- Les particules fines, c’est quoi ?
- D’où sont émises les particules fines ?
- Des conséquences gravissimes sur la santé
- Agir vite pour la santé publique
« On peut se chauffer au bois et BIEN se chauffer au bois » : c’est le slogan de la nouvelle campagne du gouvernement et de l’Agence de la transition écologique (Ademe), lancée le 6 décembre 2022. L’objectif : sensibiliser le public à la réduction des particules fines issues du chauffage au bois individuel, responsable de 70 % des émissions en hiver, selon l’UFC-Que Choisir.
De taille microscopique, les particules fines provoquent des ravages colossaux sur l’environnement et la santé humaine. Selon une estimation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiée en 2016, « la pollution de l’air ambiant (extérieur) dans les villes et les zones rurales était responsable de 4,2 millions de décès prématurés par an dans le monde ». Une mortalité « due à l’exposition aux particules fines de 2,5 microns de diamètre ou moins (PM2,5), qui provoquent des maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi que des cancers. »
Pour le Dr Bourdrel, médecin radiologue, référent qualité de l’air à l’Association Santé France Environnement et chercheur associé au laboratoire Icube de l’Université de Strasbourg, le grand public sous-estime l’ensemble des dommages causés par cette pollution atmosphérique sur l’organisme. « Chez les non-fumeurs, les cas de cancers du poumon en lien (direct) avec une pollution cancérigène telle que l’exposition au diesel explosent. D’autre part, on observe de plus en plus de cancers chez l’enfant, notamment les leucémies », alerte l’expert.
Les particules fines, c’est quoi ?
Invisibles à l’œil nu, les particules fines sont présentes depuis toujours dans l’environnement, à cause de l’érosion provoquée par les conditions climatiques. Classées oncogènes – qui favorisent la survenue du cancer – par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) depuis 2013, elles sont divisées en plusieurs dimensions.
« On a d’abord les grosses particules fines, les PM10, puis les grossières, les PM2,5 et enfin les ultrafines qui font moins de 0,1 micromètre », détaille le radiologue. Les particules sont solides ou liquides et composées le plus souvent d’un noyau de carbone au centre de la particule, et en périphérie de métaux (fer, cuivre, métaux lourds) et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. Ces derniers sont des « constituants naturels du charbon et du pétrole, ou qui proviennent de la combustion incomplète de matières organiques telles que les carburants, le bois, le tabac », définit Cancer Environnement.
Les activités humaines ont eu pour conséquence d’augmenter leur concentration annuelle, qui ne devrait pas excéder 5 microgrammes par mètre cube (µg/m3), selon les dernières recommandations de l’OMS. Problème : à l’heure actuelle, « la totalité des Franciliens est exposée à un dépassement du seuil de référence recommandé », avec des taux compris entre 14 et 16 µg/m3, d’après l’association Airparif.
D’où sont émises les particules fines ?
Et pour le Dr Bourdrel, le premier fautif, c’est la voiture. Et plus précisément le diesel qui l’alimente et qui émet une grande concentration de particules ultrafines (PUF) par le pot d’échappement. Aussi, « les particules de caoutchouc dues à l’usure des pneus est la première source de particules microplastiques dans l’air ambiant », note-t-il. L’expert estime que 80 % des émissions de PUF pourraient être imputées au trafic routier en incluant également les particules issues du freinage.
En deuxième position, on trouve les particules fines issues du chauffage au bois, très proches de celles du diesel et plus cancérigènes encore, selon le médecin. « On a encore du mal à pointer du doigt le bois, car c’est un matériau écologique. De plus comme les particuliers ne sont pas sensibilisés à protéger leur cheminée avec une vitre, ou à remplacer leur cheminée ouverte par des poêles récents, des particules de toute taille peuvent se dégager et polluer fortement l’air intérieur. C’est ce qu’il y a de pire ».
Selon les chiffres relayés par le Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard, l’agriculture intensive serait responsable de 52 % des émissions au niveau national. Lors des épandages, l’ammoniaque des engrais s’évapore et interagit avec le dioxyde d’azote et de soufre, formant des particules de nitrate et de sulfate d’ammonium. Cependant, « on ignore encore à quel point elles sont toxiques et cancérigènes », note le radiologue. Au printemps, couplée à la pollution permanente du trafic routier, les effets seraient ravageurs.
