- L’écrivain Marc Levy évoque auprès de 20 Minutes sa « colère terrible » après l’attaque du Hamas contre Israël.
- Dans son prochain roman, La Symphonie des monstres, il dénonce une autre atrocité, « le programme de déportation systémique d’enfants ukrainiens, mis en place par Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova. »
- Ce roman sera diffusé gratuitement en langue russe sur Internet.
Invité du salon Lire en poche de Gradignan ce week-end, l’écrivain Marc Levy, présenté comme l’écrivain français le plus lu dans le monde avec plus de 50 millions d’exemplaires vendus, était encore à Bordeaux ce lundi avant de rentrer à son domicile de New York. 20 Minutes a pu le rencontrer, pour interroger l’écrivain star sur l’actualité et l’attaque du Hamas en Israël, ainsi que sur la sortie de son prochain roman, La Symphonie des monstres, qui se déroule en Ukraine et qui paraît en français le 17 octobre.
Que vous inspire cette attaque du Hamas en Israël ?
Une colère terrible, parce que c’est une tragédie humaine. Les images sont insoutenables, et je suis évidemment de tout cœur avec une population civile attaquée de la sorte, c’est insupportable. Après, l’analyse du pourquoi cette haine et cette colère, est une autre considération. Mais celui qui cherche des excuses aux terroristes, devrait chercher où est son humanité. On peut avoir une considération pour le sort du peuple palestinien, et en même temps ne pas supporter le massacre de populations civiles. Aucune cause, aucune revanche, aucun combat, ne justifie de violer des femmes, d’exhiber des corps, de commettre des massacres… Evidemment, vous pensez bien qu’à peine ce conflit a éclaté, j’ai été inondé sur mes réseaux sociaux par toute la clique des antisémites, qui m’accusent de défendre les Ukrainiens, et pas les Palestiniens. Je leur dirais que les Ukrainiens n’ont jamais bombardé de cibles civiles russes. Mon père était résistant, la Résistance c’est le discernement, le terrorisme c’est la boucherie, la barbarie, et c’est ce que le Hamas a commis. Et le peuple Palestinien est otage du Hamas.
Que pouvez-vous nous dire de La Symphonie des monstres, ce nouveau roman qui se déroule en Ukraine ?
C’est un roman inspiré de faits réels, qui raconte l’histoire d’une infirmière dans le dispensaire d’une petite ville de territoire occupé. Un soir, en rentrant chez elle du travail, elle découvre que son petit garçon de neuf ans a été kidnappé. C’est l’histoire de trois personnages. D’abord ce petit garçon, brillant, avec un imaginaire fou, mais qui ne parle pas car il est atteint du mutisme sélectif de l’enfance, et qui n’a qu’une idée en tête : s’évader. Il y a sa sœur, une adolescente qui va vivre son adolescence autrement que ce qu’elle avait imaginé, en allant chercher son frère. Et Véronica, cette infirmière, qui va tout faire pour récupérer son fils, au milieu d’une terre occupée, comme la France a été occupée par les Allemands.
C’est un roman, mais qui dénonce la réalité de ces déportations d’enfants ?
C’est un roman qui raconte effectivement l’horreur de ce programme de déportation systémique qui a été mis en place par Poutine, et par une femme monstrueuse qui s’appelle Maria Lvova-Belova, qui a été promue commissaire aux droits de l’enfance en Russie. C’est comme si on avait donné le ministère de la Santé à Goebbels. Elle se vante d’avoir enlevé 700.000 enfants, alors que les vrais chiffres sont plus près de 100.000, dont 36.000 identifiés. Ce sont des enfants que les Russes sont allés chercher dans les écoles, les pouponnières, dans les rues. Ils les emmènent dans des camps de rééducation où ils leur apprennent à détester leurs origines et leurs parents, puis ils les donnent à d’autres familles russes. On est entre le kidnapping, la traite d’enfants et l’esclavage, et c’est ce qui a valu à Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova d’être condamnés pour crimes de guerre.
Vous avez souhaité que ce roman soit diffusé gratuitement en langue russe sur Internet, pourquoi ?
J’ai la chance d’avoir un grand lectorat en Russie, et je reçois beaucoup de courriers de Russes qui me disent qu’ils sont pris en otage, qu’ils sont contre cette guerre, contre ce que fait ce gouvernement. Mon lectorat ne vient pas que des quartiers bourgeois de Moscou, il va jusqu’en Sibérie, c’est aussi un lectorat rural, et qui en sait tout autant sur ce qu’il se passe, car c’est de là que vient la jeunesse que Poutine a envoyée se faire massacrer sur la ligne de front sans préparation.
Mais un peuple asservi par un dictateur sombre dans une espèce de torpeur, il n’arrive plus à penser par lui-même. Il vit aussi dans la peur de la dénonciation, et la liberté revient quand le nombre de résistants dépasse le nombre de collaborateurs. Je ferais une comparaison avec les années 1933 et 1934 en Allemagne : il y avait beaucoup d’Allemands qui étaient terrifiés par le nazisme, qui ne voulaient pas suivre les nazis, je pense que c’est dans ces moments-là que la connaissance joue un rôle extrêmement important, dans ce qu’elle peut apporter au jugement. Pour faire chuter un dictateur, soit on réussit à l’abattre, mais dans le cas de Poutine c’est difficile, soit il tombe de l’intérieur, et pour cela il faut réveiller le peuple.
C’est donc dans cette philosophie que vous souhaitez que les Russes puissent avoir accès à votre roman ?
Je crois beaucoup au pouvoir du livre, qui amène à la compréhension. Mon roman Les enfants de la liberté, qui raconte l’histoire de la 35e brigade, c’est-à-dire de la main-d’œuvre immigrée, de tous ces jeunes qui sont morts en criant « Vive la France » avec un accent étranger, s’est vendu à 700.000 exemplaires [La 35e Brigade FTP-MOI (Francs-tireurs partisans main-d’œuvre immigrée) regroupait des Juifs, d’anciens d’Espagne, des réfugiés antifascistes italiens, et le père de Marc Levy, Raymond Lévy, en a été un membre actif]. Ce sont 700.000 lecteurs qui ont eu une vision différente de ce qu’est un étranger, et qu’être né en France ne valait pas forcément mieux qu’aimer la France, même en étant né à l’étranger. C’est la force du livre, de toucher sans faire de leçon de morale.
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