Minceur : pourquoi je grossis ? Deux médecins nutritionnistes nous répondent

Avant de nous lancer aveuglément dans la chasse aux kilos, et si nous essayions plutôt de savoir pourquoi on en prend. L’intérêt ? Adopter une « stratégie minceur » qui s’attaque à la cause de nos rondeurs, car on n’a pas toutes le même métabolisme, le même âge, le même rapport à la nourriture… A la lueur des dernières recherches scientifiques, voici les bonnes réponses à toutes vos questions.

Nos experts 

Le Pr Pierre Déchelotte Chef du service de nutrition du CHU de Rouen, directeur du laboratoire Inserm 1073, président de la Société francophone de nutrition clinique et métabolisme.

Le Dr Jean-Michel Lecerf Chef du service de nutrition à l’Institut Pasteur de Lille, auteur de Surpoids, c’est dans la tête ou dans l’assiette ? S’en sortir c’est possible !, Quæ.

Lise, 18 ans : pourquoi ai-je toujours très faim avant les repas ? 

Parce que vous dépensez certainement beaucoup de calories dans la journée ou que vous ne mangez peut-être pas suffsamment… La faim est un signal physique mais aussi chimique. La production de ghréline (hormone de la faim) par l’estomac qui gargouille va alerter l’hypothalamus, une zone de notre cerveau, du besoin imminent de nourriture. Nous sommes conditionnés par les horaires des repas, qui rythment la sécrétion de ghré-line… laquelle a exactement l’effet inverse de la leptine, l’hormone de la satiété, fabriquée par le tissu adipeux. En principe, on retrouve un taux sanguin élevé de ghréline avant un repas, et ce taux diminue au fur et à mesure que l’estomac se remplit et que la sécrétion de leptine augmente.

Naïma, 41 ans : pourquoi ai-je souvent des fringales ?

Manger sert à se nourrir, mais aussi à se faire plaisir ! Cette recherche de bien-être par l’alimentation est particulièrement importante quand on n’est pas en forme, que l’on se sent isolé, que l’on broie du noir… On a alors envie d’aliments bien riches. Et pour cause : le sucre permet la production de sérotonine dans le cerveau, neurotransmetteur impliqué dans les sensations de plénitude et d’apaisement. Le gras, lui, libère les endorphines, qui se lient aux récepteurs de la morphine et apportent également un certain soulagement. Le problème ? Manger peut devenir une drogue. Comme dans toutes les addictions, les récepteurs à la dopamine (l’hormone du plaisir sécrétée au niveau du cerveau) finissent par se bloquer. Le « nirvana » devient alors de plus en plus diffcile à atteindre. Il faut s’empiffrer toujours plus pour produire davantage de dopamine et se sentir bien. Si ce n’est qu’après on culpabilise et que ce stress incite à puiser encore plus dans le paquet de chips…

Karine, 43 ans : pourquoi je n’arrive pas à mincir, alors que j’ai supprimé les graisses ? 

Parce que le gras n’est pas l’ennemi numéro un de la prise de poids ! S’il est recommandé de composer ses repas de 30 % de lipides (graisses), de 55 % de glucides (sucres) et de 15 % de protéines, ce n’est pas pour rien. Un régime sans graisses est moins rassasiant. Résultat, il peut augmenter la sensation de faim… et la sécrétion de ghréline. Mais surtout, qui dit moins de graisses dit plus de sucres pour compenser. Des sucres qui se transforment en glucose dans le sang. Les aliments qui en « larguent » rapidement (pain blanc, galettes de riz, confiseries…) vont envoyer un message au pancréas pour qu’il produise dare-dare de l’insuline. Objectif : entraîner une baisse rapide et forte du taux de glucose sanguin. Le hic ? On se retrouve en hypoglycémie et l’on a besoin d’un autre aliment sucré pour y pallier. Au bout du compte, les sucres en excès ne sont pas utilisés comme carburants de l’organisme, mais récupérés par le tissu adipeux, qui les stocke.

Alice, 38 ans : pourquoi ne puis-je pas m’arrêter de manger ?

Si vous avez du mal à être rassasiée, c’est que votre système de régulation naturel de l’appétit ne fonctionne plus à plein régime. Autrement dit, l’hormone de la faim prend le pas sur celle de la satiété. Pourquoi ? Parce qu’il y a un « couac » au niveau de cette dernière (la leptine). Soit il y en a moins dans le sang, soit le cerveau devient résistant à ses messages de satiété. C’est souvent le résultat de régimes anarchiques ou trop drastiques. Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas l’impression d’être rassasiée même si votre estomac est rempli ! Et pour trouver la satisfaction d’être repue, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous resservir…

Gaëlle, 29 ans : pourquoi je grossis, alors que je ne fais qu’un repas complet par jour ? 

