Astuces cuisine. – Pour ne plus s’emmêler les tentacules avec ces céphalopodes qui se ressemblent tant, Simon de Goeje, de la poissonnerie-restaurant Chez Simon à Paris, et le chef étoilé marseillais Ludovic Turac nous donnent une petite leçon de savoir-faire.
Seiches, calamars et encornets se pêchent dans toutes les eaux du monde, chaudes comme froides, et sont des durs à cuire, pourquoi ? Ce sont des céphalopodes, mollusques marins carnassiers, très évolués, dont la tête est munie d’une couronne de tentacules. Ceux-ci sont visqueux sur l’étal, et se transforment rapidement en du caoutchouc si on les laisse trop longtemps bronzer sur le grill.
Bien qu’ils se consomment toute l’année, leur pleine saison débute en septembre pour se terminer en novembre. Leur technique de préparation est également similaire : il s’agit de les fendre, de gratter l’intérieur avec la lame d’un couteau et de retirer tout ce qui est gluant. Mais surtout, les trois jettent de l’encre : «En mer, c’est leur moyen de défense. En cuisine, elle apporte du goût à des pâtes ou à un risotto en plus de donner une note sombre et élégante à une assiette», explique Simon de Goeje, artisan poissonnier à la tête de l’établissement Chez Simon (1). «Environ 9 fois sur 10, on perce la poche d’encre de la seiche qui explose sur le plan de travail. Cela n’arrive pas avec des encornets ou des calamars. Leur encre est dissimulée dans une toute petite pastille difficile à trouer volontairement», avance Ludovic Turac, chef de l’institution marseillaise Une Table au Sud (2), une étoile au Guide Michelin. Les deux pros le concèdent, il y a matière à se méprendre avec tous ces animaux marins. Grâce à leur expertise, on arrête définitivement de se prendre les pieds dans les tentacules.
Encornet, calamar, du pareil au même ?
Quand on questionne le poissonnier sur la différence entre un encornet et un calamar, il se trouve souvent bien embêté : «Depuis que je suis dans le métier et que je fréquente les halles de Rungis, je n’ai jamais vu le terme « calamar » écrit sur une caisse», commence-t-il. De quoi être étonné. Alors, pour distinguer les deux bêtes, les gens du métier vont de mythes en légendes. Certains affirment que le terme «encornet» serait simplement le nom courant de toute l’espèce. Il peut désigner aussi bien les seiches que les calamars.
Simon de Goeje raconte quant à lui que pour certains de ses collègues, la différence d’appellation serait liée à la zone géographique : «Comme pour certains poissons. En Méditerranée on va appeler le même poisson loup, alors qu’en Bretagne ou sur la côte Atlantique, cela sera un bar». D’ailleurs, si le calamar est jeune, on l’appelle «chipiron» sur la côte basque et «supion» dans le Sud de la France. D’autres poissonniers s’accordent toutefois pour dire que le terme de «calamar» correspond à la forme cuisinée de l’encornet.
Ludovic Turac, qui se fournit directement sur le Vieux-Port de Marseille ou à Saumaty (3), est formellement opposé à toutes ces versions : «La différence entre un calamar et un encornet est la taille. Un encornet a le tube (le corps sans les tentacules, NDLR) qui mesure entre 8 et 14 centimètres. Au-dessus, il s’agit d’un calamar. C’est comme le thon et la thonine : la chair est la même, les goûts sont similaires et ils réagissent pareillement à la cuisson ; or, à partir de 4,5 kilos, on est sur un thon».
Dix recettes gourmandes de seiche, calamar et encornet
Une recette facile à base de seiche saisies à la plancha proposée par la chef Flora Mikula du restaurant L’Auberge Flora.
Voir la recette des blancs de seiche sur riz rouge de Camargue.
Une recette délicate à base de bouchées de calamars et de poivrons del piquillo déposés sur un disque à l’encre de seiche.
Voir la recette des bouchées fleurs de poivrons au calamar.
Un classique de la cuisine des calamars accompagné de sauce piquillos.
Voir la recette des calamars à la plancha, chorizo et piments d’Espelette.
Une recette d’influence japonaise qui marie le laiteux du calmar et du crabe avec le soyeux du daïkon et du poireau.
Voir la recette du crabe et calmars en neige de daikon.
