Témoignage : "Ex-cancre, j'aide aujourd'hui les élèves en détresse"

Les problèmes d’orthographe peuvent se corriger vite et bien. Anne-Marie Gaignard en est la preuve vivante. Aujourd’hui, grâce à sa méthode, des milliers d’enfants fâchés avec l’école lui disent merci !

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Anne-Marie Gaignard, 60 ans, pédagogue, formatrice et autrice

Après avoir longtemps souffert de dysorthographie, Anne-Marie Gaignard a créé une méthode révolutionnaire pour retenir les règles de la langue française, avec à son actif plus d’une vingtaine d’ouvrages et une communauté de 500 000 lecteurs (1). Cette femme dynamique anime aussi des conférences et des formations dans plus de douze pays francophones. En métropole, un réseau d’une centaine de formateurs indépendants transmet son savoir-faire aux enfants comme aux adultes. (2)

(1)dont le récent “Hugo prend son envol : un conte pour apprendre à travailler seul” (Le Robert)

(2)Plus d’informations sur www.https://www.anne-marie-gaignard.fr/

“Tu as la tête comme une passoire », “N’a pas appris sa leçon”, “Tu as oublié de te relire ?”, “Pas la peine de la mettre à l’école, elle dort”… Pour Anne-Marie, le divorce d’avec l’école date du CE1. Trop de souffrances. Classe après classe, la petite fille se sent incomprise, “idiote”. Ses résultats pitoyables en sont la preuve, non ? Les médailles d’or qu’elle rafle en compétition de gymnastique sont loin de rassurer ses parents, des intellectuels brillants qui dévorent les livres. A 9 ans, elle pense même à entrer au couvent pour échapper à l’école…

“J’aimais les mots, mais les mots ne m’aimaient pas”

J’avais beau essayer de me concentrer ou de me relire, j’écrivais toujours aussi mal et me sentais coupable. Une faute d’orthographe n’est pas une simple erreur. On est sur un terrain honteux : l’écrit, c’est l’image de soi que l’on renvoie à l’autre. Peu à peu, j’avais la sensation de lire plus vite et de mieux comprendre les textes. Ce n’était pas le cas ! Mais j’adorais inventer ou écouter des histoires. Mon père a dû emprunter des dizaines de fois à la bibliothèque le livre-disque Aladin et la lampe merveilleuse. Le diagnostic de “dyslexie” a été posé, trop vite, avant mon entrée en sixième. La rééducation chez l’orthophoniste n’a évidemment rien donné. J’ai compris avec le recul que j’étais victime de la “méthode globale ». Je n’avais aucune mémoire photographique. En fait, j’écrivais comme j’entendais. D’où mes (seuls) bons résultats en espagnol. Moi qui rêvais d’études littéraires pour devenir journaliste spécialisée en relations internationales, j’ai été orientée en seconde technique. A l’oral du bac de français, j’ai eu 19,5, mais à la dictée, -85 ! Très humiliant. Mais mon diplôme en poche, j’allais enfin travailler comme commerciale et en finir, croyais-je, avec le calvaire de l’école. Les difficultés orthographiques m’ont rattrapée dans les devis et factures que j’adressais aux clients. Mon second travail (c’est un comble !), consistait à remplir des classes d’alternants et à assister aux conseils de classe. J’étais donc chargée de sélectionner avec la direction les candidats. Cela se faisait lors d’un conseil de classe où les bulletins des élèves étaient examinés. Le tri se faisait en fonction de leurs notes. Dès qu’ils n’avaient pas la moyenne dans une matière, ils n’étaient pas retenus. Horrible pour moi ! C’est justement à ces jeunes-là, fâchés avec école, qu’il faut donner une chance. Ce travail résonnait trop avec mes propres échecs scolaires et j’ai commencé à aller de plus en plus mal.

