU, volonté artistique ou coup de com’ ?
Si la Maison des Idées a entrepris cette diversification de ses personnages, il est logique que ses adaptations suivent la même dynamique. Mais il ne faut pas se leurrer, l’intérêt économique n’est jamais très loin. Le récit Jane Foster en déesse du tonnerre a boosté les ventes de Thor de 30 % a confié le scénariste Jason Aaron. Un aspect qui a certainement été pris en compte lors de la décision d’adapter cet arc narratif dans le prochain film.
Pour Xavier Fournier, la question de l’inclusion divise les Etats-Unis en deux blocs, celui qui la promeut et celui qui la conspue. « Marvel, et Disney par extension, a choisi d’embrasser ces questions. En faisant cela, Marvel satisfait le public qui souhaite que l’on s’empare de ces thématiques et agite le nid de guêpes de l’extrême droite américaine qui, de fait, parle du film et lui fait de la pub. »
Mettre les super-héroïnes sur le devant de la scène est elle le signe d’une réelle volonté ou d’un simple opportunisme mercantile ? Xavier Fournier ne tranche pas : « C’est à la fois fromage et dessert. »
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