Pour quelques dizaines d’euros, on peut faire décrypter nos gènes par correspondance et en savoir un peu plus sur nos origines. Une belle promesse sur le papier. Mais certains résultats sont à prendre avec précaution.
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Living DNA, MyHeritage, 23andMe ou encore Family Tree DNA : plusieurs sociétés étrangères se partagent le marché florissant des tests ADN généalogiques. Un échantillon de salive suffit pour comparer nos gènes dans des bases issues du monde entier. Les populations se sont déplacées, les frontières ont bougé, et nos origines s’avèrent souvent bien plus complexes qu’on ne l’imagine. Des millions de personnes auraient déjà fait analyser leur génome dans le monde, y compris en France. Au-delà des informations sur nos racines géographiques, cette technique nous permet également de découvrir des cousins plus ou moins éloignés. Une expérience amusante, bien sûr, mais qui réserve aussi parfois des surprises !
Test ADN : des chiffres et peu d’explications
Faire déchiffrer son ADN est autorisé depuis plusieurs années déjà aux États- Unis, en Italie, au Danemark ou en Allemagne. En revanche, on l’ignore souvent mais cette pratique reste illégale en France et passible de 3.750 euros d’amende, en l’absence de nécessités médicales ou judiciaires. Or, d’après une estimation de l’Inserm, environ 150.000 Français y ont tout de même recours chaque année. Et pour cause : il n’y a rien de plus facile.
Les sites internet ont pignon sur rue et ils ne sont pas avares en publicité. « Je ne savais pas que c’était interdit« , avoue Dominique. Ce septuagénaire passionné de généalogie n’a pas pu résister à la tentation. « Je me suis tout simplement connecté sur le site pour envoyer une demande, puis j’ai reçu un kit de prélèvement. On doit juste frotter le Coton-Tige à l’intérieur de sa joue, remballer le tout et le renvoyer dans une enveloppe prépayée.«
Dominique a ensuite créé un compte. Il a reçu ses résultats par e-mail trois semaines plus tard. « J’ai découvert que j’avais 33 % de slave, alors que ma famille est à moitié italienne et à moitié originaire du sud-ouest de la France« , raconte-t-il. « Cela a clairement posé plus de questions que ça n’a apporté de réponses ! » Dominique n’est pas le seul déconcerté : les témoignages perplexes abondent. Une fois passé l’effet « pochette-surprise », on est finalement un peu perdu : que signifient ces chiffres ? De quels ancêtres parle-t-on ? Ce ne sont pas MyHeritage ou 23andMe qui pourront le dire.
Test ADN : prudence avec les infos ethniques
15 % ibérique, 25 % anglaise… Il est tout d’abord fondamental de garder en tête que ces pourcentages représentent des tendances et non des valeurs absolues. Un laboratoire analyse l’échantillon d’ADN. Puis, des ordinateurs croisent les résultats obtenus avec des données sur des groupes de populations historiques, dont on sait retracer le parcours à travers le temps, ainsi qu’avec les informations communiquées par les personnes testées (leur lieu de vie ou bien leur arbre généalogique, par exemple). C’est un algorithme qui, au bout du compte, est chargé de simplifier et traduire le tout en chiffres intelligibles.
« Il y a de nombreuses imprécisions« , pointe Nathalie Jovanovic-Floricourt, présidente de l’association DNA Pass. « Elles sont notamment liées au fait que les analyses parlent de nationalités, alors qu’en réalité, il s’agit de populations qui sont souvent transfrontalières. » Par exemple, lorsqu’on vous annonce que vous êtes « ibère« , cela recoupe une partie du sud-ouest de la France. Quant au diagnostic « anglais« , il englobe également la Bretagne et la Normandie…
Par ailleurs, comme chaque société constitue sa propre base de données, on a de fortes chances d’obtenir des conclusions différentes si on réalise plusieurs tests. Les infos délivrées se révèlent donc plutôt grossières.
Des révélations parfois étonnantes…
Mylène se croyait bretonne à 100 %. « Ma mère est issue d’agriculteurs du Finistère et toute la famille de mon père est ancrée en Ille-et-Vilaine« , précise cette octogénaire aux yeux bleu clair. Ses analyses ont pourtant établi qu’elle était un gros tiers « italienne » et 10 % « ibère ». « Je suis quasiment autant du Sud que du Nord !« , s’amuse-t-elle. On oublie que nos ancêtres ont parfois énormément bougé. « La France est un carrefour de l’Europe« , note Nathalie Jovanovic-Floricourt. « Beaucoup de navigateurs sont ainsi passés par la Bretagne.«
Pour comprendre d’où l’on vient, il ne faut pas trop se fier à la mémoire familiale, qui remonte rarement au-delà de deux ou trois générations. « Je me souviens d’une personne qui avait retracé sa généalogie en Bretagne« , rapporte notre spécialiste. « Elle pensait être enracinée depuis toujours dans cette terre, jusqu’à ce qu’elle se trouve un ancêtre espagnol. Installé en Bretagne, il avait tout simplement racheté un château et le nom qui allait avec ! » Un test ADN peut ainsi, quelquefois, complètement modifier l’image que l’on avait de soi et de sa famille.
