Musiques actuelles et réseaux sociaux: entre écho et larsen

Lien direct avec les fans, amplification médiatique mais aussi levier possible du burn-out: les réseaux sociaux sont un outil incontournable des artistes émergents des musiques actuelles, à condition de trouver le bon tempo.

« Les réseaux sociaux, on ne peut pas faire sans, ce serait du suicide, la musique a toujours fonctionné avec le marketing et la com' », expose à l’AFP Olivier Garnier, alias Lulu, moitié du duo électro Cabadzi avec Victorien Bitaudeau. 

Une artiste comme Angèle a ainsi parfaitement utilisé ce vecteur au fil de sa carrière. La jeune Belge est aujourd’hui suivie par 2,6 millions de personnes sur Instagram. 

« Il y a du positif, oui. Nous, on est indépendants, est-ce qu’on le serait encore sans ces maillons rêvés pour toucher directement le public? » poursuit Lulu. Mais gare aux effets pernicieux. Le prochain album de Cabadzi, fin mai-début juin, évoquera d’ailleurs « l’addiction aux réseaux sociaux, dangereuse car induite par l’ergonomie des applis » décrit Lulu. Le titre? « Burrhus », en référence à Burrhus Frederic Skinner, spécialiste de la psychologie du comportement dans les années 1950-60. 

Et le corps médical pose des mots sur les maux qui guettent certains musiciens avec les réseaux sociaux. 

Un premier risque? « Être en survigilance, dans une forme d’attente de reconnaissance », prévient Elizabeth Rossé, psychologue, spécialiste des addictions, interrogée par l’AFP. 

« Il est d’autant plus difficile pour certains musiciens de se déconnecter (qu’ils peuvent) à toute heure du jour et de la nuit revoir leurs prestations et lire les différents commentaires », souligne aussi la synthèse du colloque national sur la santé du musicien dans les musiques actuelles.

– « Créativité mise à mal » –

« Et puis, ce n’est pas propre aux artistes, d’autres secteurs peuvent être concernés, mais on pense qu’on peut tout faire soi-même, se passer d’intermédiaires, poursuit Elizabeth Rossé. C’est le paradoxe, tout est plus accessible, facile, mais le temps n’est pas extensible ».

« Il faut savoir gérer la masse des flux et les plus fragiles sont piégés. Et dans les métiers de création, c’est la créativité qui est mise à mal », ajoute la spécialiste.

Le burn-out des musiciens n’est plus tabou: la chanteuse Irma est sortie d’une dépression post-tournée et livre le 28 février un « album-thérapie » comme elle le confiait à l’AFP en octobre; Lomepal a lui annoncé au micro lors de son dernier Bercy qu’il allait faire une pause car il était épuisé. Un usage abusif des réseaux sociaux n’est pas la cause principale, mais peut se greffer aux tunnels « promo-pression médiatique-tournées ».

Pour un musicien/chanteur, être connecté en permanence sur les réseaux sociaux « rend, notamment, la frontière entre vie privée et vie professionnelle plus poreuse que jadis et la gestion de l’image de soi plus complexe que jamais », pointe encore le rapport du colloque.

– « Cours de sensibilisation » –

La chanteuse Pomme, nominée dans la catégorie « album révélation » aux Victoires de la musique, fait preuve à ce sujet d’une étonnante maturité à 23 ans. « J’apprends en utilisant, mais je suis persuadée que si on avait des cours de sensibilisation sur l’impact des réseaux sociaux – comme on a des cours d’informatique ou de technologie – ça aiderait », expose-t-elle à l’AFP.

« Ce n’est pas évident à gérer. Je me suis construite en tant qu’adolescente et jeune femme avec ces outils, je les ai beaucoup utilisés, j’y mettais des choses de ma vie privée mais depuis que 200.000 personnes me suivent sur Instagram, je me dis que des choses devraient m’appartenir ». 

Elle pose aussi ses garde-fous: « Je supprime de mon téléphone Instagram le week-end quand je n’ai pas de concert, ça m’aide à lire des livres. Quand je disais ça autour de moi, on me prenait pour une folle, mais maintenant les gens réalisent à quel point c’est chronophage ».

Angèle a déjà prévu un break: « Le jour où je dois me retirer pour faire le deuxième album, il sera important de ne plus être présente sur les réseaux sociaux », disait-elle en novembre à l’AFP. 

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