- Educateur spécialisé à Dunkerque depuis 1993, l’auteur du livre, Philippe Toulouse, s’est battu pour faire construire une maison-relais adaptée aux sans-abri.
- Philippe Toulouse accuse les dirigeants de l’association pour laquelle il travaillait d’avoir détourné des fonds publics.
Dans son livre Les Invisibles*, le Dunkerquois Philippe Toulouse relate ses différents combats. Digne de
la série télé, Baron Noir, l’ouvrage, paru le 6 février, retrace ce qu’il appelle « son itinéraire d’éducateur spécialisé ». En voulant aider les plus démunis, l’éducateur assure avoir découvert les rouages bien huilés d’un système de corruption où le politique a la mainmise sur toute la ville. Entretien avec un lanceur d’alerte.
Une grande partie de votre livre est consacrée à votre combat auprès des sans-abri. Qu’est ce qui a motivé ce combat ?
En tant qu’éducateur spécialisé, j’ai vu énormément de gens qui mourraient dans la rue alors qu’on pouvait les aider en créant des structures adaptées et en professionnalisant les maraudes. Je n’avais qu’une idée en tête : créer une maison pour les personnes sans domicile et éviter des morts. Mais malgré mes demandes auprès de l’association dans laquelle je travaillais, les dirigeants ne se bougeaient pas. C’est là que j’ai appris comment fonctionnait l’association. Tout passait par le premier magistrat [le maire]. Je l’ai donc interpellé et c’est à partir de là que mes ennuis ont commencé.
Comment se sont traduits ces ennuis ?
Combattre la misère en France s’avère dangereux car ça touche le pouvoir. J’étais soumis à une pression quotidienne, on m’a mis au placard, on a changé les serrures de mon bureau… Je me suis aperçu que je ne devais rien attendre de mes dirigeants et des politiques. Ce premier combat auprès des gens dans la rue m’a amené dans des mondes que je n’imaginais pas : le show-biz, le politique, le syndical… J’ai observé le système. C’est comme ça que j’ai appris. Je me suis donc impliqué en politique pour faire en sorte que la maison-relais, que j’avais souhaitée, voit le jour. J’ai aussi demandé à Dany Boon de parrainer ce projet.
Quel a été le rôle de Dany Boon ?
En 2002, la notoriété de Dany Boon monte dans le Nord. Beaucoup d’habitants de la région se reconnaissent dans sa personnalité authentique. Je lui parle de ceux que j’appelle « les Invisibles », ces gens qui meurent dans l’indifférence. J’évoque mon idée de projet de maison relais qu’il accepte de parrainer. C’est un homme au grand cœur. On lui doit beaucoup.
Vous avez également dénoncé des affaires de détournements de fonds et de corruption au sein de votre association…
L’objectif du maire de Dunkerque était d’avoir une mainmise sur l’association pour mieux la restructurer. Tout le monde était de mèche. Je commençais à recevoir, par courriers, des exemples de détournements de fonds et d’abus de biens sociaux. Sur les documents on voyait les noms, prénoms et versements des « barons locaux » qui se faisaient notamment rembourser leurs taxes foncières avec l’argent de l’association. Les enfants étaient accueillis dans des taudis et la violence explosait. Notre collègue Fabrice a fini par se suicider.
Peut-on dire que ce suicide a mis « le feu aux poudres » ?
On a voulu dénoncer les pratiques des dirigeants et les pressions ont commencé à monter. Ils voulaient me faire taire. Depuis 2013, j’ai subi 36 h de garde à vue, une perquisition à domicile, une sur mon lieu de travail,
six plaintes et sept convocations au commissariat.
* Les Invisibles : révélations sur le business de la détresse, Max Milo, Paris, 2020, 236 p.
Dédicaces prévues le 8 février à La Librairie 33, rue Emmery, à Dunkerque, de 15 h à 18 h.
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