Difficile de trouver des chiffres fiables derrière les émissions imputables aux industries, car ce sont à elles de les auto-déclarer. « La pollution industrielle est vraiment sous-estimée », assure le médecin. Selon un rapport de l’AEE publié en 2021, la pollution de l’air issue de la production industrielle entraîne des dommages sur la santé et l’environnement estimés à 280 à 430 milliards d’euros par an.
Des conséquences gravissimes sur la santé
« Contrairement aux PM10 et PM2,5, il n’est pas obligatoire de mesurer les niveaux des PUF, qui sont pourtant les plus dangereuses du fait de leur petite taille », déplore l’expert. Plus fines, ces particules auraient en effet plus de facilité à pénétrer dans notre organisme. Et si une grande partie de la littérature scientifique est aujourd’hui dédiée aux conséquences cardiovasculaires, ce système est loin d’être le seul à pâtir de leur impact.
Nous l’avons tous.tes déjà expérimenté en ville : à court terme, leur effet inflammatoire commence par irriter les yeux et fait tousser. Toux qui peut se muer en crises d’asthme lorsque les PUF passent dans les voies basses du système respiratoire. « En fragilisant nos défenses immunitaires, elles nous rendent aussi plus vulnérables face à des maladies respiratoires comme la bronchiolite ou la Covid-19 », détaille le Dr Bourdrel.
Plus gravement, l’inhalation continue des particules fines peut favoriser le développement d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou de fibroses pulmonaires. À terme, le risque de cancer du poumon chez les non-fumeur.se.s est majoré. « 5 fois plus de personnes sont exposées aux particules fines qu’au tabac, mais le risque relatif de cancer du poumon par le tabac est 15 fois supérieur », selon une étude présentée le 10 septembre 2022 lors de l’European Society for Medical Oncology (ESMO).
« On sait que 60 à 70% des décès liés à la pollution de l’air sont dus à des maladies cardiovasculaires comme l’infarctus du myocarde ou l’AVC, mais ce n’est pas tout », informe le médecin. Car les PM10 et PM2,5 peuvent aussi se déposer dans le cerveau en passant par le sang ou le nerf olfactif, de la même façon que le SARS-CoV-2. « À terme, cela peut favoriser le développement de maladies comme Alzheimer, Parkinson, et même certaines maladies auto-immunes telles que la sclérose en plaques.
In utero, les risques ne sont pas moindres. Une étude belge publiée en 2019 dans la revue Nature Communications a démontré que le placenta n’était pas en capacité de filtrer toutes les particules fines provenant des poumons de la femme enceinte. Et les répercussions sur le fœtus peuvent aller du petit poids à la naissance aux malformations congénitales, en passant par la prématurité et les décès néonataux.
« Plus un fœtus est exposé in utero à la pollution atmosphérique, plus il a de chance de déclencher une maladie atopique comme l’asthme ou la rhinite », avance le Dr Bourdrel. Il cite une étude publiée dans l’American Journal of Epidemiology ayant démontré que les enfants vivant à moins de 100 mètres d’un axe routier avaient un risque 30 % plus élevé de développer des leucémies aiguës.
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Agir vite pour la santé publique
Les recherches s’accumulent afin de chiffrer les cas d’autres cancers (sein, prostate, cerveau, estomac…) liés aux particules fines. Si la pollution atmosphérique n’est pas endiguée, le Dr Bourdrel craint une aggravation de « l’épidémie de maladies chroniques et de cancers chez l’enfant ».
Et selon lui, les premiers axes de lutte contre les particules fines sont assez concrets : « Il faut d’abord interdire le diesel en ville. Il n’a jamais été conçu pour ça, car les systèmes de dépollution des gaz fonctionnent mal en ville et les filtres à particules s’encrassent trop vite. Il faut aussi renforcer le contrôle dans les industries et aider les agriculteurs à répandre leur engrais de façon plus responsable ».
Quant au chauffage à bois, lui aussi devrait être prohibé en milieu urbain, que ce soit le chauffage individuel mais aussi les centrales biomasse (qui produisent de l’électricité grâce à la vapeur d’eau dégagée par la combustion de matières végétales ou animales, NDLR). « Actuellement, on fait venir du chauffage à bois en ville. Cela va avoir des conséquences catastrophiques. La nouvelle campagne de l’Ademe a pour but d’aider les gens à investir dans un poêle à bois plus récent, mais cela ne suffira pas à endiguer la pollution supplémentaire générée, notamment en ville », détaille le radiologue.
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