Pourquoi il serait bon de démocratiser la discussion post-sexe

Longtemps boudé, souvent expédié, l’après-sexe est rarement un sujet. Et pourtant, ce rituel hérité des pratiques BDSM pourrait être un réflexe salvateur pour s’assurer de l’épanouissement des partenaires. 

“C’est un terme utilisé par la communauté BDSM, et il évoque le fait de s’assurer que tous les partenaires se sentent bien après des ébats. […] Je pense que l’Aftercare est une chose que tout le monde devrait faire, et ce, après toute expérience sexuelle”, lance Mariah, éducatrice sexuelle et animatrice du compte TikTok @SexedFiles. 

L’après-sexe, un trou émotionnel à considérer 

Solitude, mélancolie ou même insécurité : les émotions négatives peuvent nous submerger après des ébats sexuels. En cause ? Un déferlement hormonal.

« Pendant les rapports sexuels, des hormones comme l’ocytocine, la dopamine et la prolactine sont libérés », explique la sexologue Shamyra Howard, sur le site WellandGood.com. “L’aftercare peut ainsi aider à réguler la façon dont votre corps réagit à mesure que ces produits chimiques se dissipent”.

On passe d’un intense plaisir au néant. L’aftercare sert justement à faire tampon entre ces deux phases pour que la chute soit moins brutale.

“Généralement, après le sexe , qu’on ait atteint l’orgasme ou non d’ailleurs, on fait face à une chute hormonale. On passe d’un intense plaisir au néant. L’aftercare sert justement à faire tampon entre ces deux phases pour que la chute soit moins brutale”, nous explique Amal Tahir, ancienne étudiante sage-femme, coach en neurosciences spécialisée en relations amoureuses et en sexualité positive et autrice de différents ouvrages, dont le dernier à paraître Aimer Sainement* (Ed. leduc). 

Une étude de 2015 a montré que 46% des femmes interrogées se disent tristes après un rapport sexuel, 41% des hommes interrogés dans une étude de 2019 cette fois, menée par The Journal of Sex and Marital Therapy, ont également éprouvé des sentiments similaires.

 “Pourtant, c’est fondamental de prendre soin de soi et de l’autre après le sexe, pour s’assurer que les deux partenaires sont bien”, assène Amal Tahir. 

La discussion post-sexe dégradée par la pop culture 

Le problème, comme le souligne notre experte, c’est que ce moment post-coït a longtemps été nié par la pop culture et ses représentations caricaturales des sexualités. On le représente peu, si bien qu’on a l’impression que quand le coït est terminé, on plie bagage, on passe complètement à autre chose sans transition. Et ce, même dans des films qui auraient pu – voire dû – y prêter plus d’attention. 

“L’aftercare fait partie des codes du BDSM. Mais pour autant, il n’est pas du tout représenté dans le blockbuster 50 shades of Grey. Ça a même soulevé pas mal de reproches à l’époque de la sortie des films, car c’est fondamental dans la pratique que de pouvoir s’assurer que tout le monde va bien physiquement et émotionnellement après des ébats”, souligne Amal Tahir. 

Et dans les sexualités plus « traditionnelles », ces échanges d’après ébats sexuels se sont peu à peu ternis d’un vernis lourdingue voire rustre. “Les représentations ont rendu les discussions pendant l’acte ou juste après soit complètement gênantes, soit salaces. Certaines personnes, peu adeptes du dirty talk, préfèrent alors se taire, quitte à ne plus communiquer sur leur ressenti”, ajoute notre experte. 

De l’importance de prendre soin de soi et de l’autre après le sexe

“Notre culture utilise un modèle de performance pour le sexe : il est traité comme s’il y avait un objectif, une bonne façon de l’atteindre, et tout le reste est un échec », déclare le Dr Donaghue, interrogé par WellandGood.com. « Un modèle sexuel sain est basé sur le plaisir et reconnaît que le suivi post-sexuel est un moyen de poursuivre ce plaisir et cette intimité », poursuit-il. 

« Prendre soin de la personne avec qui vous venez d’avoir une expérience intime devrait être une condition préalable », déclare à son tour Ev’Yan Whitney, auteure et animatrice du podcast Sensual Self, dans The Cut. Quel que soit le type de relation que vous entretenez – qu’il s’agisse d’un couple à long terme ou d’une aventure d’un soir – le suivi est une pratique qui, le cas échéant, doit être étroitement intégrée à l’expérience sexuelle.

On ne se verrait pas en date ou au restaurant sans adresser un mot à la personne en face : et bien pour le sexe, ça devrait être pareil.

Un concept qui semble faire consensus auprès des expert.es et notamment en ce qui concerne l’échange oral. “Parler, c’est la base de nos rapports sociaux. On ne se verrait pas en date ou au restaurant sans adresser un mot à la personne en face : et bien pour le sexe, ça devrait être pareil”, insiste Amal Tahir.

« Le fait de discuter après le sexe, ça permet de dire d’abord comment on se sent, de savoir comment l’autre se sent, ça permet également de poser un avis, de dire ce qui nous a plus, ce qui nous a moins plu… sans pour autant que cet avis soit un jugement performatif du ou de la partenaire. Ça peut également permettre au couple – officiel ou non – de parler des fantasmes, d’envisager de nouvelles pratiques… », poursuit-elle.

Gestes et rituels d’aftercare après des ébats sexuels 

Pour adopter ce rituel bien-être post sexe, rien de plus simple donc : tout commence par la parole. Car bien que ce soit un moment ultérieur à la relation sexuelle stricto-sensus, le consentement reste une condition inaliénable. 

« Certaines personnes aiment beaucoup la proximité et les câlins, d’autres ont besoin de beaucoup d’espace et d’ancrage, et certaines aiment les deux sans ordre particulier », ajoute la sexologue Caitlin V. Neal, MPH, dans The Cut.

“On peut commencer par demander à l’autre comment il ou elle se sent… On peut le ou la câliner : il n’y a pas de règles en soi. Il faut simplement être à l’aise pour communiquer”, illustre Amal Tahir. 

« L’un des meilleurs rituels d’aftercare dont j’ai entendu parler consistait à avoir des serviettes chaudes à côté du lit pour un essuyage complet du corps et des biscuits cuits au four qui sont livrés à votre partenaire au lit », explique Caitlin V. Neal. Et d’ajouter : “Il n’y a pas de mauvaise façon de pratiquer le suivi, et il n’y a pas de limites maximum au plaisir que cela peut créer. « 

* “Aimer sainement”, de Amal Tahir, Ed. Leduc. À paraître le 10 novembre 2022.

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