Perturbateurs endocriniens : les produits à risque et comment s’en protéger ?

Ces « leurres » hormonaux présents partout, dans l’eau, la nourriture, les cosmétiques… nous contaminent à notre insu. Qui sont-ils et quels réflexes adopter pour les éviter ?

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On désigne comme « perturbateur endocrinien » tout composé chimique, d’origine artificielle ou naturelle, capable d’interférer avec le fonctionnement du système endocrinien. Cet ensemble de glandes sécrétrices d’hormones contrôle le métabolisme, la croissance, le développement sexuel, la production des ovules et des spermatozoïdes. Parmi les perturbateurs endocriniens, on trouve les œstrogènes de synthèse, les agents plastifiants, les additifs, etc., auxquels s’ajoutent les substances naturelles présentes dans l’alimentation, tels les phyto-œstrogènes, les isoflavonoïdes et les lignanes contenus dans le soja, la luzerne, le lin…

Des effets néfastes sur la santé

Selon diverses études scientifiques, ces « polluants hormonaux » pourraient être à l’origine de problèmes de fertilité, d’orientation et différenciation sexuelles, des maladies de la thyroïde, de l’asthme, des allergies, de la susceptibilité aux infections, de l’augmentation des cancers, dont ceux dits « hormono-dépendants » (sein, utérus, prostate, testicules)… « Leur participation, en particulier le bisphénol A, dans l’épidémie d’obésité et de diabète de type 2 ne semble plus faire de doute aujourd’hui« , affirme le Pr Nicolas Chevalier, du service endocrinologie et métabolisme du CHU de Nice. En perturbant l’équilibre hormonal, ces molécules mettent potentiellement en danger la santé de l’individu et/ou de sa descendance.

Qui sont-ils ?

Plastifiants

Ce sont des substances chimiques qui, ajoutées au plastique, génèrent un produit plus facile à manipuler.

  • Bisphénols

On les trouve dans les plastiques durs – bonbonnes d’eau, biberons… – et aussi les canettes, boîtes de conserve, verres de lunettes, prises électriques, etc. Comme ils migrent vers le bol alimentaire, leur ingestion est toxique, et elle agit sur la reproduction, car ils se fixent aux récepteurs des œstrogènes. Le bisphénol A est interdit dans les biberons depuis 2011.

  • Phtalates

Ils entrent dans la composition des plastiques mous (rideaux de douche, colles, linos en PVC…), des cosmétiques, des moquettes, etc. Ils sont suspectés d’être en cause dans la survenue de cancers, notamment les tumeurs du foie ou testiculaires.

  • Triclosan

Ce dérivé du benzène est utilisé comme bactéricide dans des savons, dentifrices, déodorants, gels douche, solutions hydroalcooliques… La concentration maximale autorisée par produit est de 0,3 %. En parasitant les hormones thyroïdiennes, il limiterait le périmètre crânien du fœtus (avec troubles du comportement et QI bas à la clé) et aurait aussi des répercussions sur la reproduction. Par ailleurs, il semble impliqué dans les maladies inflammatoires intestinales et dans la prolifération des cellules malignes menant au cancer du côlon.

Perfluorés

Omniprésents (eau, air, sols, et dans quantité de produits de consommation), les fluorocarbures ou gaz fluorés persistent très longtemps dans l’environnement, la flore, la faune… et notre organisme, où ils s’accumulent au fil des ans. D’où leur nom peu flatteur de « polluants éternels ».

  • PFAS

Ces perfluorés sont utilisés dans les textiles antitaches (tapis, couettes…), les emballages alimentaires imperméables à la graisse (fast-food), les ustensiles de cuisine antiadhésifs, etc. Une exposition élevée à ces composés aurait un impact sur le fonctionnement de la thyroïde, altérerait l’immunité et le système hormonal, augmenterait le taux de cholestérol et le risque de survenue de certains cancers.

