Cent onze ans après son naufrage, le défunt géant des mers serait-il un navire maudit ? À en croire la tragédie ayant coûté la vie à cinq personnes parties contempler son épave, il est à craindre que oui…
Ils avaient payé leur billet 230 000 euros pour embarquer sur le Titan, sous-marin de poche d’à peine sept mètres de long et trois de haut. Le prix du rêve qui s’est transformé en cauchemar. Cette promenade prévue comme un simple aller-retour, ne fut qu’un aller simple. Sans retour. Pourquoi dépenser une telle fortune ?
Tout simplement pour aller contempler l’épave du Titanic, le défunt géant des mers qui, depuis un funeste 15 avril 1912, gît à 3 810 mètres de fond, à près de 600 kilomètres des côtes de Terre-Neuve, au Canada. C’est un véritable cercueil marin (sur 2 200 passagers, 1 500 ont péri), mais qui n’en finit plus d’exercer une fascination. La preuve par ces dizaines de livres et de films inspirés par cette tragédie inaugurant un XXe siècle qui n’en fut ensuite point avare. Rappelons que le Titanic de James Cameron (1997) a dominé le box-office mondial douze années durant.
Sérieux doutes
On comprend mieux pourquoi certains, pour s’approcher au plus près de ce vestige, sont prêts à tout. Ainsi, hormis le ticket à 230 000 euros, les trois passagers du Titan ont-ils signé une décharge à la société OceanGate Expeditions, spécialisée dans ces croisières pas tout à fait comme les autres. Dans ce document, « la mort y est mentionnée trois fois dès la première page. Ce ne sont pas des vacances en autocar, ça peut mal tourner », si l’on en croit Mike Reiss, producteur de la série des Simpson, ayant déjà effectué à trois reprises le voyage vers ces abysses inconnus. Si tout semble bien fonctionner au début, soulignons qu’en 2018, un certain David Lockridge, employé de OceanGate, avait été licencié pour avoir « émis de sérieux doutes sur la sûreté du sous-marin ».
Mais Stockton Rush, le patron de OceanGate Expeditions, est parvenu à vaincre les réticences du Français Paul-Henri Nargeolet. Cet ancien officier de la Marine nationale et l’un des spécialistes les plus éminents du Titanic, dont le dernier ouvrage a été salué en ces colonnes, a donc finalement accepté de monter à bord de l’engin, pour en jauger les failles éventuelles.
Compte à rebours infernal
©AP/SIPA
Ce dimanche 18 juin, les passagers n’ont a priori aucune raison de s’inquiéter. Au fait, qui sont-ils ? Il y a le milliardaire anglais Hamish Harding, enrichi dans la vente de jets privés, qui a déjà voyagé dans l’espace, à bord de la fusée Blue Origin, propriété de l’Américain Jeff Bezos, le richissime patron d’Amazon. Puis, l’une des plus grosses fortunes du Pakistan, le vice-président du conglomérat Engro Corporation, spécialisé dans la pétrochimie, Shahzada Dawood et son fils Suleman. Ce dernier, très angoissé, nourrissait pourtant une forte appréhension envers cette expédition…
Leur rêve est en train de se réaliser quand le bathyscaphe commence à descendre dans les ténèbres. Sauf que deux heures plus tard, plus de nouvelles… Le Titan n’émet plus et ne répond plus. Six heures après, OceanGate Expeditions donne l’alerte. Le lendemain matin, l’Américain John Mauger, contre-amiral chargé des garde-côtes, assure au cours d’une conférence de presse que trois avions de l’US Navy patrouillent sur la zone, assistés par deux autres appareils canadiens.
De son côté, la France dépêche sur place l’un de ses navires, L’Atalante, lequel transporte un robot baptisé Victor 6000, capable de descendre jusqu’à 6 000 mètres de profondeur. En quelques heures, près de 13 000 km2 sont inspectés, d’abord en surface et ensuite dans les abysses sous-marins. Mais où chercher ?
Pour l’expert Christian Buchet, directeur d’études du Centre de la mer de l’Institut catholique de Paris, interrogé par nos confrères de L’Express, « explorer les fonds marins équivaut à explorer les Alpes de nuit avec une lampe électrique ». Tim Maltin, l’un de ses homologues américains, répondant aux questions de la chaîne NBC News Now, n’est guère plus optimiste : « Il fait nuit noire en bas. Il fait un froid glacial. Le fond marin est constitué de boue et il est ondulé. Vous ne pouvez pas voir votre main devant votre visage. C’est un peu comme un astronaute qui va dans l’espace. »
Tout d’abord, il y a une lueur d’espoir pour les sauveteurs : ces coups répétés à trente minutes d’intervalle, captés par les sonars des avions canadiens partis à la recherche du Titan. Las, rien de concret, les bruits en question n’auraient rien à voir avec nos cinq naufragés et seraient d’origine naturelle, malgré leur régularité. Le réalisateur James Cameron, lui, redoutait l’implosion du prototype dès lundi. Il fera part de ses doutes à CNN le jeudi soir.
Après, il y a le compte à rebours infernal : les réserves d’oxygène… Lesquelles seraient épuisées ce jeudi, en milieu d’après-midi. Or, dans la soirée, le couperet tombe : des débris sont retrouvés dans l’océan Atlantique, compatibles avec une implosion du submersible, ne laissant plus aucun espoir quant à la survie de ces cinq voyageurs de l’impossible. Il y avait d’autant moins de raisons de se montrer optimiste que s’il s’était agi d’une simple panne, le Titan était doté de capacités technologiques lui permettant de rapidement remonter à la surface, même si son équipage avait été inconscient.
Tel n’a pas été le cas. Dès lors, deux autres hypothèses s’imposent. Ou le bathyscaphe s’est retrouvé coincé dans l’épave du Titanic ; et là, le manque d’oxygène et l’hypothermie auront tôt fait de parachever leur macabre tâche. Ou, la moins optimiste : la coque du Titan a été endommagée, provoquant une fuite et la mort instantanée des passagers, à cause de la pression de l’eau. Récemment, Stockton Rush, le patron d’OceanGate Expeditions, expliquait que sa plus grande crainte consistait à se retrouver coincé dans l’épave du géant des mers. Des propos prémonitoires ?
Nicolas GAUTHIER
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