Santé : l'art du bien vieillir !

Avancer en âge ne va pas de soi. Mais si cette période de la vie nous offrait aussi des avantages ?

À visionner

Infrarouge : La Révolte des vieux, un documentaire de Laure Adler (disponible en replay)

Vieillir avec sagesse et philosophie, prendre soin de soi, tout en dénonçant la cruauté de la société face à cette période de la vie, tel est le fil d’Ariane de la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, auteure de L’Art d’accommoder la vieillesse (éd. Odile Jacob). Une leçon d’optimisme ! Entretien.

• On parle de seniors à partir de 60 ans ici, à 65 ans là. Finalement, quand est-t-on considéré comme vieux ?

On ne bascule pas dans la vieillesse à un âge précis. Certains se sentent vieux à 40 ans et d’autres, jeunes à 80 ans. C’est la société qui décrète que vous êtes vieux. Et c’est sans doute aussi dans le regard de l’autre, que l’on prend conscience du fait que l’on vieillit.

• Pour vous, qui avez 82 ans, vous aviez 60 ans, lorsque vous avez eu un problème de santé…

À 60 ans, on m’a en a effet diagnostiqué un anévrisme cérébral. Je me suis dit : « Soit c’est la fin, soit je vais rester handicapée ». Heureusement cet anévrisme ne s’est pas rompu. Cela peut paraître paradoxal, mais aujourd’hui je me sens mieux qu’il y a 20 ans !

• Le grand âge effraie beaucoup de gens. Plus on avance en âge, plus on a de risque d’être sujet à un cancer, une maladie neurodégénérative… Et le temps qui nous reste s’amenuise.

C’est un fait : nous sommes plus vulnérables à 80 ans qu’à 50 ans. On frappe beaucoup plus souvent à la porte du médecin. On multiplie les examens médicaux pour vérifier que tout va bien. Mais vulnérabilité ne signifie pas pathologie. Il faut avouer que nous ne sommes pas à égalité sur le plan de la santé. Par ailleurs, on assimile souvent la vieillesse à l’entrée dans un Ehpad. N’oublions pas que seuls 5 % des femmes et 4 % des hommes de 80 ans vivent en institution (Insee, 2019). Tous les autres vivent donc chez eux !

À lire

Et si les femmes avaient le droit de vieillir comme les hommes ? d’Amanda Castillo (éd. L’Iconoclaste). Un ouvrage féministe, écrit par une journaliste suisse qui dissèque les diktats sur le corps des femmes. Et les stéréotypes véhiculés par le cinéma, la publicité… Elle convoque bon nombre de couples célèbres où la femme affiche 20, 30 voire 40 ans de moins que son compagnon. Quand la société, elle, juge plus durement le schéma inverse. Et l’auteure de poser la question qui pique : à quel âge une femme devient-elle un « objet périmé » ?

• Ne pensez-vous pas que dans notre société on est plus cruel avec le vieillissement des femmes qu’avec celui des hommes ?

Absolument. Les femmes vivent plus mal leur avancée en âge parce que la société ne les ménage pas. Les femmes âgées n’intéressent pas grand monde, sauf s’il s’agit de stars, de grandes intellectuelles… En revanche, les hommes âgés, pour peu qu’ils aient exercé un métier prestigieux et aient de bons revenus, sont davantage respectés. Je me souviens d’une émission de télévision en 2022 : la journaliste présente une dame d’environ 80 ans comme une « adorable petite mamie », qui va esquisser quelques pas de danse avec un autre journaliste. Les femmes âgées sont scandaleusement infantilisées.

• La vieillesse peut être synonyme de transmission. Certains pays sont-ils plus ancrés sur ce modèle-là ?

Dans des pays, comme le Japon ou la Corée du Sud, où l’expérience est reconnue et valorisée. Il est toujours intéressant de s’appuyer sur le vécu des anciens. En France, les rares personnes encore vivantes ayant vécu la Seconde Guerre mondiale et témoignant de leur expérience nous donnent de formidables leçons de courage et de résilience.

• Même s’il n’existe pas de mode d’emploi du bien vieillir, quels conseils nous prodigueriez-vous ?

Chérissez vos amitiés et tournez le dos aux personnes toxiques et à celles qui ne parlent que de leurs bobos. Nouez des liens solides avec vos petits-enfants. Essayez de garder votre désir et votre capacité d’émerveillement intacts. Cultivez l’humour, qui rend la vie plus agréable et permet de prendre de la distance par rapport aux blessures de la vie. L’avancée en âge offre aussi une belle liberté de ton. On approfondit son propre jugement. On prend de la distance par rapport aux conventions.

• Vous êtes membre du Conseil national autoproclamé de la vieillesse (CNAV). Quèsaco ?

Il a été créé l’année dernière par une équipe d’intellectuels branchés et connus un peu désespérés par le fait qu’il n’existe pas une loi sur la vieillesse digne de ce nom. Nous avons décidé de faire des propositions au gouvernement. Nous combattons entre autres l’idée de vieillir dans la solitude. Elle est terrible à vivre. Nous avons d’ailleurs créé l’association Vieux & chez soi. Il faut cultiver la solidarité. Ici et là, des petits groupes de gens achètent une maison pour y vivre ensemble. C’est super, à condition de bien choisir ses partenaires de vie, pour éviter les conflits.

ÉGLANTINE GRIGIS

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