Sourde de naissance, elle est devenue comédienne. Portrait d’une jeune femme de 20 ans, aussi talentueuse qu’engagée, à découvrir dans lundi 16 mars à 10 h 10 sur France 5.
Comment avez-vous intégré le casting de la série Skam?
Winona Guyon : J’ai vu passer une annonce sur Facebook disant que Skamcherchait des comédiens malentendants. Je n’avais aucune expérience de comédienne, ni même aucune envie de jouer, mais ma famille m’a dit "vas-y ! Essaie". Alors j’y suis allée pour leur faire plaisir… et j’ai été prise. La réalité est qu’à la fin du premier jour de tournage, j’adorais ça. Et qu’en me voyant jouer à l’écran, j’ai compris que j’avais peut-être quelque chose à faire en tant que comédienne.
Vous êtes sourde de naissance. Quels obstacles avez-vous rencontrés dans votre parcours scolaire ?
En primaire, à Lyon, j’étais dans des classes bilingues LSF (Français/Langue des signes française, ndlr) donc facile. Au collège, à Paris, j’ai eu un interprète car nous étions plusieurs sourds. C’est au lycée, à Reims, que ça s’est gâté : j’étais la seule sourde, pas d’accessibilité ni de soutien. C’était très dur. Après mon bac, j’ai décidé de mettre ce système scolaire à distance. Je suis partie six mois en Amérique du Sud, avec une amie sourde comme moi, et j’ai aussi fait une mission humanitaire au Bénin.
Quel accueil vous a-t-on réservé en Amérique du Sud ?
Ultra-chaleureux. Je signe, je n’oralise pas du tout, mais les gens essayaient de communiquer avec moi par tous les moyens, le mime par exemple. En France, je me suis souvent retrouvée devant des entendants choqués, statufiés en découvrant que je suis sourde. J’ai aussi été insultée, ou moquée à base d’imitations de singes… Finalement, dans ces pays très pauvres, j’ai vu beaucoup plus d’entraide et de bienveillance.
Avez-vous souffert de la sous-représentation des sourds à la télévision et au cinéma ?
Je n’en souffrais pas car je me disais "c’est comme ça". Je rêvais parfois que le présentateur du JT s’adresse directement à moi en langue des signes, mais bon…
Vos parents sont également sourds. Quelle différence entre leur façon de vivre la surdité et la vôtre ?
Dans ma famille, on est sourds depuis quatre générations. Pour mes grands-parents, il fallait vivre "entre sourds". Pour mes parents, très militants, il fallait au contraire se mélanger avec les entendants. Je reste sur la même ligne et j’ai bénéficié de leurs combats pour davantage de classes bilingues. Pour ma génération, il faut se battre pour plus de visibilité au cinéma, au théâtre, à la télévision. Je me sens une grande responsabilité vis-à-vis de la communauté des sourds.
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