Prendre le temps de s’assoir et de discuter de design est rarement du temps perdu. L’assise est au cœur de la nouvelle collection imaginée par le designer Anthony Guerrée – et accessoirement de la discussion en question.
Récemment nommé à la tête de la direction artistique de la marque Habitat, le créateur s’est fait repérer par l’illustre maison fondée par Sir Terence Conran via une surprenante collection d’assises inspirées par les personnages d’A La Recherche du temps perdu de Marcel Proust, qui s’est vite transformée en (beau) livre édité aux éditions Bouclard. Pour résumer : en « chaisifiant » La Recherche, le trentenaire n’a pas perdu de temps. Formé à l’École Boulle, l’établissement le plus réputé en la matière, Anthony Guerrée a appris le métier dès 2010 au Studio Andrée Putman pour mener des projets avec de grandes maisons artisanales, puis chez Christophe Delcourt pendant cinq ans, avant de se lancer dans l’aventure solo et signer des pièces pour différentes marques.
Habitat, une « marque patrimoniale »
Cette arrivée chez Habitat, le créatif passionné par le travail des ensembliers des années 30 ne la doit pas seulement à sa réinterprétation inventive de l’œuvre de Marcel Proust, mais à son intérêt profond pour le caractère de « marque patrimoniale » véhiculé par la maison qui a révolutionné le design dès les années 60 par son approche avant-gardiste de l’utile, surpiqué de beau accessible. « Pour moi, Habitat c’est la seule maison à la portée de tous. Une marque dont les objets peuvent perdurer et se transmettre de génération en génération » explique-t-il quand on l’interroge sur sur sa prise de poste à la tête de la direction artistique de la maison.
Photo : Canapé « Alberto »
L’exigence de transmission, la nécessité de produire des pièces durables, l’aptitude à imaginer des meubles qui vont devoir évoluer et intégrer d’autres décors sont devenues les récurrences de son travail. A l’écouter, Habitat semblait cocher toutes les cases de son cahier des charges en tant que designer. Quand on l’interroge sur le poids du passé, le frein qu’une illustre structure peut incarner pour un créatif comme lui, il répond du tac-au-tac que « créer dans une économie de moyen peut s’avérer difficile mais que cela reste un vrai challenge de respecter ces contraintes et cette philosophie de marque ».
Pour moi, Habitat est une marque dont les objets peuvent perdurer et se transmettre de génération en génération
La marque justement dans cette période complexe et passionnante par sa nécessité de revoir les manières de penser les produits multiplie depuis une dizaine d’année les gestes pour renouer avec l’esprit de son fondateur britannique grâce à des rendez-vous récurrents comme le Habitat Design Lab ou un évènement exceptionnel tel que Habitat Vintage. Anthony Guerrée détient la formule idéale pour définir le beau passif de la marque née outre-Manche et esquisser son futur compris : donner vie à des meubles et objets au design aimable. Le cœur de la démarche Habitat depuis toujours n’est pas dans l’affirmation arbitraire d’un style mais dans la volonté d’avoir du style par des pièces finement créées dans une optique plurielle où le design répond autant à la notion de fonctionnalité que de beau . « Il faut être juste à tout prix. J’aime bien employer le terme « d’amabilité », la notion de durabilité elle est incluse dedans. Réaliser des pièces au design aimable, cela signifie bien proportionné, bien fabriqué mais aussi respectueux de la planète » justifie le jeune designer.
L’inventivité retrouvée version Anthony Guerrée
A l’inverse d’autres enseignes de l’univers maison, Habitat refuse le rythme effréné de la mini-collection ou de la collab tous azimuts et impose plus que jamais son allure pour faire valoir plus que jamais son identité patrimoniale. Pour le nouveau directeur artistique, participer à l’histoire de la maison c’est « avoir un dessin invisible qui ne soit pas trop expressif, l’idée n’étant pas de se contraindre de manière créative, juste une question de parler pour le bien de la collection et pas s’exprimer pour s’exprimer ». Son poste nécessite une coordination de tous les talents du studio créatif. Si chacun y exprime sa spécialité, le trentenaire cherche coûte que coûte à décloisonner et partager les savoirs pour mettre du mieux possible l’écriture personnel de chacun au service de la maison.
Photo : Fauteuil « Up »
Oser tout en dosant, imaginer des pièces suffisamment expressives pour être reconnaissables comme design, tout en les rendant accessibles c’est tout l’esprit de la première série de meubles sortie cet automne signée par Anthony Guerrée. Une collection d’assises petites ou grandes où la fonctionnalité maîtrisée s’accompagne de courbes joyeuses et de couleurs singulières comme la maison iconique en a la secret depuis des lustres. Impossible de passer à côté du design ciselé du fauteuil « Up » qui conjugue fonctionnalité affirmée (avec une partie inférieure qui se détache pour devenir pouf ou repose-pied) et forme atypique. Un véritable trône moderne ! Autre mention spéciale pour « Alberto », un Chesterfield revisité avec un dossier bas. Profond et moelleux, ce canapé droit à la structure en bois massif est revêtu d’un tissu italien de haute qualité. Une invitation au confort et au repos comme les salons contemporains en réclament !
Il faut être juste à tout prix. J’aime bien employer le terme « d’amabilité », la notion de durabilité elle est inclue dedans.
Inscrites dans l’ADN Habitat, ces nouvelles pièces symboles d’un renouveau ont été pensées dans une optique d’intemporalité. Ces assises rassurantes ont en commun une façon de répondre à un nouveau langage intérieur où les pièces en provenance d’horizons différents (héritage familiale, brocante, nouveautés…) argumentent entre elles un confort contemporain hautement singulier…. Un confort dont Habitat veut être acteur en érigeant avec humilité le design aimable, beau et peu intimidant, en valeur sûre.
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- Le livre du mois : Les Assises du temps perdu d’Anthony Guerrée
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