TEMOIGNAGE. Diane Rauscher-Kennedy : "Vous en connaissez beaucoup, des fugueuses de 77 ans ?"

Issue de la haute société anglaise, Diane Rauscher-Kennedy a vécu une enfance hors norme avant de vivre une histoire d’amour inimaginable. Rencontre avec une bourgeoise déchue qui témoigne mardi 5 novembre dans Le Monde en face, sur France 5, à 20 h 50.

Pour vous comprendre, il faut avoir un aperçu de votre enfance en Angleterre. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Diane Rauscher-Kennedy : Madame mère m’a envoyée au pensionnat à 3 ans et demi, trop contente de se débarrasser de moi. (Elle éclate d’un rire grave. ) Mes parents avaient un droit de visite tous les trois mois, ma sœur et moi les rejoignions pour le déjeuner du dimanche.

Avez-vous des souvenirs heureux de ce pensionnat ?

Non. Leur but était de fabriquer des madeleines, des jeunes femmes qui entreraient dans le moule et feraient des épouses parfaites pour des messieurs très en vue. Mais moi, j’avais un QI à faire peur, j’ai profité de leur enseignement car c’était l’une des meilleures écoles du monde mais j’avais "l’insolence muette" comme disait madame mère.

Quelle place tenait votre père ?

Il amenait tellement de fantaisie dans ma vie, me préparait des anniversaires fabuleux, faisait venir des personnages de contes de fées… Pour mes 4 ans, il m’a offert deux lionceaux ! Il avait fait construire un enclos énorme dans la propriété et quand le vent était dans la bonne direction, ça sentait le fauve dès l’entrée ! (Rires.)

Votre père était américain, issu de la célèbre famille Kennedy. Y avait-il des célébrités dans son cercle d’amis ?

Oui. Une fois par mois, il organisait un dîner de charité à l’Hôtel Savoy de Londres et faisait venir les célébrités, les Sinatra…

À 14 ans, votre père commence à vous envoyer en France pour les grandes vacances. Pourquoi ?

Il connaissait mon caractère, il savait que je ne supporterais pas la vie avec un Anglais ! Il m’a envoyée à Bordeaux, dans une grande famille de vignerons qui avait neuf fils. Il avait dans l’idée que l’un d’eux me choisisse mais celui qui m’intéressait ne m’a jamais regardée ! (Rires.)

En France, c’est le début de l’émancipation…

La mère de famille m’a rhabillée de la tête aux pieds ! Robe, short en soie, maillot de bain, pantalon cigarette… Et elle m’a fait couper les cheveux… Mon père ne m’a pas reconnue à la fin de cet été-là !

À 16 ans, vous arrivez à Paris pour démarrer, très en avance, vos études de médecine…

Mon père m’avait trouvé un appartement dans les quartiers chics et avait engagé un chauffeur et une femme de chambre pour m’emmener chaque jour à la fac. Vous imaginez ! J’ai dû insister pour qu’ils me lâchent 300 mètres avant !

Pour vos 18 ans, votre père vous fait livrer une Porsche.

Je l’ai renvoyée et pris une Fiat 500, plus discrète !

À 20 ans, vous avez un accident sans gravité devant la piscine Molitor. En voyant le chauffard ivre qui vous est rentré dedans, vous avez un coup de foudre !

J’ai été foudroyée ! Il m’a vue en bermuda, lunettes de soleil et m’a dit : "Si vous cherchez une piscine, il y en a une en face." J’ai répondu : "Vous me voyez dans une piscine publique ?" Voilà, c’était parti.

Vous avez épousé cet homme qui n’était pas de votre milieu. Comment a réagi la famille ?

Mon père était mort hélas, mais il m’avait appris très jeune que l’honneur et la noblesse d’un homme c’est le cœur qu’il met à l’ouvrage, rien d’autre. Ma mère m’a envoyé une délégation, pour me faire changer d’avis. Je l’ai ignorée, on s’est mariés.

Cet homme, que vous aimez, vous quittera pourtant le jour de vos 60 ans, en vous laissant ses dettes…

Il m’a dit : "Je me sens vieux près de toi, je te quitte." J’ai tout perdu du jour au lendemain, y compris le respect de certaines personnes. J’ai mis quinze ans à rembourser ses dettes, vécu trois ans dans un foyer municipal d’où j’ai fugué il y a quelques mois. Vous en connaissez beaucoup, des fugueuses de 77 ans ?

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