Retraites : les femmes seront-elles vraiment les grandes gagnantes, comme l’assure Édouard Philippe ?

Le premier ministre a détaillé, ce mercredi 11 décembre, les modalités de la réforme des retraites pour les femmes, dont les carrières peuvent notamment être ponctuées par les grossesses. Qu’en est-il vraiment ? On fait le point.

Édouard Philippe l’a promis : les femmes seront «les grandes gagnantes» de la réforme des retraites. Le premier ministre n’a toutefois pas dissipé les craintes autour du futur «système universel» qui les pénaliseraient davantage.

Concrètement, que propose le gouvernement ?

Ce mercredi 11 décembre, le chef du gouvernement a annoncé que chaque naissance d’enfant donnerait droit à une majoration de 5% des points acquis pour la retraite, et ce dès le premier enfant. Cherchant à «construire un système plus juste pour les femmes», Édouard Philippe a dit vouloir «donner confiance aux familles», notamment nombreuses, dont «notre pays et notre système de retraite ont besoin». Résultat : au troisième enfant, une majoration de 2% supplémentaires sera appliquée aux assurés. Par défaut, ces majorations seront «accordées à la mère, sauf choix contraire des parents».

Quel est le système actuel ?

En France, les deux premiers enfants ne donnent aujourd’hui pas droit à un avantage financier. C’est seulement à partir du troisième enfant que les parents ont le droit à une majoration de 10% de sa pension. Néanmoins, une naissance donne droit à une «majoration de durée d’assurance» (MDA). Celle-ci est de huit trimestres de cotisations pour les salariés du privé (quatre au titre de la maternité et quatre pour l’éducation des enfants, attribués par défaut à la mère), et à deux trimestres dans la fonction publique. Or, dans le nouveau système, ces majorations vont disparaître. L’objectif étant de «réduire les inégalités» entre les différents régimes et de «compenser les pertes de salaires» des mères dès le premier enfant via le nouveau bonus de 5%, plaide le gouvernement.

Pourquoi cela coince ?

Si le coup de pouce en faveur des 1,7 million de familles nombreuses, qui n’était pas prévu dans la première mouture, a été accueilli favorablement, la suppression des trimestres de MDA fait grincer des dents. «Les femmes ne pourront plus choisir de partir plus tôt ou de gagner plus» avec la perte des trimestres, a regretté l’Union nationale des associations familiales. Avant de préciser : «Dans 65% des cas, la MDA fait augmenter la pension des bénéficiaires et dans 20% des cas elle permet de partir plus tôt».

En vidéo, les chiffres des inégalités femmes-hommes en France

Un départ à la retraite plus tardif ?

Carrières hachées, temps partiel et salaires inférieurs à leurs homologues masculins : les femmes perçoivent en moyenne 42% de moins que les hommes à la retraite, 25% en comptant la réversion. «Cette réforme marque clairement un recul car on supprime les trimestres et on met en place un âge pivot à 64 ans», a critiqué Sophie Binet (CGT), qui estime que ces mesures «vont obliger les femmes à travailler plus longtemps».

De son côté, Michaël Zemmour, professeur d’économie à La Sorbonne, analyse : «On peut avoir l’inquiétude d’un système à deux vitesses.» Pour ce spécialiste du financement de la protection sociale, interrogé par l’AFP, les inégalités d’aujourd’hui vont se maintenir, avec d’un côté «les femmes [qui] ont une retraite a minima, et [de l’autre] les hommes qui ont plus souvent de meilleures carrières et une retraite plus proche de leur ancien salaire».

Quid de la pension de réversion ?

Les règles pour le calcul de la pension de réversion, perçues à 88% par les femmes à la disparition de leur conjoint, vont être harmonisées. Édouard Philippe a notamment promis mercredi que 70% du total des retraites perçues par le couple seraient «garanties» pour le conjoint restant. Mais par rapport aux règles actuelles, la pension ne pourra être perçue qu’à partir de 62 ans, contre 55 ans aujourd’hui dans certains régimes, et que si le couple était encore marié. Actuellement, la pension de réversion peut être partagée au prorata de la durée de mariage entre la dernière épouse et les précédentes. D’après Sophie Binet de la CGT, environ «84.000 femmes âgées de 55 à 62 ans» ne devraient donc plus toucher la pension de réversion.

Source: Lire L’Article Complet