En classe de seconde, après des années de souffrance, Naama est internée en urgence en psychiatrie. Le diagnostic tombe : schizophrénie dysthymique. Elle témoigne pour donner à voir la réalité de son trouble. Dans ma tête, un doc à voir en rediffusion sur TV Slash
Les hallucinations auditives, l’impression d’entendre des voix, sont l’un des symptômes de votre trouble. Quand sont-elles apparues ?
Naama : Petite, déjà, j’entendais une voix dire mon prénom. Je me retournais et il n’y avait personne. Très souvent. Tout s’est aggravé vers 14 ans, quand je suis tombée en dépression grave. J’avais des problèmes dans ma famille, à l’école, rien n’allait. Et surtout il y avait cette voix, féminine, toujours la même, qui me chuchotait à l’oreille des choses menaçantes. Si je prenais les escaliers, elle me commandait de sauter du haut des marches. Si j’étais entourée de gens, elle me disait : "Regarde ce garçon là-bas, tu ne vois pas qu’il se moque de toi ?"
Vous en parliez votre entourage ?
Non. Mes parents étaient séparés. Ma mère vivait loin et moi, j’étais avec mon père, qui avait ses propres gros problèmes à régler… J’ai remonté la pente de la dépression toute seule. Jusqu’à mes 17 ans. Les voix étaient devenues obsédantes, elles me faisaient douter de tout le monde et me poussaient à me supprimer. À la rentrée en seconde, j’en étais à trois tentatives de suicide. Mes amies trouvaient bizarre que j’alterne des phases hyperactives, où je parlais beaucoup, voulais faire plein de trucs, et des phases où je devenais muette comme une carpe. Sans raison. Ça ne pouvait plus durer.
Vous abordez le sujet avec l’infirmière du lycée…
Oui. Je voulais qu’on mette un mot sur ce que j’avais. Quand je lui ai expliqué mes symptômes, elle m’a emmenée direct en consultation aux urgences de l’hôpital qui était juste derrière le lycée. Là, on m’a dit que j’étais une menace pour moi-même et qu’il fallait m’hospitaliser en psychiatrie immédiatement. Le soir même j’y étais. Pour la première fois depuis longtemps, entourée par des gens qui allaient m’aider.
Vous y restez quatre mois, en poursuivant votre scolarité.
Je dormais à l’hôpital, une infirmière en civil m’emmenait au lycée et venait m’y chercher le soir. J’avais des médicaments et des consultations psychiatriques, des visites de ma famille le week-end.
"Il y a trop de clichés sur la schizophrénie"
Comment vos proches réagissent-ils ?
Ils ont des clichés sur l’hôpital psychiatrique dans la tête. Mes potes me demandent si on m’a passé la camisole, si je suis attachée au lit… Ces quatre mois me font beaucoup de bien. On pose des mots sur mon mal-être : schizophrénie dysthymique.
Mais un mois après votre sortie, vous rechutez…
J’étais dans un délire paranoïaque. J’étais persuadée qu’il y avait des caméras partout, dans les murs, derrière les miroirs ; qu’on me suivait et qu’on finirait par m’agresser… En dix-huit mois, j’ai enchaîné huit hospitalisations. Avec la peur que ma vie allait se résumer à ça.
Vous avez 20 ans. Comment allez-vous maintenant ?
Je suis stabilisée. Les médecins ont trouvé les médicaments qui régulent mon humeur, calment mes angoisses et les voix. Les crises hallucinatoires se sont espacées. J’arrive plus facilement à repousser les voix quand elles me viennent. Je suis en classe de première dans un centre soin/étude spécialisé dans les troubles psychiques, à une heure de route de chez moi.
Outre les médicaments, qu’est-ce qui vous apaise ?
Le dessin, toujours. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans cela. C’est un univers inoffensif. En revanche j’évite tout ce qui est science-fiction, complot, etc. J’ai tendance à y croire.
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