“Jamais plus personne ne me jugera sur mon orthographe”

Après plusieurs arrêts maladie, j’ai démissionné. Ont suivi de longs mois d’hospitalisation pour anorexie mentale et dépression – à 34 ans, je ne pesais plus que 34 kilos -, j’ai décidé de m’attaquer une bonne fois pour toutes à mes problèmes d’orthographe. Le Bled et le Bescherelle ne m’ont été d’aucun secours : pour moi, c’était du charabia ! J’ai alors récupéré mes cahiers d’écolière et commencé à souligner tout ce qui me posait problème dans les mots. Puis dressé des listes de mots en y associant le dessin : par exemple, le “u” de “pause” en forme de tasse à café qui fume, pour le distinguer de “pose”. J’ai aussi regroupé par thème les mots à double consonne : “trotter”, “botter”, “culotter”, peuvent avoir comme point commun le cheval… Pour “démarrer”, il faut deux actions pour mettre en route le moteur. Sous chaque “r”, j’ai dessiné une flèche et l’action correspondante. Pour retenir le “h” de “hélicoptère”, je me suis souvenue des pales de l’hélice. A chaque fois, je me racontais une histoire et me servais du geste pour mémoriser. La quasi-totalité des mots d’usage y sont passés. J’ai ainsi vécu dix ans entourée de post-it ! Je me suis réconciliée avec les homophones et les invariables, avant de m’attaquer à la grammaire. Ces outils ludiques m’ont sauvée. J’ai eu l’idée de les tester pendant deux ans sur une centaine d’enfants. Qui ont tous retrouvé le sourire et le goût d’aller à l’école !

“J’ai voulu faire de la grammaire un jeu d’enfant ”

Sans la rencontre de Philippe Roux, à l’époque directeur de l’Institution des Lavandes à Orpierre (05), un pôle expérimental sur la dyslexie-dysorthographie, je ne serais sans doute pas devenue pédagogue. J’assistais à la conférence du congrès national d’Apedys France (Association des Parents d’Enfants Dys) quand cet ancien professeur de mathématiques et inspecteur d’académie a commencé à expliquer la différence entre une dyslexie toujours associée à une dysorthographie, clairement identifiable grâce à une IRM, et le fait d’être “simplement” mauvais en lecture et en écriture – les erreurs à l’écrit sont les mêmes. J’ai alors eu le déclic. Je ne souffrais d’aucune pathologie ni d’aucun déficit d’intelligence. Mes lacunes étaient rattrapables, celles des autres aussi. Je me suis donc lancée dans des centaines d’heures de recherches sur le fonctionnement du cerveau et de la mémoire pour qu’aucun enfant ne se sente malheureux et tombe dans “le syndrome de la nullité”. Mon premier livre, Hugo et les Rois Etre et Avoir, était né. Transformés en personnages de contes de fées, mots et verbes s’animent : le roi ÊTRE est gentil et facile à vivre tandis que le roi AVOIR se montre retors. Au fil d’une aventure en neuf étapes, Hugo, fort des secrets de grammaire de la fée Nina, relève les défis orthographiques lancés par les rois et reprend confiance en lui. J’ai envoyé le livre à l’Académie Française, rien que cela ! Verdict du linguiste Alain Rey : “Je ne regrette qu’une chose : ne pas y avoir pensé avant vous !” Je n’en revenais pas : mon “truc” était pourtant tout bête ! L’histoire fut publiée aux éditions Le Robert en 2003. Le début de la série des Hugo, chaque ouvrage reprenant le même principe : un conte, des fiches pratiques et des astuces concrètes de la fée pour activer grammaire, syntaxe et conjugaison. J’ai adapté la méthode aux adultes, car socialement, professionnellement, être nul en orthographe est un énorme handicap, surtout pour les cadres managers !

“Une dysorthographie se répare très facilement”

Chaque jour, je reçois des mots de remerciement de la part des parents dont les enfants allaient chez l’orthophoniste depuis des années, sans vraiment progresser. Faut-il rappeler que seuls 4 à 5% des enfants souffrent de dyslexie sévère ? Pour la grande majorité des élèves incapables d’écrire une phrase sans faute, le problème remonte au CP : ils ont appris à lire et à écrire avec une méthode qui ne leur convenait pas. “Le niveau des élèves baisse d’année en année”, constate l’Education nationale, impuissante. J’ai rencontré cinq ministres enthousiastes, mais rien ne bouge. Activer les trois types de mémorisation chez les enfants (l’image, le son et le geste) donne pourtant des résultats spectaculaires. Pour s’améliorer en orthographe, il faut en moyenne 12h pour un enfant et 14h pour un adulte. Mon rêve pour l’éducation de demain ? Intégrer le plus rapidement possible cette méthodologie dans la formation des enseignants du primaire. Je suis bien placée pour le savoir : quand on répare les mots, les maux disparaissent et la confiance en soi repart !

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