Pilule de 3e génération : l’affaire de Marion Larat, handicapée depuis un AVC, sera instruite au pénal

C’est une avancée capitale dans l’affaire Marion Larat : la justice vient d’ordonner l’ouverture d’une instruction, 14 ans après l’AVC de cette Bordelaise aujourd’hui âgée de 33 ans. Un accident causé par la pilule Méliane, qu’elle prenait depuis tout juste trois mois. Il s’agit d’une pilule dite de 3e génération, commercialisée par le laboratoire Bayer. 

Après une première plainte déposée en 2012 et une enquête préliminaire qui avait reconnu le lien entre son AVC et le contraceptif -mais sans imputer aucune responsabilité au laboratoire Bayer et à son gynécologue- cette fois, la justice demande d’instruire le dossier au pénal.

Une instruction d’ici la fin de l’année

Me Jean-Christophe Coubris, avocat de Marion Larat, a dit lundi son « soulagement » de voir désignée une juge d’instruction, qui devrait auditionner Marion Larat « d’ici la fin de l’année ». Mais il a également exprimé son « écoeurement que huit ans aient dû passer » avant d’avoir la certitude d’une instruction avec garantie « de vraie expertise ».

Quant à Marion Larat, elle confiait au journal Le Parisien en janvier 2019, vouloir porter son histoire à la connaissance du grand public, afin d’aider les femmes à choisir le moyen de contraception le plus sûr pour elles.

« Cela a fait beaucoup de bruit à l’époque mais aujourd’hui on retombe dans le déni. Or, il faut continuer d’alerter sur les risques. Toutes les femmes ne les connaissent pas. Celles qui étaient des petites filles lorsque mon histoire a éclaté sont désormais des adolescentes ou des jeunes femmes qui doivent être informées avant de commencer leur contraception. Je veux qu’elles puissent débuter leur vie intime en toute sécurité », expliquait-elle au quotidien.

En parallèle, Marion Larat, dont la justice avait reconnu la qualité de victime d’ »un accident médical non fautif », s’est vu allouer sur le plan civil, par un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en septembre 2020, des indemnités pour préjudices subis à hauteur de 4,5 millions d’euros de la part de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). En février 2018, l’Oniam avait déjà dû verser une provision de 550 000 euros.

« Ne pas se sentir coupable »

Marion, qui avait dû interrompre ses études après son AVC, est aujourd’hui une jeune maman de 33 ans. Elle vient d’accoucher d’un deuxième enfant. Devant la presse, elle a appelé ce lundi 26 octobre 2020, les femmes souffrant de séquelles de pilules à « ne pas se sentir coupables ni fautives, mais bien victimes de la pilule. » Elle les incite aussi à « se battre » et à « porter plainte ».

Elle dit rester sujette à des crises d’épilepsie, à une aphasie (trouble du langage) qui affecte aussi son écrit, souffrir d’une hémiplégie de la main droite, d’une fatigabilité « extrême », et affirme « qu’elle ne pourra jamais travailler ». Elle a rappelé en pleurant le décès de la jeune Maylis en 2012 des suites d’une embolie pulmonaire, liée selon elle à la pilule 3ème génération, « trois semaines avant que mon affaire ne commence, avant ma prise de parole ».

Dans un parallèle avec le lancement d’alerte par Irène Frachon dans l’affaire du Médiator, Me Coubris a estimé que « si on n’avait pas eu en 2012 le courage de Marion, pas la première victime de pilules, mais la première à vociférer (…), on aurait toujours autant de pilules 3ème et 4ème génération vendues, prescrites en première intention, autant d’accidents ».

Retour sur les débuts de l’affaire

Fin 2012, Marion Larat, alors âgée de 18 ans, est la première Française à porter plainte, pour « atteinte involontaire à l’intégrité de la personne », après un AVC en 2006 et un handicap à 65% qu’elle impute directement à sa prise de pilule. Son affaire pousse les autorités sanitaires à anticiper le déremboursement des « mini-pilules » et ouvre la voie à quelques 130 autres plaintes, centralisées au pôle de santé publique du parquet de Paris.

La Haute Autorité de Santé émet également un avis élaboré à partir des données de l’Agence Mondiale du Médicament, recommandant aux femmes de préférer les pilules de 1e et 2e génération. « Les contraceptifs estroprogestatifs (COEP) dits de 3e génération exposent les femmes à un sur-risque d’accident thromboembolique veineux par rapport aux COEP dits de 1re ou 2e génération », explique ainsi l’HAS.

Mais en 2017, le parquet classe l’enquête concernant 29 marques de pilules contraceptives de 3e et 4e générations. L’avocat de Marion Larat dépose alors une plainte avec constitution de partie civile, entraînant la désignation d’un juge d’instruction, mais une ordonnance de non-lieu est rendue en octobre 2018, d’où l’appel de Me Coubris.

Dans le sillage de l’affaire Marion Larat, le climat de défiance envers les pilules de 3e et 4e générations a suscité des chutes spectaculaires de leurs ventes. Le combat médiatisé de la jeune femme « pour les autres victimes », lui avait valu de recevoir le prix de « Femme de l’année » en 2013 (France2/RTL/Marie-Claire). Elle est également l’auteure d’un livre sur son histoire : La pilule est amère (Éd. Stock, 2013) – Disponible sur Placedeslibraires et Amazon.

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