Démarrée sur OCS le 10 avril, "Run" est le nouveau projet de Phoebe Waller-Brige ("Fleabag", "Killing Eve"), qui en est la co-productrice. On y suit la fuite de deux ex-amants qui s’étaient jurés de se retrouver si l’un d’eux envoyait par texto "RUN", "Enfuis-toi", à l’autre. Palpitant et sombre.
Et vous, seriez-vous prêt(e) à tout quitter pour vous enfuir avec l’un(e) de vos ex ? C’est le point de départ de Run, mini-série de 8 épisodes de HBO, disponible en France sur OCS. Créée et écrite par Vicky Jones, elle est également co-produite par sa collaboratrice de longue date, Phoebe Waller-Bridge. Oui, celle à qui l’on doit Fleabag et Killing Eve – sur laquelle Vicky Jones travaille par ailleurs -, deux des récentes séries offrant parmi les personnages féminins les plus palpitants et modernes du petit écran ces dernières années.
Run voit Ruby Dixie (Merrit Wever) et Billy Johnson (Domhnall Gleeson), qui étaient en couple à l’université, plaquer leurs vies respectives 15 ans après leur rupture lorsque ce dernier lui envoie par SMS « Run », sois « Enfuis-toi », ou « Cours », en français. Ils avaient convenu que le jour où l’un d’eux enverrait ce SMS à l’autre, ils se rejoindraient à un endroit précis, la gare Grand Central de New York, sans poser de questions.
Marie Claire a pu voir les cinq premiers épisodes de cette mini-série plus sombre et surprenante que son pitch ne le laisse entendre.
Retour de flamme
Au-delà de son duo de créatrice et co-productrice extrêmement prometteur, Run vous séduira à coup sûr par ses deux excellents acteurs principaux.
Merritt Wever, qui a marqué l’année 2019 en jouant une détective consciencieuse et féministe dans l’excellente mini-série Unbelievable (Netflix), inspirée de faits réels, joue Ruby Dixie, mère de famille débordée qui semble s’être laissée couler dans le moule d’une vie domestique dont elle ne rêvait pas.
Domhnall Gleeson, de son côté, avait eu un petit rôle en tant que Billy Weasley dans la saga Harry Potter, avant de séduire en romantique maîtrisant le temps dans Il était temps (2013) ou de s’illustrer en caporal glaçant de l’Empire dans la troisième trilogie Star Wars. Dans la peau de l’irascible, impulsif et immature Billy Johnson, coach de vie parcourant le monde avec ses conférences très suivies, l’Irlandais trouve un rôle à tiroirs auquel il apporte un savant mélange d’innocence et de noirceur.
Lorsque Billy envoie « Run » à Ruby, celle-ci est dans sa voiture, garée sur le parking d’une grande surface. Elle s’apprête à se rendre à son cours de yoga. C’est un jour ordinaire. En voyant le message apparaître sur son écran, elle porte la main à sa bouche, et observe la vue autour d’elle. D’un coup, elle semble se sentir visible, peut-être pour la première fois depuis longtemps, et retire son châle coloré autour du cou, qui lui donne une allure de mère de famille rangée. Après avoir hésité, elle file à l’aéroport le plus proche, son tapis de yoga à l’épaule.
Dès leurs retrouvailles, les deux anciens amants sont fébriles, presque timides. Même si elle est assez courte, Run prend le temps de distiller les fondements de la relation entre Ruby et Billy. On ne nous sert pas, en tout cas, pas dans les cinq premiers épisodes, de flashbacks qui dévoileraient trop vite des scènes-clés de leur histoire.
C’est au téléspectateur de déceler l’attachement très fort entre Ruby et Billy en observant les regards piquants qu’ils se lancent, leurs mains qui se frôlent, les provocations et jeux de jalousie auxquels ils s’adonnent, les indices qu’ils laissent échapper sur leur vie présente, et ce qui les a amenés à se retrouver. Comme un puzzle qui se reconstitue au fur et à mesure. La mise en scène est minutieuse, même si le cadre du train amène malheureusement des plans répétitifs.
Noircir le mythe de "l’ex qu’on n’a jamais oublié"
Run n’en est pas pour autant mièvre. On n’y voit pas de grands élans romantiques, mais deux êtres humains ressentant d’abord l’envie impérieuse de se retrouver charnellement. Un désir qui se fait encore plus prégnant alors que leur alchimie basée sur des piques reprend comme si quinze années n’avaient jamais filé.
Cette mini-série est construite sur la tension électrique entre Ruby et Billy, mêlée, du moins au début, à un jeu de chat et de la souris, parfois un peu lassant. Une dynamique rappelant parfois celle de Crashing, première série de Phoebe Waller-Bridge, où elle incarnait une jeune femme amoureuse de son meilleur ami, et avec lequel elle se chamaille souvent.
Mais c’est aussi une approche assez classique d’une histoire d’amour passionnelle, jamais loin de virer au malsain. On comprend ce qui (re)pousse Ruby et Billy l’un vers l’autre, mais on ne les jalouse pas. Car non seulement, leur « amour », s’il en est, apparaît vite infantile, et un décalage entre eux se fait sentir, laissant présager une forte déconvenue.
Dans ce train filant vers Chicago, Ruby se montre toujours plus pressante, et Billy, pas complètement à l’aise, cachant quelque chose, tout en étant possessif envers elle. Le reste de l’intrigue amorce un virage de plus en plus sombre vers le thriller, permettant d’élargir le côté romantique, qui, à lui seul, se serait vite essoufflé.
Ils sont, l’un pour l’autre, « cet(te) ex qu’ils n’ont jamais oublié(e) », mais Ruby semble davantage marquée, se demandant le tournant qu’aurait pu prendre sa vie à ses côtés. Pour elle, cette histoire semble avoir gardé le goût de l’inachevé.
Ruby est attirée par Billy comme un aimant, mais de manière un peu triste, en dépit de son sens de la répartie et d’un tempérament indépendant. Elle veut se sentir encore désirable à ses yeux, mais a peur que son corps de femme ayant eu des enfants le déstabilise. Elle veut préserver le mystère autour de sa vie, comme pour faire croire qu’elle est toujours l’étudiante audacieuse qu’il a aimée. En somme, comme si elle n’avait ni vieilli, ni vécu. Comme si sa vie s’était mise sur pause depuis leur séparation. Une ambivalence intéressante, révélant un double standard sexiste, et abordée par les deux personnages dans des dialogues souvent aussi drôles que cyniques.
Run, de Vicky Jones, avec Merritt Wever et Domhnall Gleeson, sur OCS, tous les vendredis, à partir du 10 avril
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