Pourquoi le Musée des Arts décoratifs expose un emballage de mayo Monoprix

  • Le Musée des arts décoratifs de Paris accueille jusqu’au 15 mai 2022 l’exposition Le design pour tous : de Prisunic à Monoprix, une aventure française.
  • « L’idée était de faire entrer la grande distribution au musée, explique India Madhavi qui en a imaginé la scénographie. C’est touchant de voir ce paysage familier ainsi exposé : on le regarde différemment. »
  • Le parcours, qui traverse la collection permanente, présente quelque 500 objets, des plus rares aux plus communs et révèle la petite histoire derrière l’emblématique sac de courses frappé du logo cible de Prisunic ou de certaines collections capsules de Monoprix.

Sans que vous vous en doutiez, votre frigo ou l’un des placards de votre cuisine renferme peut-être des pièces dignes d’être exposées dans un musée. Comme ce tube de mayonnaise dont l’emballage proclame qu’il est « le tube de l’été et du reste de l’année » ou ce paquet de biscottes mentionnant en majuscules qu’« Elles ne comptent pas pour du beurre ».

Deux exemples parmi d’autres des packagings imaginés par la graphiste Cléo Charuet depuis 2009 et devenus emblématiques des produits de la marque Monoprix. Ce système graphique fait de lettres capitales, de messages humoristiques et de bandes colorées porte le nom de bayadère.

Une coin cuisine a été recrée pour exposer dans un cadre quotidien des emballages illustrant le système graphique bayadère, emblématique de Monoprix.

Si ces emballages trônent toujours dans les rayons de l’enseigne, on les retrouve aussi dans l’exposition Le design pour tous : de Prisunic à Monoprix, une aventure française, qu’accueille le Musée des Arts décoratifs (Paris 1er) jusqu’au 15 mai 2022. La visite raconte comment ces deux marques, qui ont fusionné en 1997, ont marqué l’histoire du design tricolore et imprégné l’inconscient collectif.

« Percevoir dans notre quotidien la beauté des objets qui nous entourent »

« L’idée était de faire entrer la grande distribution au musée, explique India Madhavi qui en a imaginé la scénographie. C’est ça le pop art : percevoir dans notre quotidien la beauté des objets qui nous entourent. C’est touchant de voir ce paysage familier ainsi exposé : on le regarde différemment. »

L’exposition, qui s’intègre à la collection permanente du musée, remonte à la fin des années 1950, lorsque Denise Fayolle, directrice du bureau de style, a fait prendre un tournant à Prisunic. Elle a développé de nombreuses collaborations avec des grands noms du design et du graphisme pour créer meubles, vêtements et accessoires de maison. Les sources d’inspiration : le nouveau design italien, le Bauhaus et la culture populaire britannique… « Le beau au prix du laid », promettait alors le slogan de l’enseigne qui symbolisait la faste période des Trente glorieuses et la consommation de masse.

Une des salles de l'exposition

« Je voulais que cette exposition traduise l’optimisme et la joie de ces années-là. Prisunic a réinventé l’art de vivre et casse les codes bourgeois », souligne India Madhavi. Elle a ainsi choisi une manière ludique de présenter les 500 objets jalonnant le parcours : les cartons explicatifs rappellent les tickets de caisse, des caisses de supermarchés se révèlent être des vitrines d’exposition et les posters publicitaires sont agencés comme une mosaïque d’affiches de spectacles.

« Encore un coup du lobby des miroirs »

Les specimens les plus exceptionnels côtoient les plus banals. Par exemple, dans la première salle, un lit en plastique et fibre de verre moulé d’un seul bloc, signé Marc Held, vendu chez Prisunic au début des années 1970, attire le regard. Deux étages plus haut, un sac de courses qui est présenté comme un bien précieux : il est flanqué du célèbre logo en forme de cible de l’enseigne. On apprend au passage que le dessin initial était censé devenir le motif d’une nappe et n’avait pas vocation à passer à la postérité. A quelques pas de là, des affiches n’ayant pas deux ans d’existence et réalisées par l’agence DDB Paris, rappellent comment Monoprix a communiqué en pleine pandémie – « Le rayon maquillage est de nouveau essentiel. Encore un coup du lobby des miroirs », mentionne l’une d’elles sur un fond pastel. En tournant le dos, on fait face à d’autres qui ont disparu de nos rues il y a cinquante ans : des affiches sérigraphiques réalisées par Friedemann Hauss devenues pièces de collection.

A gauche, un intérieur très années 1970 avec un lit signé Marc Held. A droite, des objets d'une collection capsule de la Maison Château Rouge pour Monoprix.

Les créations les plus contemporaines rappellent que cette exposition ne peut se conclure que sur des points de suspension car l’histoire continue de s’écrire. En 2012, l’Italienne Paola Navone s’est amusée à décliner son motif signature (des gros pois noirs ou rouges) sur des plateaux ou des tabourets. En 2013, des grands noms du stylisme tels qu’Alexis Mabille​ et Yiqing Yin, étaient sollicités pour livrer leur interprétation de « la petite robe noire » à l’occasion d’une collection de Noël. Les frères Youssouf et Mamadou Fofana, créateurs de
Maison Château Rouge ont, en 2018, lancé une collection capsule de vêtements et accessoires de décorations célébrant leur héritage africain.

Comme l’explique India Madhavi, qui a elle-même collaboré à plusieurs reprises avec Monoprix, l’enseigne laisse toujours carte blanche. « Cela ne peut pas se refuser », explique celle qui a conçu des tabourets en métal, des foulards ou de la vaisselle… dont vous vous servez peut-être au quotidien.

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