« Au bout du compte, faute d’avoir pu se forger une intime conviction de culpabilité (…) le tribunal correctionnel de Genève a prononcé un acquittement au bénéfice du doute. » Mercredi 24 mai 2023, comme le relaie le journal suisse Le Temps, l’islamologue Tariq Ramadan a été acquitté dans un jugement pour « viol et contrainte sexuel », par manque de preuve.
Brigitte [le prénom a été changé, ndlr], la plaignante de 57 ans, accuse l’homme de l’avoir violée dans la nuit du 28 au 29 octobre 2008 dans une chambre d’hôtel, ce qui coïncide avec certains témoignages des victimes en France. En Hexagone, l’homme est aussi mis en cause par quatre femmes qui l’accusent de viols entre 2009 et 2016. Certaines plaignantes ont dit avoir été notamment victimes de « sodomies imposées par surprise » ou encore d’étranglement.
En juillet 2022, le parquet de Paris a requis son renvoi devant une cour d’assises, la décision d’un procès revient donc aux juges d’instruction. Tariq Ramadan est placé sous contrôle judiciaire en France, il a été 9 mois en détention provisoire en 2018.
La mémoire de la plaignante remise en cause
Selon le journal Le Temps, l’absence de preuves (pas de trace de sperme ou de sang, aucune image de vidéosurveillance, aucun témoin direct…) ainsi que « la possible altération des souvenirs » de la victime – dix ans se sont écoulés entre les faits et la plainte – ont entre autres motivé la décision de l’acquittement des juges. À noter que dans la plupart des affaires de violences sexuelles, le traumatisme peut provoquer un état de sidération ainsi que des pertes de mémoire.
Franceinfo précise qu’à l’annonce du verdict « le prédicateur suisse a souri et a été enlacé par l’une de ses filles ». Les avocats des victimes ont annoncé leur intention de faire appel. Une semaine plus tôt, le procureur de Genève avait requis trois ans de prison, dont la moitié ferme.
L’État de Genève a été condamné à verser 151 000 francs suisses (environ 154 400 euros) pour les frais de défense de l’accusé.
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L’accusatrice de Tariq Ramadan aurait eu « peur de mourir »
Si, comme le cite Le Monde, l’accusé et elle confirment tous deux avoir « passé la nuit ensemble », Tariq Ramadan assure que Brigitte « s’est invitée dans sa chambre » et qu’il s’est laissé « embrasser avant de mettre rapidement fin à l’échange ». Tandis que cette dernière aurait expliqué à l’audience « avoir eu ‘peur de mourir' » face à la violence de ce dernier.
D’après ses avocats, la femme aurait consulté deux psychiatres après le drame. « Nous allons nous battre jusqu’au bout », a d’ailleurs assuré son conseil Me Robert Assaël à la presse .
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Une justice sexiste ?
Depuis le début de l’affaire, Tariq Ramadan dément les faits de violences sexuelles et se dit victime d’un complot. Brigitte et les autres accusatrices françaises se seraient, selon lui, organisées afin de le piéger.
La Tribune de Genève interroge dans un article revendicateur la décision de la justice : « Les juges ont-ils pris en compte le fait que, pour une femme, témoigner de telles violences n’est pas une formalité ? Cette épreuve ne dit-elle rien de la sincérité d’une victime présumée ? »
Avant de rappeler que « d’autres rendez-vous judiciaires suivront ». « Face à ce lourd agenda, a-t-il [Tariq Ramadan, ndlr] seulement procédé à un examen de conscience », conclut le média suisse.
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