Le blond dandy de Long Island aurait dû être superstar. Le poète rock, parisien depuis trente ans, pose un regard lucide et amusé sur son parcours.
« Le jour où mon père est décédé est le moment qui a décidé que je serais artiste. Et celui où je suis devenu Elliott Murphy. » Le nom était également celui du père vénéré, créateur de l’Aquashow, un cabaret aquatique avec girls qui eut son succès dans le Long Island des années 1950. Jusque-là, on appelait Elliott par son second prénom (James ou Jimmy). Il avait 16 ans quand son géniteur a succombé à une crise cardiaque.
Dans sa truculente biographie, le chanteur-guitariste américain installé à Paris depuis trente ans dit avoir envisagé de prénommer son propre fils Elliott III. Françoise, sa femme française, l’en a fermement dissuadé. Le fiston s’appelle Gaspard. Il est producteur et ingénieur du son. Chez les Murphy, le goût de la musique est affaire de famille.
Inspiré par Brian Jones et Gatsby le Magnifique
À 71 ans, Elliott Murphy porte beau. « Je suis toujours un peu dandy » , reconnaît-il dans un éclat de dents blanches. Pour l’entretien, réalisé en visiophonie, confinement oblige, il arbore un de ces chapeaux type borsalino qu’il affectionne. Et si le cheveu blond a blanchi, Murphy reste une des plus élégantes gueules du rock à textes. « J’étais inspiré par le style de Brian Jones, le (blond et décadent) créateur des Stones », dit-il. Et par Gatsby (le Magnifique) de Scott Fitzgerald.
Brian Jones est décédé dans une piscine à l’âge de 27 ans. « Dans le music business, le succès se mesure à la survie » , se persuade Elliott Murphy, qui enquille cinquante à cent concerts par an et vient de sortir un album de poèmes lus sur les musiques de son fidèle guitariste havrais Olivier Durand. « J’ai pris plus de petits-déjeuners avec lui qu’avec ma femme » , rigole Elliott. En temps de confinement, Elliott a dû se contenter de donner sur Facebook une cinquantaine de mini-récitals solo.
Pourquoi n’est-il pas plus connu ? « Pas mal de mauvais choix, philosophe-t-il. La cocaïne, par exemple, est une mauvaise idée. Je n’ai jamais été totalement addict, mais à la fin des années 1970, mon mode de vie a pris le pas sur la musique. »
En 1974, l’excellent premier album d’Elliott Murphy porte le nom d’Aquashow, en hommage au paternel. Il y conte la vie de la classe moyenne de la banlieue de New York. « Elliott Murphy va être un monstre » promettent les affiches placardées dans le métro de la « grosse pomme ».
« J’étais un peu trop fasciné par les stars »
Certains voyaient en lui le nouveau Dylan. Son pote Bruce Springsteen, qui l’invite sur scène à (presque) chacun de ses concerts parisiens, a lui aussi été taxé de New Dylan. « Avec Bruce, on a le même âge, on vient de la même région, nos racines musicales sont proches, on parle des gens. Mais nos fortunes ont un peu divergé… »
Elliott reconnaît avoir été grisé par son départ prometteur. Son ami Lou Reed a failli produire son second album. Les négociations avec Mick Jagger ont capoté : « Après Aquashow, je pouvais entrer en contact avec tout le monde. Peut-être que j’étais un peu trop fasciné par les stars. Mais heureusement, j’ai eu de très bons producteurs, comme Paul Rothschild (Doors). »
Lost Generation (1975) est enregistré à Los Angeles. Elliott, accompagné de sa première femme Geraldine, y prend quelques mauvaises habitudes. L’album ne reçoit pas le succès escompté. Il enchaîne avec le plus rock Night Lights (1976) qui reçoit d’excellentes critiques. Elliott reste plus aimé de ses pairs que du grand public.
Just a Story From America (1977), réalisé en Grande-Bretagne, clôt sa période « classique ». « Les quatre premiers albums sont ceux qui ont établi ma carrière. J’ai fait trente-cinq albums, mais ce sont par ceux-là qu’on me définit. Même si, pour moi, le préféré est toujours le dernier. »
« Les bonnes chansons ont droit à une seconde vie »
Parmi ses disques récents, Aquashow Reconstructed (2015) tient une place à part. Elliott revisitait son premier album. Cette fois, son fils tenait les manettes du studio. « Un moment bouleversant. Je pense que les bonnes chansons ont droit à une seconde vie. »
Elliott Murphy a donné son premier concert français en 1979, au Palace. L’accueil enthousiaste lui a ouvert la porte des clubs européens. Dix ans plus tard, après avoir retrouvé cette jolie actrice rencontrée un soir de tournée à Caen, il était remarié et Parisien.
Cette année, il a dû annuler son traditionnel concert d’anniversaire (le 16 mars) au New Morning, à Paris. Il espère se rattraper en 2021. Elliott portera un chapeau, une chemise classe et des bottes en lézard. « Mick Jagger dit toujours qu’il est important de changer de vêtements avant de monter sur scène. Je suis totalement de cet avis. »
Just A Story from America, Éditions du Layeur, 304 pages, 24 €.
The Middle Kingdom , 42 min, 18 titres.
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