C’est un sentiment aussi courant que commun, aussi important que désagréable, aussi puissant qu’éphémère : l’angoisse. Cette inquiétude métaphysique peut prendre la forme d’un malaise physique ou du sentiment de danger imminent. S’il n’est pas toujours aisé de comprendre ce qui nous met dans cet état, il est encore plus difficile de savoir d’où viennent ces peurs et ces angoisses.
Qu’est-ce qui, dans notre vie, a pu créer ce sentiment d’insécurité et de stress ? A-t-on les mêmes angoisses que nos parents et si oui, nous les transmettent-ils ?
D’où viennent nos angoisses existentielles ?
Pour la psychothérapeute Emma Scali, pour comprendre l’angoisse, il faut commencer par la définir. Selon elle, “l’angoisse est une peur sans objet, qui est liée intrinsèquement à l’idée de mort et donc, est inhérente à la conscience de l’être humain”.
La plupart du temps, l’angoisse est une peur intérieure que l’on a du mal à s’expliquer, car elle s’attache à l’inconnu. La thérapeute indique ensuite que l’angoisse apparaît dès lors qu’un individu prend conscience de son individualité, soit vers 8/9 mois. “Le bébé va mettre plusieurs mois à se rendre compte qu’il est un individu à part entière et qu’il n’est plus attaché au corps de sa mère”, détaille-t-elle.
C’est donc approximativement à cet âge qu’apparaît l’angoisse chez l’être humain. Et elle va perdurer tout au long de la vie, insidieusement ou plus explicitement. “Certains âges et époques de la vie sont plus propices pour décrypter cette angoisse ou penser à la condition humaine et à l’idée de mort”, explique Emma Scali.
Ainsi, après la prise de conscience des 8/9 mois, on observe différents paliers. Vers 5 ou 6 ans, l’enfant commence à penser le vivant et donc à anticiper l’après. Puis vient l’adolescence, période durant laquelle on découvre la sexualité, l’intégration à la société et surtout durant laquelle on teste ses limites et donc, “on joue idéologiquement avec la mort”. Dernière étape observée dans l’étude de l’angoisse et de cette idée de mort imminente ? Quand on vieillit et qu’on commence à voir son entourage disparaître. “Évidemment, tout dépend aussi des aléas de la vie, de ce qu’on accomplit, mais aussi des blessures émotionnelles vécues”, précise Emma Scali.
Il faut souligner aussi que le sentiment d’angoisse provient de notre capacité à réfléchir. D’ailleurs, “les personnes hypersensibles ou à haut potentiel ont tendance à se questionner plus sur ces notions, et même à développer parfois des blocages ou des peurs, pour ne pas avoir à triturer leurs angoisses”, ajoute l’experte.
Quelle est la part d’héritage de l’angoisse ?
Si le sentiment d’angoisse est donc inhérent à l’être humain, ce dernier use de mécanismes de remplacement ou de déplacement, pour mettre des “objets” au centre de ses peurs qui peuvent devenir de véritables phobies. Ainsi, on va s’expliquer cette sensation en lui donnant une véracité et une origine émotionnelle. Au cours de l’enfance et plus généralement de la vie, un individu va “éviter” de penser à l’origine intrinsèque de l’angoisse, en cumulant des objets de peur, créés par son vécu, ses blessures émotionnelles, ses accidents et tout ce que vit également son entourage proche.
A partir de là, se pose la question de la part d’héritage de l’angoisse. Peut-on transmettre nos peurs à nos enfants ? Comment leur inculquer la prudence et la sécurité, sans pour autant en faire des êtres inquiets et craintifs de tout ? Là encore, Emma Scali insiste sur le fait qu’en premier lieu, il ne faut pas culpabiliser : “c’est important d’enseigner la notion de danger aux enfants, de leur apprendre que la peur est saine. Mais il faut aussi pondérer ces conseils pour ne pas que ces angoisses les entravent au quotidien”.
Réguler la peur, c’est un ajustement permanent
La difficulté réside alors dans le fait de ne pas projeter ses propres angoisses sur ses enfants qui peuvent eux, introjecter ces peurs. L’introjection est un concept psychanalytique du début du 20ème siècle, et désigne “un processus qui met en évidence le passage fantasmatique du dehors au dedans”. Ainsi, les enfants peuvent – sans s’en rendre compte – absorber les peurs et leurs objets durant l’enfance, et pas les outils qui permettent de les réguler.
Mais cette part de transmission n’est pas due qu’aux parents seuls. “C’est tout un ensemble, tout un environnement qu’il faut prendre en compte”, précise Emma Scali. Ainsi, l’école, l’entourage, les grands-parents aussi peuvent véhiculer et transmettre des valeurs, des émotions et donc des peurs. “C’est un ajustement permanent”, explique la thérapeute. Avant d’ajouter, “l’important dans tout ça, c’est la qualité de sécurité intérieure de l’individu”. Si les parents sont trop sécurisants, ils peuvent limiter la prise d’autonomie de l’enfant et l’inhiber.
Y a-t-il une cause génétique à la transmission de l’angoisse ?
Si la part de transmission des peurs et angoisses est avérée, une question subsidiaire se pose : y a-t-il une cause génétique à ce transfert ? Si l’on en croit les dernières études faites dans le domaine de l’épigénétique, la réponse est “oui”. En effet, d’après une étude menée par des chercheurs israéliens de l’université d’Haïfa et publiée en 2013 dans revue Biological Psychiatry, le stress et l’angoisse pourraient altérer ce qu’on appelle la façon dont s’expriment les gènes (du moins chez les rats).
À noter enfin, qu’il n’existe pas de recette miracle pour ne pas transmettre son angoisse ou ses peurs à ses enfants. L’important pour Emma Scali est de communiquer. “Mettre des mots sur les maux, c’est un moyen de verbaliser ses émotions négatives et donc de supprimer le voile de l’inconnu, qui est à l’origine même du sentiment d’angoisse”, conclut-elle.
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