- Le suçon, une morsure passionnée et fantasmée
- Érotisme, transgression et engagement : les multiples significations d’un suçon
- Un acte sous emprise ?
Le fait divers avait fait le tour du monde. En 2016, un jeune adolescent mexicain décédait des suites d’un suçon réalisé par sa petite amie quelques heures plus tôt, ce dernier ayant causé la formation d’un caillot sanguin ayant conduit à un AVC foudroyant.
Et si le corps médical s’est bien sûr empressé de souligner le caractère inédit d’une telle mort par suçon, l’accident n’a pas manqué d’interroger le commun des mortels sur le pourquoi du comment les adolescents transits de passion s’adonnent à de tels agissements, aussi bénins et courants soient-ils.
Le suçon, une morsure passionnée et fantasmée
Car sur le papier, la pratique peut paraître somme toute étrange. Provoqué par une succion plus ou moins prolongée d’une partie de la peau, ce baiser intime, fougueux et souvent maladroit résulte en réalité d’une micro-explosion des petits vaisseaux sanguins irriguant la peau.
Sous l’effet de la pression de la bouche, de l’aspiration voire de la morsure, ces derniers laissent en effet le sang s’échapper et se diffuser à travers les tissus de la zone épidermique concernée. D’abord rouge, puis violette, bleue ou encore jaune pale, l’ecchymose va voir son aspect chromatique varier au fil de la régéneration des petits vaisseaux éclatés, jusqu’à ne plus laisser aucune trace.
Un baiser un brin vampiresque façon Twilight donc, qui encore et toujours, jouit d’une ferveur adolescente qui ne semble pas s’essouffler. “J’ai demandé à mon petit cousin de 15 ans si cela se faisait encore et apparemment, rien n’a changé !” confirme Chloé Thibaud, journaliste et autrice de Hum Hum ! Et si on parlait vraiment de sexe ? (Editions Webedia Books, 2022), un ouvrage didactique qui vise à lever le voile sur les tabous de la sexualité adolescente.
Et quand elle lui demande les raisons d’une telle pratique, les arguments du jeune homme nous replongent d’emblée dans la cour de récré. “Ça prouve le désir envers l’autre”, “Ça permet de montrer que la personne est en couple”, “On le fait aussi pour taquiner l’autre !” : autant de parti-pris a priori inoffensifs que Chloé Thibaud s’applique toutefois à déconstruire.
Érotisme, transgression et engagement : les multiples significations d’un suçon
“On n’est pas forcément en couple parce qu’on se fait des suçons”, prévient l’autrice. Et pour cause il arrive que la trace écarlate apparaisse sans qu’il y ait eu une volonté délibérée de la faire apparaître, que ce soit pendant un rapport sexuel passionné ou simplement un échange de baisers baisers fougueux, la peau de certains et certaines pouvant être plus sensibles que d’autre.
Ceci étant dit, le suçon reste généralement un acte volontariste à la haute charge symbolique, notamment pour son auteur. “La démarche peut traduire différentes choses : d’une part, le fait de suçoter le cou de l’autre a une portée érotique, excitante, d’autant plus parce que l’on a la sensation de faire un geste interdit ou du moins transgressif. D’autre part, le suçon peut être une manière de dire “il/elle est mon partenaire“, comme pourrait le faire une bague au doigt, dans l’imaginaire collectif », explique Chloé Thibaud.
Quand à celui ou celle qui reçoit le suçon, il fait de cette trace éphémère le marqueur d’un début de vie sexuelle et intime, le rite de passage à l’âge adulte, qu’il va exhiber avec fierté…ou au contraire s’applique à dissimuler, jouant en parallèle avec la transgression des limites parentales.
“Dans une relation saine, le suçon peut être aussi une petite taquinerie, c’est vrai. À condition que ce soit consentie », ajoute également ici l’autrice.
Et c’est souvent ici que le bât blesse, le suçon pouvant se faire prémices de réflexes amoureux un brin toxiques.
Un acte sous emprise ?
Qu’on soit jeune ou qu’on le soit moins, “si la personne en face n’aime pas la sensation ou qu’elle est vraiment très gênée de s’afficher avec cette marque devant ses parents, profs, ou ses collègues, il est impératif de la respecter et de ne pas lui faire de suçon », recommande Chloé Thibaut qui conseille à ses lecteurs et lectrices de ne pas hésiter à manifester leur désaccord en cas de suçon non désiré.
Quant à l’idée de réaliser un suçon dans le cou de l’être aimé, il ne peut se faire avec la vocation de le posséder ou d’y marquer son territoire. “Lorsqu’il est réalisé avec cet objectif, c’est le signe d’une volonté d’emprise qui n’est pas saine », prévient l’autrice. “Si votre partenaire vous en fait un en disant quelque chose comme ‘Comme ça, tout le monde saura que tu es à moi !’, il est essentiel d’avoir une discussion à ce sujet. Cela vaut tout aussi bien à l’âge adulte », conclut-elle.
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