"Last Christmas" : un film de Noël qui vous veut un peu trop de bien

Le pitch : une chanteuse pas dégourdie (Emilia Clarke) tombe sous le charme d’un livreur (Henry Golding) extrêmement généreux. En salle le 27 novembre, "Last Christmas" est plein de bonnes intentions, mais pâtit de lourdeurs et maladresses scénaristiques.

Chaque année apporte son lot de nouveaux films de Noël. Et les histoires sont souvent les mêmes : deux personnes que tout oppose – souvent l’une guillerette/maladroite, l’autre sombre et torturée, l’une pauvre, l’autre riche, l’une mère célibataire, l’autre éternel coureur de jupons – finissent par s’attirer sous le gui pour couler des jours heureux dans un hiver éternel. La magie de Noël. 

Mais comment faire évoluer la comédie romantique de Noël, dans une époque où la surreprésentation de l’hétéronormativité, et l’entretien de stéréotypes féminins, n’ont jamais été autant remis en question ? Last Christmas, en salle le 27 novembre, est une tentative de modernisation plutôt réussie, mais qui pêche par des maladresses fâcheuses et des lourdeurs qui auraient pu être évitées. Verdict, avec quelques spoilers.

Aussi surprenant que cela puisse être en terme de choix de carrière, Last Christmas signe bien le retour d’Emilia Clarke sur nos écrans. Depuis la fin de Game of Thrones en mai dernier, la reine des Dragons s’est faite discrète. Après avoir révélé avoir subi deux graves AVCs, l’actrice britannique de 33 ans a pris du temps pour elle, bien mérité. 

Dans un rôle à l’opposé de la guerrière Daenerys, Emilia Clarke incarne cette fois Kate, jeune chanteuse sans le sou qui va de canapé en canapé. Plutôt dépressive, cette employée d’un magasin de Noël déguisée en elfe peine à remettre sa vie en marche après avoir frôlé la mort.

Ce point de départ est intéressant. Pour une fois, l’héroïne principale n’est pas une demoiselle en détresse naïve, voire un peu stupide, … mais elle reste, quand même, quelqu’un à sauver. Kate a un fort caractère… mais elle est maladroite. Kate enchaîne les coups d’un soir… mais ça la fait passer pour une ratée. Kate met du khôl autour de ses yeux car elle est fan de George Michael… mais elle finit par avoir un style plus assagi à la fin du film. Frileux, Last Christmas ne va pas au bout de ses idées.

Emilia Clarke est plutôt convaincante dans ce rôle compliqué, qui cumule des casquettes empilées maladroitement. Une femme combattive, mais bougon et pas fiable. Une femme qui a l’air indépendante, mais que l’on fait, finalement, passer pour immature et dépendante affective. Une femme qui dit n’avoir besoin de rien, ni personne, mais qui se retrouve seule et misérable dans un bar. Une femme censée être moderne, mais qui « dévoile » l’homosexualité de sa soeur devant leurs parents, « pour son bien ». Aïe. 

On est vite frustré en sentant que le film, malgré toutes ses bonnes intentions, ne parvient pas à éviter les écueils. D’autant qu’en face d’elle, Kate a pour contre-exemple sa patronne, jouée par Michelle Yeoh, assez drôle en Santa obsédée par les gris-gris de Noël kitsch. Mais c’est un Santa sévère. Et avec ce personnage, on retrouve le cliché de la marâtre chinoise, venant « redresser » une Occidentale indisciplinée qui a besoin de sa « sagesse ». Dommage.

Dans ces comédies romantiques un peu trop parfaites, les rôles masculins, et féminins, semblent bien souvent inatteignables. Le personnage de Tom, joué par le pourtant (très) charmant Henry Golding, en est un paroxysme. Sympathique mais très lisse, éternellement souriant, sans personnalité à part sa bonté infinie, avec un appartement si propre et rangé qu’il en est un peu anxiogène, le jeune homme a l’air d’un cliché bloqué dans la matrice. Son credo ? « Lève les yeux ! », conseil ou ordre, on ne sait plus, qu’il répète en permanence, comme leçon de vie et solution ultimes pour échapper à l’enfer des écrans et de l’auto-apitoiement. 