Vous êtes ni plus ni moins en train de déstabiliser votre rapport à l’alimentation. Or tout repas, même simple, a un rythme (début, milieu et fin), une grammaire (les aliments variés que l’on y met) et un plaisir à être partagé. On ne mange pas n’importe quand si l’on veut réguler sa faim et son poids. D’un point de vue physiologique, en sautant un repas, on peut diminuer le taux de leptine (hormone de la satiété), qui augmente en fonction des quantités absorbées. En outre, ce jeûne intermittent quotidien représente un stress chronique qui favorise le stockage des graisses. Enfin, ne faire qu’un seul repas par jour ne veut pas dire moins manger. Souvent, on arrive affamé au dîner, faute de ne pas avoir absorbé suffsamment de calories dans la journée. On dévore, alors que la dépense énergétique est faible la nuit.

Véronique, 57 ans : pourquoi ai-je une irrésistible envie de chocolat après dîner ? 

Cette réaction vient de la composition du cacao. En effet, il renferme de la tyramine et de la phényléthylamine, des molécules psychostimulantes proches des amphétamines. Il contient aussi du tryptophane. Cet acide aminé permet la libération par le cerveau de sérotonine, un neurotransmetteur encore appelé « hormone du bonheur » pour son effet antistress. Finalement, savourer du chocolat noir se traduit, au niveau du cerveau, par la libération d’endorphines, des médiateurs qui agissent comme une substance opioïde et apportent une sensation de bien-être dont on ne peut plus se passer !

Alexandra, 35 ans : pourquoi la balance s’affole-t-elle quand je suis stressée ?  

Vous rencontrez des diffcultés au travail ou au sein de votre couple ? Trop de soucis avec vos enfants ? Toute situation durable où l’on se sent en infériorité, pas assez reconnu, débordé, a un effet direct sur le tour de taille. La faute, en partie, au cortisol, qui est sécrété par les glandes surrénales pour réagir à un stress. Sur le long terme, son taux élevé induit une résistance à l’insuline. Résultat : les sucres se retrouvent présents dans le sang en trop grandes quantités et se transforment en graisses, qui sont stockées préférentiellement au niveau du ventre. Mais le stress chronique a aussi des conséquences sur la « chimie » de notre cerveau. Il modifie les circuits habituels de récompense. Autrement dit, pour ressentir du plaisir (avec la nourriture), il faut des quantités de sucres et de gras de plus en plus importantes.

Carole, 53 ans : pourquoi ai-je pris une taille de pantalon, alors que je mange très peu ?

Vers la cinquantaine, modifications hormonales obligent, on peut avoir l’impression d’avoir grossi sans manger plus, voire sans avoir vraiment pris du poids. En effet, l’arrêt de la progestérone et la baisse de la production d’œstrogènes induisent un déplacement des graisses du bassin vers le ventre. Ce processus s’amorce une dizaine d’années plus tôt. Il faut savoir que la composition du corps change, car la masse maigre (muscles) diminue, tandis que la masse grasse augmente. En vieillissant, le ventre devient moins ferme…

Manon, 23 ans : pourquoi je grossis depuis que je suis vegan ? 

Ce n’est pas parce que l’on est vegan que l’on mange allégé ! Souvent, les personnes qui ne consomment ni poisson, ni viande, ni œufs, ni laitages vont rechercher des apports en protéines dans les légumineuses et les céréales complètes. Or celles-ci contiennent aussi des glucides (sucres). Prises en grande quantité, elles se révèlent caloriques et peuvent amener à un excès glucidique qui va nourrir nos cellules graisseuses. Autre raison possible de la prise de poids chez les vegan, la tendance à ajouter trop d’huile dans les salades ou les plats pour compenser leur manque de saveur.

Rosine, 62 ans : pourquoi, après un régime, je reprends les kilos perdus ?

C’est le phénomène du yoyo. Outre l’alimentation, le poids dépend aussi du cerveau, qui va jouer sur tous les tableaux pour conserver au maximum le tissu adipeux, perçu comme une réserve utile. Ainsi, lors d’un régime drastique, la masse grasse diminue et produit moins de leptine (hormone de la satiété). D’où un besoin d’énergie signalé au cerveau, qui va alors donner le « la » d’une production plus élevée de ghréline (hormone de la faim). On aura envie de manger ! Ce freinage de l’amincissement se produit après quelques semaines (ou mois) de restriction. On reprend les kilos perdus, voire plus, en compensant nos frustrations antérieures par le plaisir de manger.

Maryline, 36 ans : pourquoi je grossis depuis que j’ai arrêté de fumer ? 

La nicotine a encore frappé ! Cette substance présente dans les cigarettes stimule la dépense énergétique. Les fumeurs ont donc tendance à peser moins qu’ils ne le devraient. En arrêtant le tabac, ils brûlent tout d’un coup moins de calories. Mais ce n’est pas tout. Le sevrage fait aussi grossir, car il induit des compensations. Le manque de nicotine et le stress qui va avec provoquent un report sur l’alimentation. On a tendance à remplacer une drogue par une autre (les aliments gras et sucrés). Et comme il est rare d’arrêter définitivement de fumer en une seule fois, les essais de sevrage répétés ont pour conséquence une prise de poids en « escalier ».