  • PFOS

Cousins des PFAS, ils sont présents dans les produits imperméabilisants et autoadhésifs. On les accuse d’accroître les risques d’endométriose et d’infertilité, et ils seraient associés à un faible poids de naissance du nourrisson.

Parabènes

Ces conservateurs antimicrobiens et antifongiques se nichent dans les produits d’hygiène et capillaires, ainsi que les cosmétiques. Plus rarement, ils font office d’additifs alimentaires dans les mayonnaises, sauces, pâtisseries, jus de fruits… Leurs incidences sur la fertilité, le risque d’obésité et de cancers hormono-dépendants posent question.

Polybromés

Ces agents chimiques sont des retardateurs de flamme (ou ignifugeurs) utilisés pour les tissus d’ameublement, appareils ménagers et électroniques, plastiques… On les suspecte de diminuer la fertilité, d’intervenir dans les malformations de l’appareil génital et de jouer également un rôle dans les déficits de l’attention, par altération de l’hormone thyroïdienne.

Pesticides

Ce sont des molécules chimiques employées pour lutter contre les parasites animaux et végétaux qui attaquent les cultures. Sauf que cette chimie reste dans les denrées alimentaires que nous consommons, comme dans l’eau, qu’elle soit de surface ou souterraine.

  • Chlordécone

Cet insecticide, utilisé pendant plus de vingt ans aux Antilles françaises principalement, a contaminé les milieux naturels (rivières, sols, faune, flore, bétail…). Il est classé « cancérogène possible » par le Centre international de recherche contre le cancer et amplifie notamment le risque de survenue du cancer de la prostate.

Les bons réflexes pour les minimiser

Dans la chambre

  • On évite les linos en PVC (plastifiants), la moquette (phtalates), les matelas et les couettes traités anti-acariens (insecticides et fongicides) ou antitaches (PFAS).
  • On préfère un matelas en latex 100 % naturel et un sol en bois massif non collé.

Dans la cuisine

  • On évite les ustensiles en plastique, les poêles en Téflon (PFOS, PFAS), les canettes dont le revêtement intérieur est à base de bisphénol A et les emballages en carton des plats à emporter, parfois recouverts d’une pellicule plastifiée qui peut contenir des toxiques. On ne réchauffe pas d’aliments au micro-ondes dans des récipients en plastique. Côté additifs alimentaires, on bannit les codes allant de E124 à E219.

Au quotidien

  • On évite les bougies parfumées, les parfums d’ambiance et les désodorisants.
  • On privilégie le verre, l’Inox, la terre cuite, le bois, ainsi que les produits d’entretien naturels et biodégradables. Et on adapte un filtre en céramique sur le robinet de l’évier, afin de ne boire que de l’eau filtrée.

L’avis de notre experte

« En 2021, la Société d’endocrinologie internationale a accusé l’Autorité européenne de sécurité des aliments de minimiser certains effets des perturbateurs endocriniens. J’alerte sur cette catastrophe, aussi massive que discrète. Au quotidien, essayons, au moins, de varier les toxiques, faute de pouvoir tous les éliminer. Pour ma part, un voyant rouge s’allume dès que je lis sur une étiquette « anti » quelque chose ou encore « traité contre X, Y ou Z ».« 

Corinne Lalo, journaliste d’investigation et auteure du livre Le Grand désordre hormonal, éditions Le Cherche-Midi, 2022.

L’avis de notre expert

« Prouver le lien entre les perturbateurs endocriniens et la survenue de maladies est difficile, voire impossible. En effet, il ne s’agit généralement pas d’intoxications aiguës mais chroniques, et souvent à des doses infinitésimales. Ces molécules agissent soit dans la durée, soit à des périodes critiques du développement (in utero, lactation, puberté) et pour des maladies (cancéreuses, thyroïdiennes…) qui apparaissent des années plus tard. Mais, les arguments à la fois in vitro et in vivo, chez l’animal et chez l’homme, sur la toxicité de certains perturbateurs endocriniens sont de plus en plus nombreux.« 

Pr Nicolas Chevalier, service endocrinologie et métabolisme du CHU de Nice

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