« Un calamar cuit par peur, ou cuit dix heures »
Ne plus confondre…
– Parmesan, parmigiano reggiano et grana padano
– Tisane ou infusion ?
– Brasserie, bistrot et café !
– Marron et châtaigne
– Citrouille et potiron
– Praline, pralin et praliné
À part la taille, calamars et encornets se ressemblent. Leurs tentacules sont longues avec deux petites nageoires en haut : «On peut les manger», précise l’artisan poissonnier. Le corps est recouvert d’une membrane noire avec des petites taches. «Il faut la retirer ainsi que le petit os à l’intérieur que l’on a coutume d’appeler « plume »», ajoute-t-il.
Côté cuisine, le calamar a cette particularité de ne supporter que deux modes de cuisson, à savoir une très rapide (on le fait simplement sauter), ou une très longue (bien supérieure à une heure), pour donner à sa chair une texture très fondante. «Un cuisinier me disait toujours qu’un calamar cuit par peur – en quelques minutes –, ou cuit dix heures, plaisante le chef étoilé. Entre les deux, c’est immangeable». Avant d’en arriver là, encore faut-il choisir le bon produit : «Il faut vérifier qu’il se tienne, qu’il soit tout de même assez rigide. Si on le prend et qu’il tombe des deux côtés, c’est plutôt mauvais signe», affirme Simon de Goeje.
«Je conseille de les choisir vivants, c’est toujours mieux. J’aime les encornets rouges, ils sont typiques de Méditerranée et un peu perlés. Après il faut vérifier qu’ils soient éclatants, qu’ils soient bien durs, qu’ils sentent bon et qu’ils glissent bien», complète Ludovic Turac. Question tarifs, les calamars sont plus chers que les seiches. En moyenne, il faut compter 30 € le kilo pour des petits calamars, 40 € pour un grand, contrairement à la seiche, qui tourne autour de 20 € le kilo.
La seiche, « l’ancêtre de la planche à voiles »
Pour bien choisir une seiche, il faut regarder sa fermeté, critère essentiel, auquel s’ajoute sa couleur : «Elle doit toujours tirer vers le blanc», conseille Simon de de Goeje. C’est ce qui la différencie d’un calamar en plus de sa forme. Celle-ci est plus arrondie, ses tentacules sont plus courts et deux d’entre eux sont plus épais aux extrémités. Ses yeux sont également plus gros, et, surtout, la seiche se compose d’un os très charnu, «le sépion». C’est grâce à cette sorte de squelette ovale et blanc plein de gaz que l’animal peut flotter plus facilement.
«Entre poissonniers, on a coutume de rire sur le fait que la seiche serait l’ancêtre de la planche à voile à cause de l’apparence de cet os», ironise le commerçant. Soit un bon moyen mnémotechnique pour différencier le mollusque de ses homologues en plus de son goût : «Les calamars et les encornets sont plus iodés alors que la seiche a de légères notes d’amandes», poursuit le cuisinier.
La seiche crue de Ludovic Turac
«Cette recette me vient d’un maître sushi marseillais, maître Do. On escalope une seiche vivante et on la lie avec de la langue d’oursin. On y ajoute du jus de citron et de la fleur de sel. C’est une véritable claque iodée» !
Ludovic Turac insiste cependant sur la texture de la seiche. Selon lui, c’est là que se joue toute la différence. «C’est également ce qui la rend plus complexe à travailler. Sa chair est très épaisse en plus de son cartilage. Elle est dure à ouvrir, il faut un bon couteau.» Cette étape passée, l’animal se dévore cru, sauté à la plancha durant 30 secondes, ou après une cuisson longue. «Une heure et demi à basse température c’est parfait. On peut ensuite l’ajouter à une émincée, à un concassé de tomates ou encore à une farce de volaille après cuisson dans un bouillon safrané», détaille le chef étoilé. Alors rendez-vous en cuisine maintenant que vous êtes au fait pour différencier la seiche du calamar et de l’encornet !
(1) Chez Simon, 36 rue des Moines, 75017 Paris. Particularité de cette poissonnerie ? Les produits de la mer peuvent aussi se déguster cuisinés sur place. Plus d’infos au 09 86 34 02 26.
(2) Une Table au Sud, 2 quai du Port, 13002 Marseille. Tél. : 04 91 90 63 53.
(3) Saumaty est le port de pêche officiel de la ville de Marseille depuis 1976.
*Initialement publié en aout 2019, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
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