… et des découvertes bouleversantes
Marie-Laure était persuadée d’avoir le Cantal comme berceau familial. Au détour d’un test ADN offert par sa petite-fille, elle a eu une mauvaise surprise. « Apparemment, il y aurait un fort pourcentage d’Europe du Sud dans mes gènes, ce qui ne correspond pas du tout à mon histoire« , témoigne-t-elle. « Je pense que ces tests ne sont pas fiables ; mais peut-être aussi que quelqu’un de ma famille a menti… » Les kits commercialisés sont souvent qualifiés de « récréatifs« , car ils ne font pas de pronostics sur la santé. Mais ils touchent tout de même à l’identité, ce qui n’est pas rien.
D’autres surprises peuvent venir de la recherche de parents éloignés. Une fois qu’on a livré son ADN, l’entreprise propose de nous mettre en relation avec d’autres clients qui partagent un patrimoine génétique avec nous. Il s’agit d’une partie très fiable du test. Le site nous trouve aussitôt de nombreux « parents » dans le monde entier. Si l’on a rarement plus de 1 % d’ADN commun, cela peut toutefois être l’occasion de créer des liens… et de voyager. Internet regorge de témoignages de rencontres et d’amitiés tissées avec un cousin très éloigné, habitant au Texas ou au Brésil. Le succès de ces sites a enrichi leurs bases de millions d’utilisateurs, ce qui augmente d’autant plus nos chances d’agrandir la « famille ».
Il peut arriver qu’on tombe sur une personne beaucoup plus proche de nous. Une situation parfois… gênante. « J’ai découvert que je partageais 6 % de mes gènes avec une certaine Claire, qui vit en Angleterre« , confie Louise, 33 ans. « Cela fait d’elle ma cousine directe. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : mon grand-père paternel n’est pas mon grand-père biologique. » Déterrer sans le vouloir un secret de famille n’est pas toujours agréable. Heureusement, c’est très rare. « Des études de généticiens spécialisés ont montré qu’il n’existait que 1 % d’enfants adultérins environ« , affirme Nathalie Jovanovic-Floricourt.
Un retour vers ses ancêtres
Une fois le test réalisé, demeure une solution pour répondre aux questions soulevées : établir son arbre généalogique, unique moyen de retrouver des ancêtres communs entre cousins lointains, ou de comprendre qui nous a transmis des gènes d’ici ou là. Ce travail peut se lancer via le site auquel on a eu recours pour le test, ou à partir d’autres plateformes (Geneanet, Filae…). On peut d’abord entrer soi-même les informations dont on dispose, puis chercher sur internet les actes de mariage ou de naissance mis en ligne par les municipalités.
En utilisant la même plateforme que pour son test ADN, on a de fortes probabilités de tomber sur un parent éloigné qui a entrepris la même démarche que nous : le site nous met alors en contact avec lui. C’est un bon moyen d’échanger des documents et de mutualiser ses connaissances sur la famille. « On peut remonter à peu près jusqu’en 1600« , complète notre experte. Cela nous laisse une belle marge de manoeuvre pour déterminer qui étaient vraiment nos ancêtres.
Il faut aussi, souvent, s’intéresser à l’histoire de sa région : « Par exemple, si on habite à La Rochelle, on comprend mieux les résultats de ses tests ADN si on sait que la ville a été sous domination anglaise« , souligne la spécialiste. Une chose est certaine : nos racines sont bien plus complexes et mystérieuses qu’on ne l’imaginait !
Comment trouver le bon test ?
Le plus francophone. MyHeritage est le seul test en français (89 €). Il dispose également de la plus grande base de données, et la plus étendue géographiquement (sur 2.114 régions).
Le plus complet. Le test du chromosome Y permet de retrouver jusqu’à mille ans de lignées paternelles, contre deux cent quarante ans pour les tests « classiques ». On le trouve notamment chez Family Tree DNA, dans une fourchette de prix allant de 153 à 588 €.
Le plus précis. 23andMe permet de différencier les informations provenant des lignées paternelles ou maternelles (90 €).
Le moins cher. 72 €, chez Family Tree DNA.
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