Figure de la scène littéraire française et du Tout-Paris depuis plus d’un demi-siècle, l’écrivain Philippe Sollers est décédé à l’âge de 86 ans, a-t-on appris ce samedi auprès de son éditeur Gallimard, confirmant une information du Figaro.
Auteur de plus de 80 romans, essais et monographies, directeur de revues et longtemps habitué des plateaux de télévision, Philippe Sollers avait atteint la notoriété avec son roman « Femmes » en 1983.
Très précoce
Sollers n’était pas son vrai nom. Né Joyaux, dans une famille d’industriels, il choisit le pseudonyme de Sollers au moment d’écrire son premier livre. « J’étais mineur quand j’ai publié mon premier roman. La famille ne plaisantait pas, voulait que je m’engage elle aussi, mais dans les affaires… Menaçait de faire interdire le livre… Province !…» , explique-t-il dans Libération.
Très tôt, il publie son premier roman, Une curieuse solitude, salué par Aragon. « Le destin d’écrire est devant lui, comme une admirable prairie », écrit le poète dans les Lettres françaises. Trois ans plus tard, en 1961, son deuxième roman, Le Parc reçoit le prix Médicis.
Jeune écrivain prometteur, Philippe Sollers fonde, avec Jean-Edern Hallier, la revue littéraire « Tel Quel » au printemps 1960. La revue entend mettre en avant toutes les formes d’avant-garde, dont littéraires. On y défend le Nouveau Roman et des auteurs comme Francis Ponge ou le futur prix Nobel Claude Simon. Elle prête ses colonnes à des écrivains comme Michel Butor, Nathalie Sarraute ou encore Alain Robbe-Grillet, avant de s’ouvrir à la sémiologie et défendre Roland Barthes. « Tel Quel » publiera également Michel Foucault, Jacques Derrida.
Fascination pour la Chine
Au début des années 1970, la revue prend fait et cause pour le maoïsme chinois. En 1974, une délégation composée notamment de Philippe Sollers et Roland Barthes se rend en Chine à l’invitation du pouvoir. Cet aveuglement vis-à-vis du régime autoritaire chinois vaudra à l’écrivain les sarcasmes du sinologue Simon Leys.
Philippe Sollers niera avoir jamais été « maoïste » mais, dans le livre d’entretiens avec Josyane Savigneau, il affirmait : « Je persiste à dire (…) que cette révolution épouvantable fait que la Chine est désormais la première puissance mondiale ». Signe de sa fascination pour la Chine, tous ses livres contiennent des références à ce pays.
Deux femmes dans sa vie
Après la mort de Mao, en 1976, la revue change de cap et prend fait et cause pour les États-Unis. En 1982, il fonde une nouvelle revue, L’Infini. Il quitte également les éditions du Seuil pour Gallimard, où il devient membre du comité de lecture et directeur de collection. A ce titre, il refusa le roman d’Amélie Nothomb Hygiène de l’assassin, finalement publié chez Albin Michel.
C’est avec son roman Femmes (1983) que Philippe Sollers atteint la notoriété. Des critiques dénoncent la « pornographie » qu’ils décèlent dans ce texte. « C’est mon meilleur livre. Mon paradis indépassable », rétorque ce fin connaisseur de Casanova (à qui il a consacré une biographie), auteur d’un dictionnaire amoureux de Venise. Marié depuis 1967 à la psychanalyste Julia Kristeva, avec qui il a eu un fils David, il voua un « amour fou » à l’écrivaine belge Dominique Rolin, de 23 ans son aînée.
Leur correspondance sur un demi-siècle a été publiée en 2017 et 2018. Lui avait dévoilé sa double vie amoureuse en 2013 dans « Portraits de femmes ». Pour ses détracteurs, il était « futile », « mondain », « ennuyeux » et orgueilleux. A la question, « si vous deviez mourir demain, que resterait-il de vous ? », il répliquait : « une caisse de livres », ajoutant : « On se demandera comment on a pu se laisser prendre à l’image d’un Sollers aussi médiatique et désinvolte alors que c’est un travailleur acharné. »
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