Pourquoi est-on toujours à découvert le 21 du mois ?

Il revient chaque mois, et toujours trop tôt : le découvert. Une semaine avant le versement des salaires, le rouge menace déjà. Pourquoi ? Parce que nous dépensons au gré de nos émotions, sans chiffrer nos besoins et nos moyens, répond la coach Laurence Arpi.

«Vous avez une nouvelle notification.» L’alerte vient de votre application bancaire. Vous l’attendiez, la redoutiez, la voilà. Vous repensez à ce restaurant hors de prix où vous avez dîné la semaine dernière. Au – sublime – sac à main que vous avez acheté après des semaines passées à l’aimer de loin. Et aux billets d’avion que vous avez commandés la veille à 22 heures, au téléphone avec votre meilleure amie, pour un week-end à Lisbonne le mois prochain – il est peut-être toujours temps d’annuler ?

La scène serait moins angoissante si elle ne se répétait pas tous les mois. Passée la première quinzaine, vous fermez les yeux chaque fois qu’il faut sortir votre carte bleue – technique bien éprouvée de l’autruche. Chaque fois, la même question émerge : pourquoi ? D’où vient cette incapacité à maintenir votre compte bancaire au-dessus de 0 ? D’un salaire trop bas ? De dépenses compulsives que vous n’arrivez pas à réfréner ? Ou êtes-vous tout simplement incapable d’être heureuse sans dépenser ?

«Un budget chaotique révèle un problème émotionnel, pas financier», martèle la business coach Laurence Arpi, spécialiste en «abondance financière» (oui !) et auteure de J’arrête de finir le mois à découvert (1). «La façon dont on gagne et dépense de l’argent est conditionnée par notre façon de penser, assure-t-elle. Il faut accepter que notre rapport à l’argent nous dépasse et est souvent le fruit d’un héritage psychologique.» Le niveau de vie de vos parents, leurs propres comportements financiers ou encore vos expériences passées entrent donc en compte. Vous avez sûrement de très bonnes raisons de vouloir à tout prix économiser, ou à l’inverse, d’avoir attendu des années de pouvoir désormais flamber sans compter. «Mais si on ne guérit pas les émotions à l’origine de nos dépenses non-maîtrisées, rien ne change : on prend de bonnes résolutions le 1er du mois, on fait chauffer la carte bleue le 15 et c’est fini.» D’où la nécessité de prendre un peu de hauteur pour contrer le mouvement.

Comprendre son rapport à l’argent

Avant tout, il s’agit d’identifier honnêtement ses comportements. «Il existe quatre profils financiers, explique Laurence Arpi. Chacun cohabite en nous mais l’un deux domine.» Le fugueur – celui qui refuse de regarder ses comptes bancaires – laisse les factures s’accumuler et jette ses tickets de caisse sans les regarder. Le moine – aux yeux duquel le matériel importe peu – se soucie plus de ses relations humaines que de l’état de son compte en banque. Le dépensier – qui marche au coup de tête et vit au jour le jour – et l’accumulateur – qui compte chaque euro dépensé pour économiser le plus possible. «Chacun de ces profils a aussi ses forces, sur lesquelles on peut apprendre à s’appuyer», encourage Laurence Arpi. Le fugueur sera capable de prendre des risques financiers sans angoisser, par exemple, quand l’accumulateur, lui, n’aura pas peur de se plonger dans ses relevés de compte pour tenir une trésorerie précise. «L’enjeu est donc d’apprendre à développer en soi ces différents courants, pour y avoir recours, selon les moments.»

Répartir ses dépenses

Premier réflexe : regarder ses comptes régulièrement – une véritable épreuve pour certains. «Si chaque jour est trop exigeant dans un premier temps, fixez au minimum un créneau hebdomadaire», conseille Laurence Arpi. Calculatrice et notes de la semaine en main, il s’agit ensuite d’identifier et de chiffrer vos dépenses. L’exercice peut être rebutant mais un quart d’heure par semaine suffit à faire le point et à rectifier le tir pour la semaine à venir si besoin.

Pas d’hyper-ventilation : «l’idée est de répartir ses dépenses en six postes», explique Laurence Arpi. Les dépenses obligatoires et nécessaires comme votre loyer, votre alimentation et toutes vos charges fixes ; l’épargne ; l’éducation – suivre une formation ou assister à une conférence, par exemple ; le plaisir ; le don et enfin ce que la coach appelle «la liberté financière» – c’est-à-dire tout ce qui va augmenter vos rentrées d’argent, comme des travaux dans votre maison de campagne pour la mettre en location, par exemple. «Un budget bien équilibré, poursuit la coach, observe peu ou prou la répartition suivante : les frais obligatoires représentent en moyenne 55% des revenus, le don 5%, et 10% sont alloués à chaque poste supplémentaire.»

Pour les phobiques du carnet de comptes et de la calculatrice, des logiciels comme Budget et des applications comme Numbers peuvent donner un coup de pouce salvateur. Impliquer une personne extérieure (coach, conjoint,…) vous impose un rendez-vous régulier avec vos finances… et aide à s’y tenir. Comme avec le sport, les premières séances sont les plus difficiles, mais les premiers bénéfices apparaissent vite. «Au bout de quelques semaines, on prend goût à la clarification financière, on devient plus autonome», assure Laurence Arpi. On se sent aussi plus forte, plus puissante. Ce qui remplace très vite un après-midi passé à dévaliser votre boutique préférée.

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S’autoriser à voir plus grand

Si rien ne change malgré tout, le problème est peut-être ailleurs. «C’est parfois l’occasion de réaliser qu’on ne gagne pas assez d’argent pour couvrir ses vrais besoins ou répondre à ses envies, souligne notre coach. Et là, il faut oser se valoriser et se dire : « j’aspire à une vie plus confortable pour laquelle on ne me paie pas assez ».» De plus en plus de formations apprennent, aux femmes notamment, à libérer leur rapport à l’argent des blocages liés à leur éducation, ou à la culture judéo-chrétienne, par exemple. On y découvre aussi comment demander une augmentation en ayant toutes les chances d’être entendue. Ou encore, comment et pourquoi investir sur soi (dans ses vêtements, ses loisirs, son mode de vie) peut booster une carrière et être source d’innovation et de créativité pour gagner de l’argent. Prendre en main son budget devient alors une façon d’ouvrir les horizons et de mettre sa vie en mouvement. C’est peut-être le moment pour vous de changer d’entreprise, de suivre une formation ou même d’entreprendre? Et cela mérite bien de se faire un ou deux petits cadeaux!

(1) J’arrête de finir le mois à découvert, Laurence Arpi, Eyrolles, 208 p., 14,90€.

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