Marianne, diagnostiquée hypersomniaque après un Covid : "Je pourrais dormir tout le temps, sans jamais me réveiller"

  • L’hypersomnie, une maladie qui terrasse
  • Des symptômes trop souvent attribués à une dépression
  • L’hypersomnie, un autre symptôme probable du Covid long

27 novembre 2021. Comme celui de nombreux Français, le test PCR de Marianne est positif à la Covid-19. Une première pour la quadragénaire jusque-là épargnée par le virus. Exemptée de symptômes sévères pendant sa contamination, cette cheffe d’entreprise dit s’être surtout sentie « bizarre » quelque temps après, alors que le virus n’était plus dans son organisme. « Je dormais tout le temps, la fatigue était écrasante« , se souvient-elle. 

Les mois passent, mais cette asthénie si caractéristique de l’infection ne passe pas. Pire : elle se transforme en un épuisement chronique grave. On lui diagnostique d’abord une dépression, puis un burn out, deux pathologies auxquelles elle ne croit pas. Marianne finit alors par consulter un médecin du sommeil. C’est lui qui posera les mots sur sa maladie : l’hypersomnie idiopathique.

Maladie rare et chronique, elle se caractérise par une somnolence diurne, des « endormissements irrépressibles« , des nuits « trop longues » mais « jamais reposantes », vulgarise le Dr Alexandre Rouen, médecin somnologue et généticien au Centre de Référence pour les Hypersomnies Rares, à l’Hôtel-Dieu (APHP). « On suit plusieurs patients qui ont déclenché des troubles similaires après la Covid-19, et qui persistent toujours un ou deux ans après leur infection », indique-t-il.

L’hypersomnie, une maladie qui terrasse

Plonger dans ses souvenirs au service du récit semble être un supplice pour Marianne. Depuis deux ans, cette mère de famille dit ne plus jamais s’être sentie en forme. Pour cette ancienne hyperactive de 42 ans qui n’avait besoin que de cinq heures de sommeil pour conjuguer vie professionnelle et familiale, le handicap est réel. 

Car la fatigue des hypersomniaques ne prend pas de pause. L’ancienne responsable d’une agence de presse l’assure : « Je pourrais dormir tout le temps, sans jamais me réveiller ». Atypique, l’hypersomnie peut aussi se manifester par des crises aiguës. « Hier, par exemple, j’ai dormi presque 24 heures. Mon record, c’est 21 jours à dormir 18 heures par jour« , témoigne-t-elle. 

Mon record, c’est 21 jours à dormir 18 heures par jour.

Au grand dam de Marianne, même après 10, 15 ou 20 heures de sommeil, elle est toujours aussi fatiguée. « Je me force à me réveiller pour ma fille. Mais je me sens constamment embrumée, j’ai du mal à ouvrir les yeux, à réfléchir et à parler. Tout est épuisant ». À cause de sa maladie, elle a d’ailleurs été contrainte de cesser son activité professionnelle, le temps de monter un dossier à la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH).

Des symptômes trop souvent attribués à une dépression

Touchant une majorité de femmes jeunes, l’hypersomnie idiopathique est bien moins connue du grand public que la narcolepsie. Pourtant, ces deux maladies du sommeil sont très proches dans leurs symptômes, indique le Dr Rouen. « Dans les deux cas, les sujets tombent de sommeil, et leur temps de sommeil sur 24h est augmenté. En revanche, seuls certains narcoleptiques peuvent s’endormir ou subir un brusque relâchement musculaire soudainement après une forte émotion, un symptôme appelé cataplexie », explique-t-il.

Je me force à me réveiller pour ma fille.

Rare, l’hypersomnie de Marianne toucherait près d’1 personne sur 10 000, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Elle est généralement diagnostiquée lorsque les autres causes de troubles du sommeil ont été éliminées. C’est le cas notamment de l’apnée du sommeil, de la dépression ou des maladies neurologiques comme Alzheimer, détaille le somnologue.

C’est au Centre du Sommeil et de la Vigilance de l’Hôtel Dieu que Marianne a pu être diagnostiquée. « Quand je parlais, le médecin me comprenait, il ne me prenait pas pour une dépressive », se souvient-elle. À travers différents tests du sommeil, les médecins ont calculé en combien de temps elle s’endormait et si elle passait en sommeil paradoxal trop tôt après l’endormissement. On lui prescrit alors du Wakix, « un médicament éveillant, qui constitue un traitement symptomatique de la somnolence » complète le Dr Rouen. 

L’hypersomnie, un autre symptôme probable du Covid long

Contrairement à la narcolepsie, relativement bien caractérisée, l’hypersomnie n’a pas encore délivré tous ses secrets. Si les spécialistes s’accordent sur le fait qu’elle touche le système nerveux central, ses causes restent généralement inconnues. 

Marianne, elle, est persuadée que c’est la Covid-19 qui a déclenché sa pathologie. D’autant qu’elle sait – par son médecin – qu’un pourcentage assez élevé de personnes arrivent en consultation avec des symptômes similaires à la suite d’une infection au virus. Le Dr Rouen confirme. « On sait que le Covid long peut avoir des effets sur le sommeil. Jusqu’alors, on voyait surtout des insomnies post-infection, mais plusieurs cas d’hypersomnie ont aussi été recensés ».

L’entourage prend parfois les patients pour des feignants alors qu’ils sont malades.

Une étude brésilienne, parue le 9 novembre 2022 dans la revue BMC Neurology, va dans le sens de ces observations et fait état de quatre cas d’hypersomnie ou narcolepsie dans le cadre d’un Covid-long.

Concernant Marianne, aucun lien avéré avec le virus n’a encore été établi. Et même s’il était prouvé, le traitement devrait « rester le même », assure le médecin.

De son côté, elle se bat pour faire reconnaître son trouble comme une pathologie à part entière. « Il y a certainement beaucoup d’autres personnes sans diagnostic, notamment à qui on dit que c’est normal parce qu’ils sont en dépression ou en Covid long, et ce n’est pas vrai ».

Pour être mieux diagnostiquée, l’hypersomnie devrait aussi être moins stigmatisée, argue le Dr Rouen. « L’entourage prend parfois les patients pour des feignants alors qu’ils sont malades. Consulter un médecin du sommeil peut permettre des aménagements de poste ou la mise en place d’un tiers-temps pour les étudiants, en plus de la mise en place d’un traitement médical », conclut-il.

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