Elyette, 48 ans : pourquoi mon ari maigrit-il plus facilement que moi ?  

C’est injuste, mais c’est ainsi : à poids égal, les hommes ont davantage de muscles que leurs compagnes. Et ces muscles brûlent beaucoup plus de calories que les graisses. La pratique d’un sport pour mincir sera donc plus effcace au masculin. De plus, chez eux, le gras a tendance à se localiser sur le ventre… vous l’avez remarqué ? Or la graisse du ventre fond plus facilement que celle formant la culotte de cheval de nombreuses femmes. Ce qui s’explique : lors d’une restriction alimentaire ou d’une pratique physique, le corps subit un stress et se met à produire de l’adrénaline et de la noradrénaline. Ces messagers chimiques se fixent, au niveau des cellules graisseuses, sur des récepteurs dits « adrénergiques », afin de déloger les graisses. Ce qui fonctionne bien avec les récepteurs de type bêta. Avec les autres, dénommés alpha, c’est l’inverse qui se produit, c’est-à-dire le stockage des graisses. Or ces derniers sont majoritaires au niveau des hanches, des fesses et des cuisses.

Danaé, 38 ans : pourquoi je perds pas de poids alors que je me suis remise au sport 

C’est mathématique ! Si le sport fait brûler des calories, dans votre cas, la quantité d’énergie dépensée reste plus faible que celle apportée par l’alimentation. Pour mincir, il faut soit augmenter votre activité physique, soit réduire vos apports caloriques. Mais la silhouette ne dépend pas uniquement du poids. Avec une activité plus soutenue et régulière, même si la balance reste stable, on augmente sa masse maigre. Autrement dit, on perd du gras au profit du muscle, plus dense. Au bout de deux à trois mois d’entraînement, le corps est raffermi et les rondeurs se mettent à fondre.

100

C’est le nombre de gènes en rapport avec le poids, sur les 30 000 que nous comptabilisons dans nos cellules.

Le faible poids de la génétique 

Les cas d’obésité purement génétique sont rares (dus à la mutation d’un gène). Le plus souvent, on a des prédispositions génétiques à l’excès de poids, qui ne vont pas forcément s’exprimer. Tout dépend de l’hygiène de vie. « Si l’on fait du sport et que l’on s’alimente correctement, il n’y a pas de surpoids ni d’obésité fatale », assure le Dr Lecerf. Donc, même si l’on grandit dans une famille qui n’aide pas à manger sainement, tout ne se joue pas avant 6 ans ! Même si le nombre de cellules graisseuses (adipocytes) s’est multiplié et que, une fois acquis, il ne peut pas diminuer. « L’important n’est pas tant la quantité des adipocytes que leur taille : le fait qu’ils soient remplis ou non de graisses. Or on peut toujours diminuer leur volume en réduisant son alimentation. » Ce qui sera d’autant plus facile que l’obésité est récente.

Le rôle du microbiote 

Et si le surpoids et l’obésité étaient liés à la composition du microbiote intestinal ? Comprenez que, parmi les milliards de bactéries qui le composent, certaines fabriquent des substances qui influent sur la production des hormones régulant la satiété et la faim. Un déséquilibre (dysbiose) va modifier le comportement alimentaire. Voilà ce qui peut arriver chez les enfants et les ados ayant pris beaucoup d’antibiotiques ou soumis à des stress importants. Leur dysbiose se traduit par une montée de la production de GLP1 (hormone qui stimule le signal de la faim) au niveau des intestins. A l’inverse, une alimentation déséquilibrée peut altérer la flore intestinale, surtout chez des jeunes adeptes de malbouffe. Résultat, le microbiote ne joue plus son rôle protecteur de la muqueuse intestinale, qui devient poreuse. Passent alors dans le sang des substances responsables d’une inflammation à bas bruit, notamment au niveau du tissu adipeux et du cerveau. D’où l’apparition possible d’une anxiété, voire d’une dépression… qui incite aux troubles compulsifs alimentaires pour compenser le mal-être.

Pas de régime pendant la grossesse ! 

S’il ne faut pas prendre trop de poids durant la grossesse, l’inverse est vrai aussi. Un régime restrictif peut conduire le fœtus à économiser l’énergie, de peur de manquer de calories, et à se mettre au ralenti. Le bébé aura un petit poids à la naissance et gardera son esprit « économe » en grandissant. Il risque alors de stocker plus vite que les autres tout ce qui est en surplus dans son alimentation. A l’âge adulte, il aura tendance à développer des graisses, surtout abdominales, et aura un risque élevé de diabète et de maladies cardio-vasculaires.

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