Par ailleurs, Tom est livreur à vélo. Pourtant, Tom est habillé pendant ses heures de travail comme un mannequin Uniqlo. On repense ainsi à l’adorable Julio (Marc Ruchmann) de la série Plan Coeur, qui devient livreur à velo dans la saison 2, mais arrive tout de même à se payer un énorme appartement, on ne sait comment. On se demande alors : pourquoi la fiction a-t-elle soudainement décidé de « glamouriser » à ce point ce dur métier, au moment où il est plus en plus remis en question au fil de scandales d’exploitation par des grosses sociétés de livraison ?  

Popularisé par l’excellent Crazy Rich Asians, Henry Golding, 32 ans, est britannique, originaire de Malaisie. Sa présence au casting représente un enjeu important : Last Christmas est le premier film de Noël d’envergure, et la première comédie romantique occidentale d’envergure, à choisir comme personnage masculin principal un homme d’origine asiatique face à une actrice caucasienne. Mais il faut attendre une discussion, cette fois, fine et bien écrite, entre Tom et Kate, à la fin du film, pour que son personnage ait une vraie consistance. Dommage. 

À cause de ces petits détails gênants qui s’accumulent, on n’est jamais totalement à l’aise devant le long-métrage de Paul Feig, qui a pourtant offert des comédies féminines modernes et réussies ces dernières années (Mes meilleures amies, Spy). On n’arrive pas à se laisser complètement porter par sa magie envoyée dans nos yeux à l’échelle d’énormes cargaisons, même si la bande-originale, entièrement composée de titres de Wham! et George Michael, relève le tout d’un peu de disco-pop bienvenue. 

Au casting, on retrouve également la géniale Emma Thompson. L’une des actrices les plus douées de sa génération, capable de jouer une nounou affreuse et magique (Nancy McPhee, 2005)) qu’une juge sérieuse et sensible (My Lady, 2017), la Britannique âgée de 60 ans co-signe également le scénario de Last Christmas.

Et cela se sent tout au long du film, qui est marqué par ses engagements personnels, comme l’anti-racisme, l’accueil des réfugiés [elle-même a adopté avec son mari, en 2003, Tindyebwa Agaba, ancien enfant rwandais réfugié à Londres et âgé de 16 ans], et le besoin de générosité.

Cette fois, la crise des migrants est vue à travers le prisme de cette famille qui a fui l’ex-Yougoslavie, et s’inquiète de la montée du Brexit et d’un certain climat xénophobe au Royaume-Uni. 

Emma Thompson joue d’ailleurs la mère de Kate. Une mère envahissante, étouffante, qu’elle tente de fuir le plus possible. Mais on est gêné, à nouveau, lorsque l’actrice se met à parler anglais avec un accent slave soutenu. On se dit, à nouveau, qu’une occasion de bien faire a été ratée.

Seule pirouette réussie du long-métrage : il s’approprie le fait de critiquer ces « privilégiés » qui veulent se donner bonne conscience en aidant les plus démunis, lorsque Kate décide de s’investir auprès d’un refuge pour personnes sans-abris, ce qui n’est pas forcément du goût du gérant, méfiant. Emma Thompson veut promouvoir la générosité, le vivre-ensemble, et mettre à mal le cynisme, tout en racontant une histoire d’amour finalement très clichée.

Malheureusement, les meilleures intentions du monde ne suffisent pas toujours, et Last Christmas pâtit de vouloir trop bien faire, tout en n’ayant pas conscience qu’il a encore un traîneau de retard.

Last Christmas, de Paul Feig, avec Emilia Clarke, Henry Golding et Emma Thompson, déjà en salles

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