Parmi les moments mémorables de Retour à Séoul, il est une scène de danse qu’on retient plus que les autres. L’héroïne – Freddie, une Franco-Coréenne du Sud – accomplit, seule sur le dance floor, une chorégraphie aux gestes guerriers.
Sa danse est un combat. Sa quête d’identité aussi. Au sens où Freddie doit lutter contre elle-même – ses peurs, son déni, son chagrin refoulé – pour trouver sa place, difficile à définir. Car qui est-on quand on vit dans le corps d’une enfant adoptée ? Le cocktail identitaire ici semble un peu plus corsé que le générique « papa-maman ».
« Retour à Séoul » contourne les clichés de la quête identitaire
Née en Corée du Sud, élevée en France par ses parents adoptifs, Freddie est une jeune fille française aux traits asiatiques (la révélation Park Ji-min). Au cours d’un voyage, elle renoue un peu par hasard avec ses parents biologiques. Commence une forme d’errance hallucinée entre les deux pays où, au lieu de s’éclaircir, le mystère de son identité s’épaissit. Pour Freddie, son passé est une série de signes impossibles à déchiffrer.
Comme le coréen, cette langue qu’elle ne parle pas. Retour à Séoul sonde cette incommunicabilité. Le troisième long métrage de Davy Chou (après un splendide documentaire, Le sommeil d’or, et une fiction aussi sélectionnée à Cannes, Diamond Island) avance par bifurcations, emprunte des voies singulières et inattendues qui déjouent le programme souvent trop prévisible de la quête des origines.
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Un portrait sensible et hybride
Réussir à nous surprendre tout en restant juste, c’est le petit miracle de ce magnifique portrait à pudique distance, grâce au regard patient et empathique d’un cinéaste qui ne cherche pas forcément à « faire corps » avec son héroïne.
Formellement, le réalisateur franco-cambodgien préfère aussi, à une mise en scène radicale, un doux vacillement entre un réalisme à la Hong Sang-soo et une image parfois plus hybride, stylisée et nocturne (la seconde partie) rappelant le cinéma de Hou Hsiao-Hsien. Comme si le film, au diapason de son personnage principal, revendiquait une double paternité. À propos de père, celui de Retour à Séoul est bouleversant de maladresse fêlée. Le film livrant aussi un portrait de ces parents dont la vie a été brisée par leur choix d’abandon.
De Davy Chou, avec Park Ji-min, Oh Kwang-rok, Guka Han…
Cette critique a été initialement publiée dans le Marie Claire numéro 845, daté février 2023.
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