Disponible sur OCS le 12 avril, "Les Sorcières à Hollywood" est un documentaire de Sophie Peyrard examinant, à travers la parole d’expertes et de nombreuses images d’archives, en quoi la représentation de la sorcière varie en fonction de la place des femmes dans la société à un moment donné.
La culture et la société s’interpénètrent. La manière dont on représente la société l’influence, et vice versa. C’est ce qu’établissent les « cultural studies », ou « études culturelles », qui ont encore du chemin à faire en France.
Cela vaut d’autant plus pour des figures aussi populaires que celle de la sorcière, comme le démontre le documentaire Les Sorcières à Hollywood, disponible sur OCS le 12 avril, réalisé par Sophie Peyrard, autrice et réalisatrice spécialisée dans la contre-culture, l’art et le féminisme.
Elle y brasse comment les représentations de la sorcière à la télévision et au cinéma ont évolué depuis le début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, et ce que cela dévoile de l’évolution de la place des femmes dans la société occidentale, et des combats féministes.
L’incarnation du changement
Avec un panel d’expertes en histoire, sociologie ou sciences culturelles, toutes féministes, le documentaire retrace chronologiquement l’histoire de la sorcière à Hollywood, qui façonne toujours l’imaginaire collectif.
On remonte ainsi aux premiers films muets et dessins animés, où la sorcière se résume alors à son nez crochu et son balai volant, pour faire défiler le temps jusqu’à American Horror Story: Coven, Les Nouvelles Aventures de Sabrina, ou Charmed, Harry Potter, en passant par Blanche-Neige, Le Magicien d’Oz, Ma Sorcière Bien-Aimée, Carrie, Suspiria ou The Craft.
À l’aide de nombreuses images d’archives, et du décryptage méticuleux des enjeux socio-culturels de ces productions culturelles cultes, Les Sorcières à Hollywood fait office de démonstration en accéléré, mais suffisamment détaillée pour les novices.
Dans les années 30, on imagine la sorcière femme fatale, redoutable séductrice, tandis que le retour à la réalité de la Seconde Guerre Mondiale, puis les 30 Glorieuses, poussent à l’inscrire dans un quotidien beaucoup plus banal, dans lequel elle essaie de se fondre à tout prix. Comme dans le film L’adorable voisine, avec James Stewart et Kim Novak, disponible également sur OCS dès le 12 avril.
Le documentaire prend alors le temps de décrypter l’exemple parlant de Ma Sorcière bien-aimé, qui, sous son apparence légère et colorée, prenait en fait un léger contre-pied avec une sorcière qui cache sa magie à son mari, mais ne peut s’en passer si elle veut réussir à accomplir tout ce lui incombe en tant que maîtresse de maison. Illustrant par là la charge mentale impossible qui pèse sur les femmes.
Les films d’horreur des années 70 montrent ensuite la sorcière en monstre incontrôlable, sexuel et assoiffé d’indépendance, attirée ou piégée par des rites sataniques. Une époque où la peur du satanisme règne sur l’Amérique puritaine, encore désarçonnée par la légalisation de la contraception orale, qui libère la sexualité des femmes, et des jeunes femmes.
La sorcière, éternellement transgressive
Même des siècles après la parution du traité Malleus Maleficarum, utilisé comme guide à l’époque de la chasse aux sorcières, rien ne semble avoir changé. Dès lors qu’elles ne correspondent pas à la norme, elle-même pleine de contradictions, des femmes sont honnies, craintes, punies, vues comme sorcières. Qu’elles soient vieilles et laides, ou jeunes et belles, elles font peur parce qu’elles sont portées par une volonté propre.
Au fond, qu’elle soit grimée en vert ou juchée sur des talons de douze, la figure de la sorcière se jauge encore à ses pouvoirs magiques, vus à la fois comme référence au pouvoir de chaque femme de « créer la vie », et symbole de l’individualité de toute femme. Cette individualité à laquelle elles sont poussées à renoncer une fois qu’elles s’intéressent à la vie matrimoniale et domestique.
Ces dernières années, le mythe de la sorcière a été réapproprié par les féministes de la troisième vague comme l’illustration ultime de l’oppression aveugle du patriarcat envers les femmes, après que leurs aînées des années 70 l’aient utilisée pour dénoncer le lien entre patriarcat et capitalisme, comme le rappelle ce documentaire.
Depuis quinze ans, la sorcière est aussi montrée queer, racisée, ou handicapée, pour rappeler qu’elle peut être n’importe quelle femme se battant contre les normes. Être une sorcière est à nouveau revendiqué.
Certains mythes sont même réécrits, comme celui de Maléfique, diabolique sorcière de La Belle au Bois Dormant, montrée comme indépendante et meurtrie dans une toute nouvelle approche non-paternaliste du conte de Charles Perrault, sous l’égide d’Angelina Jolie.
Le documentaire de Sophie Peyrard le montre bien : si le mythe de la sorcière s’est adapté aux changements d’époque, cette figure finira toujours par être érigée en idole de la transgression, et de la libération de toutes les femmes. Pour ses détracteurs, elle est affreuse et dangereuse, mais pour toutes celles qu’elle représente, l’incarnation de l’espoir, du renouveau.
Les Sorcières à Hollywood, de Sophie Peyrard, disponible sur OCS le 12 avril
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