L’expo « Magique » révèle comment « Lyon a été un berceau du spiritisme »

  • Le musée des Confuences consacre sa nouvelle exposition temporaire aux pratiques magiques de l’antiquité à nos jours, sur tous les continents.
  • Une partie est consacrée aux rites quotidiens, notamment au spiritisme, un courant très populaire au XIXe siècle.
  • Le théoricien du spiritisme, Allan Kardec était un pédagogue lyonnais qui a voulu réunir la communication des esprits avec la science et la religion.

L’entrée, avec ses rideaux rouges et ses arbres fantomatiques, plonge d’emblée dans une ambiance à la Twin Peaks. L’exposition Magique, qui se tient jusqu’au 5 mars 2023 au musée des Confluences, à Lyon, n’a rien d’une fiction : elle présente les pratiques magiques de l’antiquité à nos jours, à travers ses objets, dans le monde entier. Un point de vue anthropologique passionnant, servi par une superbe muséographie, l’obscurité et certains fonds sonores peuvent d’ailleurs impressionner les visiteurs les plus sensibles…

Une petite table ronde est placée face à un écran où sont projetées des images de spiritisme, courant très en vogue au XIXe siècle, et dont le théoricien n’est autre qu’un Lyonnais dont on aperçoit le buste : Hippolyte Léon Denizard Rivail, alias Allan Kardec. « On peut dire que Lyon a été un berceau du spiritisme », reconnaît Carole Millon, chargée de projet aux expositions du musée. « Le spiritualisme, qui est cette idée de communiquer avec les morts, est né aux Etats-Unis en 1847, avec deux sœurs qui disaient pouvoir communiquer avec les esprits de leur maison. Le phénomène va connaître un engouement incroyable, jusqu’en Europe, à une époque où l’on s’intéresse beaucoup à l’hypnose, aux sciences occultes. »

Victor Hugo adepte du spiritisme

Converser avec les esprits ? Oui, à condition de réunir certains objets présentés en vitrine : table tournante, planche Ouija gravée d’un alphabet, où les esprits guident la main du médium, lettre par lettre, pour délivrer leur message d’outre-tombe…

Le buste d'Allan Kardec près d'une planche Ouija.

C’est alors qu’Allan Kardec, un enseignant cartésien, se penche sur ce mystère de manière scientifique. « Il veut chercher plus loin que la simple communication avec les esprits, il va la théoriser, parler d’une révélation religieuse et scientifique », précise Carole Millon. « En questionnant son rapport à la science, à la religion, il va créer une doctrine philosophique, théorisée dans de nombreux ouvrages. Le plus important étant Le Livre des Esprits en 1857, traduit en plusieurs langues et régulièrement réédité depuis. »

Kardec crée également La Revue spirite, qui existe toujours, et forme des cercles spirites, plus développés en ville que dans les campagnes, où l’aspect social du spiritisme prend le pas sur les superstitions. « Parmi les gens qui suivent ce courant on trouve de grands intellectuels de l’époque, comme Victor Hugo, car il est aussi question de retrouver des êtres chers, remarque Carole Millon. Avec la magie, on touche vite aux croyances et à l’intime. »

La moitié des 15-30 ans croit en la sorcellerie

A la mort de Kardec en 1869, les cercles spirites vont peu à peu péricliter. Ses livres, eux, vont se diffuser partout dans le monde, avec un ancrage particulièrement fort au Brésil. L’exposition, qui ne cherche pas à savoir ce qui est réel ou non, vise avant tout à montrer que « la magie, et les pratiques magiques, sont présentes depuis les temps les plus anciens, partout dans le monde, en dépit d’une histoire tumultueuse », résume Carole Millon.

Et que la magie fait toujours partie de notre quotidien, même à notre insu. « En Occident, avec la chasse aux sorcières, avec les Lumières, on a voulu garder un côté très rationnel. Et pourtant, de nos jours, près de la moitié des 15-30 ans croit en la sorcellerie », ajoute la chargée de projet. A la fin du parcours, les visiteurs sont invités à nouer un ruban de papier coloré autour de faux arbres, en faisant un vœu. Ouverts ou sceptiques, tous se prêtent au jeu.

« Cette idée de magie au sens large, de pouvoir intervenir sur le destin, n’a jamais disparu », résume Carole Millon. » C’est aussi une forme d’espoir, de se dire qu’on peut modifier le cours des choses par l’intervention d’entités. Il y a toujours un petit quelque chose qui fait qu’on a envie d’y croire… » Les commissaires d’exposition, tous scientifiques, ne diront pas le contraire : « On a bien veillé à placer le pentacle dans le bon sens ! »

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