"Ma vieille carcasse" : Pierre Perret, qui n'a "jamais été à la mode", sort un nouvel album à 87 ans

Pierre Perret est à 87 ans et avec ses 60 ans de carrière, l’un des artistes français les plus aimés et l’un des plus chantés par toutes les générations. Son style, son jeu incessant avec les mots et la musicalité de la langue française n’ont jamais cessé. Ses chansons tantôt grivoises, légères, engagées, comiques, finalement humaines font partie d’un répertoire devenu familial. Qui ne connaît pas La cage aux oiseaux (1971), Le Zizi (1974), Les jolies colonies de vacances (1968) ou encore Lily (1977) ?

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Vendredi 14 avril 2023, il sort un nouvel album, Ma vieille carcasse, 12 nouvelles chansons toujours aussi vives, drôles et directes, qui racontent la vie, celle du XXIᵉ siècle. Il débutera aussi une tournée le 28 avril à Annecy.

franceinfo : Votre « vieille carcasse », pour reprendre vos propos, semble être indestructible.

Pierre Perret : J’aimerais bien, mais je crois que ça encombrerait un peu tout le monde si j’étais indestructible, vraiment.

Est-ce que justement, ce regard qui ne prend pas d’âge, joue un rôle justement sur votre façon de chanter ?

Une des clés de tout ça, c’est que je n’ai jamais été à la mode. J’ai essayé de peindre la vie sous toutes ses coutures, et ça semble parfois étrange parce qu’on me trouve grossier, vulgaire et puis après, on me dira : « C’est tendre, c’est poétique, c’est beau » eh bien, moi, j’accepte toutes ces casaques. Pourquoi pas ? C’est la vie.

Pendant très longtemps, beaucoup se sont mal comporté. Vous avez toujours eu une ligne directrice d’intégrité.

« J’ai essayé d’être toujours fidèle à moi-même. »

à franceinfo

Quand on a une façon de penser, des convictions, on ne sort pas de là. Je crois que ça remonte très loin. Mon enfance a été baignée là-dedans. J’ai été élevé au milieu de gens très humbles…

Dans le Petit café du pont que tenaient vos parents à Castelsarrasin au bord du canal du Midi.

J’ai évolué au milieu des ouvriers, je sais ce que c’est que la sueur. Je sais ce que c’est, les gens qui meurent de fatigue à 50 ans et qui venaient se consoler en se noyant un peu dans gnôle ou le vin etc. Et pourquoi ? Parce qu’ils ne pouvaient pas faire autrement. Les femmes battues, je les ai vues, je les ai entendu, j’ai vu leurs bleus. J’ai toujours eu envie de parler de ça.

C’est pour eux Les larmes des pauvres ?

Les larmes des pauvres, je les ai connues. C’est une chanson que j’ai fini par faire. Et il y en a beaucoup à qui ça va rappeler des souvenirs, parce que tout le monde a vu ce que je raconte-là.

Le public a toujours été là. La radiodiffusion vous a souvent censuré. Ça a été le cas pour Les jolies colonies de vacances.

Ah oui, c’est vrai ! Mais c’est ma gloire !

Alors, que représente cette espèce de déséquilibre qu’il y a toujours eu entre le milieu qui ne vous a jamais vraiment fait de cadeau et le public qui vous a toujours aimé, adopté ?

Il n’y a pas de trésor au-dessus de ça parce que je n’ai jamais été vraiment accepté complètement dans ce qu’on appelle ce métier. Je me sens assez étranger à cette façon de rentrer dans cet univers parce qu’il a été toujours pavé de modes. Il y a plein de choses que j’ai trouvé estimables, parfois aimables etc. Mais l’univers de ma musique est dans ma tête, dans mon cœur et l’univers de ce que j’ai à raconter est autour de moi. J’ouvre les yeux et surtout j’écoute. J’écoute les gens et je les regarde. Et parfois, ça me déclenche une telle émotion que j’ai envie de le dire.

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En tout cas, ce qui est certain, c’est que vous êtes considéré aujourd’hui comme un monument. Ça vous touche ? Est-ce que ce n’est pas une belle revanche ? 60 ans de carrière, 60 ans à être soutenu par un public de plus en plus nombreux, avec plusieurs générations dans la salle, souvent quatre générations.

Ça, c’est ça qui me touche le plus. Parce que l’autre jour, au dernier théâtre que j’ai fait, je crois que j’étais à Sanary, il y a un monsieur qui avait 25 ans à peu près, qui m’a présenté son fils et qui m’a dit : « Voilà, moi, je vous amène mon fils parce que mon père m’a amené et j’avais le même âge que mon enfant qui est aujourd’hui là » eh bien, ça, ça m’a touché infiniment parce que c’est merveilleux.

Pour terminer, il y a Mes adieux provisoires dans cet album. Vous énumérez finalement tout ce qui vous touche, tout ce qui vous a construit. On a l’impression que c’est une lettre qui a été écrite à titre posthume et finalement, vous êtes encore vivant. Ça veut dire que vous pensez à la mort ?

« Les gens sont à mes concerts, au rendez-vous, et j’en suis autant ému à chaque fois. Tous les soirs, quand je vois la salle, on me dit : ‘Tu sais, c’est plein’ eh bien merci ! »

à franceinfo

J’y ai pensé toute ma vie, tout le temps. On peut lâcher la rampe d’une seconde à l’autre, ça fait partie du jeu, on le sait. Ce qui était important, c’était de laisser quelques petites choses qui feront qu’on pensera à vous encore quelques temps. J’ai été truculent, audacieux, poétique, diront d’aucuns ben tant mieux si on m’a appréhendé comme ça et que surtout, on m’est resté fidèle parce que je le vois dans cette tournée ininterrompue. Sûrement la dernière que je fais.

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