Madame Monsieur : « "Tandem" montre que les rappeurs sont plus ouverts que certains le croient »

Madame Monsieur, qui sort ce vendredi son deuxième album, « Tandem », constitué de vingt-cinq duos, a répondu aux questions de « 20 Minutes »

Madame, monsieur et leurs invités. Le couple français, qui a défendu les chances tricolores à l’Eurovision en 2018, sort ce vendredi son nouvel opus, Tandem. Un double album de chansons inédites, interprétées en duo avec des artistes d’horizons aussi divers que Christophe Willem et Youssoupha, Black M ou Lili Poe, Bilal Hassani ou Soprano. Un projet qu’Emilie Satt et Jean-Karl Lucas, les deux membres de Madame Monsieur, ont présenté à 20 Minutes.

« Tandem » devait sortir en septembre, puis il a été décalé à avril avant d’être reporté à juin en raison de la pandémie de coronavirus…

Jean-Karl Lucas : Il y a eu plein de péripéties (sourire). Il s’est enrichi. Au départ, on partait sur vingt-deux chansons et, au final, on a un double album de 25 titres. On avait envie de faire venir d’autres artistes, comme Jérémy Frérot pour Comme un voleur qui tourne très bien en radio depuis vingt-quatre semaines, ou Hatik qui, depuis, a cartonné dans la série Validé [dans laquelle il tient le rôle principal].

Sur cet album, vous chantez aussi bien avec Chilla ou Oxmo Puccino qu’avec Joyce Jonathan ou Trois cafés gourmands… L’idée, c’est de bâtir un pont entre le rap et la variété ?

Emilie Satt : Je dirais plutôt que, pour nous, c’est naturel. Ce sont des artistes que l’on côtoie, qui ont chacun leur façon de s’exprimer. On ne se pose pas vraiment la question. Le rap, c’est une musique populaire aujourd’hui, comme l’est la variété. Alors avec ces artistes, on se retrouve simplement en studio, autour d’un thème, d’une mélodie, d’une production… et on fait la chanson ensemble.

J-K. : Etiqueter les personnes, on n’aime pas du tout ça. Au début de notre carrière, les gens de l’industrie du disque ne savaient pas dans quelle case nous ranger parce que déjà on allait de la pop au rap. Aujourd’hui, cette soi-disant faiblesse est devenue une force, elle fait partie de notre personnalité d’artistes. Cet album nous permet de montrer qu’on peut venir de cultures, de milieux sociaux, voire de pays différents et quand même réussir à faire quelque chose en commun dont tout le monde est fier. On se respecte malgré nos différences, on est capables de faire ensemble quelque chose de bien, c’est un peu ça le message de cet album.

Dans une France en plein déconfinement, souvent clivée, cette volonté rassembleuse prend un sens particulier, non ?

J-K. : Oui. On a une espèce de pudeur, on donne peu notre avis publiquement ou sur les réseaux sociaux, mais on essaie de montrer notre engagement dans notre musique, dans ce qu’on fait. Cet album participe à transmettre un message d’acceptation. Ça montre aussi que les rappeurs sont plus ouverts que ce que certains voudraient le faire croire. Kalash Criminel a kiffé le morceau qu’il a fait avec nous, il a complètement assumé sur ses réseaux.

E. : On voit bien qu’il y a malgré tout un public qui dit « Je n’écoute pas de rap » et un autre qui dit « Je n’écoute que du rap ». Pourtant, dans les retours que l’on a, beaucoup nous disent « Je suis fan de Christophe Willem, mais j’aime beaucoup le morceau avec Kalash Criminel et je ne l’aurais pas cru »… Malgré tout, ça fait sauter des verrous, ça ouvre les esprits.

J-K. : On est très fiers de faire un feat. avec Kalash Criminel et un autre avec Amir, de participer à un album de Kerry James et de faire l’Eurovision. Pour nous, c’est ça la musique et la vie en règle générale. On ne va pas commencer à réfléchir à si c’est bon pour notre image ou je ne sais pas quoi. On le fait parce qu’on kiffe le faire. La seule limite qu’on se fixe, c’est que les morceaux que l’on compose soient bien…

E : On voulait aussi que Tandem ressemble à un album de Madame Monsieur et non à une compilation de styles totalement différents.

Comment fait-on un disque qui ressemble à du Madame Monsieur sans brider la personnalité musicale des artistes que vous avez conviés ?

J-K. : Les thèmes et les mélodies des chansons sont venues de nous et on a laissé à chaque invité un espace pour qu’il donne sa version, pose son regard, confie ses idées de paroles… On leur a présenté à chacun une chanson en leur expliquant ce qu’on voulait raconter et on leur a laissé soit un couplet, soit un bout de refrain, pour qu’ils apportent leur patte. Avec certains, comme Slimane, Kyo ou Boulevard des airs, on a carrément écrit les morceaux ensemble. On voulait que cet album ait du sens, qu’il y ait un investissement humain, pas que les artistes viennent une heure pour chanter leur partie avant de repartir.

Est-il arrivé qu’un artiste ne soit pas emballé par l’une de vos propositions et que vous changiez votre fusil d’épaule ?

E. : Oui, on n’était pas sur une obligation de travailler sur le morceau qu’on avait initié. Par exemple, on était persuadés qu’une mélodie allait plaire à Claudio Capéo et finalement, il avait envie d’un truc plus excitant. Cela a donné Tout le monde s’en tape, qui est plus urbain et vénère. Il s’est éclaté à s’exprimer sous un jour qu’il n’a pas l’habitude de montrer.

Quel est le profil-type de votre public ?

E. : C’est un peu le bordel (rires). En concert, il est assez familial. Il y a tous les âges. Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’un public qui aime chanter, qui a besoin d’histoires, de sens.

J-K. : Les gens qui nous suivent sur Facebook ont souvent la cinquantaine, la soixantaine. Sur Instagram, on a beaucoup d’ados, de jeunes adultes.

E. : Et sur Twitter, les trolls (rires).

Vous faites-vous beaucoup troller ?

E. : Le problème, avec Twitter, c’est que dès qu’on sort des politesses, des choses mignonnes et des communications promos, c’est infernal. Tu te fais tomber dessus en deux secondes. L’autre jour, Jean-Karl a tweeté qu’il était surpris parce que, a priori, il n’était pas archi fan de Lady Gaga, mais qu’il trouvait son dernier album, Chromatica, mortel.

J-K. : Un gars a répondu : « Vous devriez vous inspirer de sa musique. » J’ai répondu : « La robe en viande, ça ne me va pas trop. »

E. : Et alors là, Jean-Karl s’est pris un torrent de boue de la part de fans de Lady Gaga. Ils disaient : « C’est bon, elle a fait ça il y a dix ans, elle ne se résume pas à ça », « Vous me décevez énormément »…

J-K. : C’était juste une vanne en fait… Là, ils se sont fait tout un monde rien qu’avec un tweet.

E. : Tu sens qu’il y a sur Twitter une quête du fight. C’est vraiment pesant. L’an dernier, on avait été choqués par toutes les violences autour de Bilal Hassani. Cela affecte, qu’on le veuille ou non.

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