Chiropracteur, naturopathe, hypnothérapeute… Même si un praticien de médecine dite «douce» porte une blouse blanche et non un médaillon à son effigie, il convient de le choisir avec prudence. Deux spécialistes nous donnent les clés pour éviter les charlatans.
La «médecine» dite alternative, parallèle ou non conventionnelle n’est pas toujours aussi douce pour le bien-être ou même le portefeuille. C’est ce que révélait le rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en décembre. Menées en 2018, leurs investigations ont montré que plus des deux tiers des 675 praticiens contrôlés – du naturopathe en passant par l’hypnothérapeute à l’acupuncteur – «présentaient au moins un manquement, majoritairement des défauts d’information, mais aussi dans certains cas des pratiques commerciales trompeuses voire présentant des risques pour les patients».
À ce jour, il n’existe pas de cadre officiel, tel que les Conseils de l’Ordre pour les médecins, les sages-femmes ou les masseurs-kinésithérapeutes, pour surveiller ou sanctionner les praticiens déviants. Ce jeudi 20 février, l’émission «Envoyé Spécial» diffusée sur France 2 (1) consacre d’ailleurs son enquête aux médecines parallèles. En pratique, quelques précautions d’usage permettent de se protéger et de mieux discerner l’escroc du thérapeute bienveillant. Consignes.
En vidéo, « Médecines parallèles : bons plans ou charlatans », la bande-annonce du reportage
Se renseigner sur le praticien et sa méthode
Avant de pousser la porte du premier cabinet venu, il convient de s’informer en amont. Que ce soit pour soulager une endométriose ou chercher un moyen de se relaxer, la «médecine douce» n’est pas sans danger. «Aujourd’hui, chacun peut se déclarer hypnothérapeute ou encore cryothérapeute. Vous n’avez pas besoin de formation alors que vous utilisez des appareils potentiellement dangereux comme la cabine de cryothérapie où la température peut descendre à – 90°C», regrette Bruno Falissard, professeur de santé publique à l’université Paris-Saclay et spécialiste des «médecines alternatives» à l’Inserm, qui dénonce un manque d’organisation et de réglementation de ces professions. C’est pourquoi le chercheur conseille toujours de se renseigner en amont sur internet sur la formation de son thérapeute. Même si on ne s’appelle pas inspecteur Colombo, un diplôme donné au bout de six heures de cours devrait vous mettre la puce à l’oreille.
En cas de doute, Bruno Falissard recommande de se tourner vers un thérapeute qui est déjà un professionnel de santé : médecin, sage-femme, infirmière ou kinésithérapeute pour les ostéopathes. «C’est un gage de sérieux supplémentaire», assure-t-il. Certaines professions de «médecine douce» exigent cette double casquette. C’est ce que confirme le conseil départemental de l’Ordre des médecins de Haute Garonne avec l’exemple de l’acupuncture. «Des thérapeutes non médecins pratiquant l’acupuncture réalisent un exercice illégal de la médecine», peut-on lire sur leur site. «Ils plantent des aiguilles et cette effraction cutanée correspond à un geste médical», poursuit le professeur de santé publique.
Fuir les discours anti-médecins
Si le thérapeute commence à remettre en cause l’institution médicale et vous incite à ne plus la consulter, il faut sortir le carton rouge. «Le praticien sérieux va insister au contraire pour que le patient garde son médecin, observe l’enseignant-chercheur Bruno Falissard. Il va expliquer que son rôle n’est pas de remplacer ce dernier, mais plutôt de venir soulager en plus d’autres aspects de la pathologie.» Dès que l’on sort de ce discours, on tire sans hésiter la sonnette d’alarme, selon le spécialiste. «75% des problèmes peuvent être évités grâce à cette observation», avance-t-il.
Se méfier des promesses de guérison
Si on est face à un charlatan, la mise à l’écart avec la médecine traditionnelle va souvent de pair avec des promesses de guérison miraculeuse. «Les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique relèvent le plus souvent de la croyance ou de la « pensée magique », du croire et non du savoir, signale Joséphine Cesbron, la présidente de Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu Victimes de secte (UNADFI). On « croit » en l’homéopathie ou au reiki, mais pas à la gastro-entérologie». En effet, aucune de ces pratiques n’est reconnue scientifiquement. «Nous avions fait un testing en cryothérapie et on s’est rendu compte que certaines personnes mal intentionnées attiraient les malades avec cette méthode pour « geler les tumeurs cancéreuses », rapporte Bruno Falissard. Ce qui est complétement faux et dommageable.» D’après le professeur de santé publique, le soin proposé par le thérapeute ne doit jamais rentrer en compétition avec le traitement prescrit pas le médecin.
S’assurer d’une relation strictement professionnelle
En promettant une amélioration rapide d’une maladie ou d’un mal-être, les «gourous guérisseurs», comme les surnomment l’UNADFI, attirent les personnes vulnérables et dans le pire des cas, entament une emprise sur le patient. «Sa pratique ne justifie pas de violer ou de forcer le consentement», prévient Joséphine Cesbron. La relation thérapeute/patient s’inscrit uniquement dans un contexte professionnel et non personnel. «Le praticien ne doit pas s’immiscer dans la vie de ses clients, ni les pousser à romprer tout contact avec ses proches», insiste la présidente de l’UNADFI.
Les conséquences des dérives sectaires liés au bien-être et à la santé peuvent aller de l’escroquerie financière aux répercussions plus graves comme des violences sexuelles et à la perte de chance de guérison pour le malade. Si jamais vous avez été victime d’un charlatan, l’UNADFI préconise de contacter des associations qui traitent des problèmes liés aux dérives sectaires. «Ces dernières vont d’abord les écouter, les déculpabiliser et, surtout, vont les aiguiller pour monter un dossier de plainte afin que la victime soit mieux entendue par la justice», soutient Joséphine Cesbron.
* Cet article, initialement publié en décembre 2019, a fait l’objet d’une mise à jour.
(1) «Médecines parallèles : bons plans ou charlatans ?», d’Elisa Jadot pour Capa Press, diffusée jeudi 20 février à 21h05 sur France 2 dans l’émission «Envoyé Spécial».
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