- A Paris, Montpellier, Toulouse, Marseille ou encore Bastia, des milliers de personnes LGBT+ et alliées défilent chaque week-end de juin, toutes unies dans le cadre des Marches des fiertés.
- Un rendez-vous annuel phare pour la communauté LGBT+ bien connu du grand public. Ou peut-être pas tant que ça, car le traitement médiatique est parfois incomplet.
- Les Marches des fiertés sont-elles politiques ? Sont-elles des fêtes ? Un marronnier journalistique pour les médias généralistes ? « 20 Minutes » fait le point sur le sujet.
A Paris samedi, les rues de la capitale verront défiler des milliers de personnes LGBT+ et alliées, de la place de la Nation à celle de la République, toutes unies dans le cadre de la Marche des fiertés. Les week-ends précédents, des cortèges similaires ont sillonné les artères de Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Lyon ou, pour la première fois, Bastia et les prochains samedis, ce sera au tour de Marseille, Rouen, Nice ou Annecy, entre autres, de se teinter d’arc-en-ciel.
Ce rendez-vous annuel phare pour la communauté LGBT+ est bien connu du grand public. Ou peut-être pas tant que ça, car le traitement médiatique est parfois incomplet ou se concentre sur certains aspects de la manifestation au détriment d’autres. On fait le point sur le sujet, en quatre questions.
Les Marche des fiertés sont-elles politiques ?
OUI. La première Marche des fiertés s’est déroulée en novembre 1969 aux Etats-Unis, quelques mois après les émeutes de Stonewall. Dans la nuit du 27 au 28 juin, les clientes et clients, majoritairement des personnes LGBT, du Stonewall Inn, un bar de New York, se sont rebellées à la suite d’une énième descente des forces de l’ordre. La foule a manifesté son ras-le-bol face aux intimidations et aux arrestations. Cette révolte est un des jalons de la lutte pour l’égalité des droits aux Etats-Unis et son aura a dépassé les frontières américaines. Les Marches des fiertés se sont ainsi multipliées dans le monde au fil des décennies, se tenant principalement en juin pour coïncider avec la date américaine des émeutes de Stonewall. « Les Marches des fiertés sont politiques par essence, elles ont été pensées comme ça depuis le début, explique Thomas Vampouille, directeur de la rédaction de Têtu. Le sens original de la Pride c’est de se manifester et de dire « on existe, on est là ». Nos fiertés sont politiques et le fait d’être dans la rue, d’occuper l’espace public, d’être visible et audible est politique en soi. »
Les Marches des fiertés sont-elles des fêtes ?
OUI. Et ce n’est pas incompatible avec leur dimension politique. Pour le directeur de la rédaction de Têtu, dont le dernier numéro consacre un article à cet aspect, « cela n’a pas de sens d’un point de vue queer d’opposer la dimension festive et la dimension politique » puisqu’elles ont « vocation à être les deux ». « Tous les ans il y a des images un peu carnavalesques sur les télés, reconnaît-il. Evidemment c’est très visuel, mais c’est aussi fait pour ça. Il ne faut pas le dénoncer en soi car c’est très bien que ce soit sous cette forme, c’est une remise en cause de l’ordre établi. »
« La communauté LGBT défile une fois par an dans l’espace public et comme on le voit dans les encore trop nombreuses agressions LGBTphobes, ce n’est pas facile de marcher dans l’espace public en étant ouvertement une personne LGBT. Les gens ont besoin de se retrouver et faire la fête est aussi politique », développe Yanis Chouiter, coprésident de l’AJL (l’Association des journalistes LGBTI), rappelant l’un des slogans d’Act Up : « danser = vivre ».
Les médias traitent les Marches des fiertés comme un marronnier ?
OUI et NON. Commençons par rappeler qu’un « marronnier », dans le vocabulaire journalistique, désigne un article consacré à un événement récurrent, avec un traitement superficiel. « La presse régionale traite les Pride en région, mais cantonne souvent le sujet à des brèves. Même chose dans la presse nationale ou dans les journaux télévisés, il n’est pas rare de ne voir l’événement traité en quelques secondes ou quelques lignes, ce qui est assez étonnant quand on sait le nombre de personnes dans les rues », souligne Yanis Chouiter.
« Pour le 1er-Mai, les médias veillent à réfléchir au contexte social. Cette année, c’était évidemment la réforme des retraites. Les journalistes ont multiplié les angles autour de ce sujet, ont couvert le cortège, interviewé des patrons de syndicats… Pour les Marches des fiertés, ils devraient faire la même démarche, en prenant en compte le contexte politique et social, estime Thomas Vampouille. Plutôt que de chercher seulement des belles images ou de livrer le simple décompte du nombre de personnes qui ont défilé, ils devraient se servir de l’événement comme d’une espèce de piqûre de rappel annuelle : Où en est la situation des droits LGBT en France aujourd’hui ? Qu’est-ce que ça veut dire cette année et sur quoi on met l’accent ? »
Le coprésident de l’AJL préfère voir le verre à moitié plein. Il met en avant le fait que si certains médias ne couvrent pas forcément la Marche des fiertés en elle-même, ils profitent de cette actualité pour faire des reportages sur les questions liées aux personnes LGBT+. « C’est aussi souvent un moment où sont dressés, par exemple, les portraits de personnes queer, et où le côté politique est bien plus présent », déclare-t-il, en citant l’exemple d’un article du Courrier Picard nommé aux OUT d’or cette année sur un couple de femmes lesbiennes noires à Amiens. « Il y a eu de plus en plus de sujets autour des questions LGBT, en dehors des Pride, salue-t-il. C’est positif ! Peut-être que les Marches des fiertés ne constituent plus LE seul « moment LGBT » de l’année et qu’il est désormais possible de traiter des sujets liés à la communauté tout au long de l’année. »
Les prides ne concernent-elles que les personnes LGBT+ ?
NON. Inutile de rappeler que les défilés des Marches des fiertés sont inclusifs et rassemblent aussi bien des personnes LGBT+ que leurs alliées et alliés cis et hétérosexuelles. Mais, comme l’indique le directeur de la rédaction de Têtu, « la question queer révèle beaucoup d’autres choses de la société ». « Toute l’interrogation qu’il y a eue autour du mariage, de l’adoption etc. pose aussi beaucoup de questions à la société sur notre rapport à la famille, au biologique, nos conservatismes, avance-t-il. Ce que subissent les jeunes LGBT à l’école – je pense à Lucas, 13 ans, qui s’est suicidé alors qu’il était harcelé au collège – pose une question beaucoup plus large sur la manière de ce que subissent nos enfants en milieu scolaire. Le harcèlement scolaire concerne tout le monde. Même chose en ce qui concerne la résurgence des discours anti-trans, qui renvoient à une nouvelle vague réactionnaire qui concerne tout le monde. » Thomas Vampouille résume : « Là où les médias généralistes ont un rôle ou une responsabilité, c’est en regardant au-delà de l’aspect « exotique » de la Pride. Les questions queer travaillent la société plus profondément et largement qu’on pourrait le penser au premier abord. »
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