- L’algie vasculaire de la face ou la maladie du suicide
- L’algie vasculaire de la face, une “bête” qui ne fatigue jamais
- Les traitements connus pour soulager les douleurs
- La neurochirurgie, loin d’être miraculeuse ?
“Le jour de ma première crise, je me suis demandée comment j’allais survivre”. Sur son compte Instagram, Diane Wattrelos, alias @les_maux_en_couleurs raconte dans les détails, son combat contre la maladie qui la ronge : l’algie vasculaire de la face.
Depuis cette première fois où elle dit avoir ressenti comme une violente décharge électrique se propageant “dans la mâchoire et l’œil », pas un jour ne s’est passé sans qu’elle n’éprouve cette douleur “insoutenable”. Le tout, entre cinq et dix fois par jour.
“L’algie vasculaire de la face est probablement la pire douleur que l’homme ait jamais connue”, commentait Peter Goadsby, professeur de neurologie clinique à la University College de Londres, dans une publication consacrée à la maladie.
Cette mère de deux enfants alimente chaque jour son compte Instagram dans le but d’informer sur sa pathologie et de relater son quotidien de malade. “Si je l’ai créé, c’est parce que j’aurais aimé avoir ces informations lorsque la maladie s’est manifestée à 14 ans”.
En tout, il aura fallu dix ans, à Diane, pour enfin être diagnostiquée, après une hospitalisation en urgence à l’hôpital Lariboisière à Paris. Un cas classique selon le Dr Dominique Valade, qui a créé le Centre d’Urgences des Céphalées dans cet établissement, et qui estime « le retard diagnostic moyen situé entre 10 et 15 ans ».
L’algie vasculaire de la face ou la maladie du suicide
“Névralgie migraineuse”, “céphalée de Horton”, “syndrome de Sluder” ou encore “maladie du suicide” : il existe bien des façons de nommer ce mal, qui ne toucherait que 0,5% de la population d’après le Dr Valade, dont la note est reprise par l’Association Française Contre l’Algie vasculaire de la Face.
Cette maladie toucherait une majorité d’hommes, mais Diane Wattrelos maintient qu’elle n’est “ni masculine, ni féminine”. En moyenne, les crises d’algie vasculaire de la face débuteraient entre 10 et 30 ans.
Le Dr Valade définit cette affection neurologique comme « une céphalée primaire » se manifestant par des crises « douloureuses intenses et brèves séparées par des intervalles libres asymptomatiques ». Unilatérale, cette douleur extrêmement vive ne s’attaque qu’à une partie du visage et peut provoquer un écoulement de l’œil et de la narine. Elle peut aussi provoquer des raideurs dans le cou, d’autres douleurs dans les dents et la mâchoire.
Lors d’une crise, c’est comme si on essayait de m’arracher l’œil, qu’on y plante un poignard et qu’on essaye de le broyer. Le visage se déforme complètement.
Très sévère, elle est comparée à “un broiement ou à une brûlure atroce”, peut-on lire dans le document. Ce que confirme Diane : “Lors d’une crise, c’est comme si on essayait de m’arracher l’œil, qu’on y plante un poignard et qu’on essaye de le broyer. Le visage se déforme complètement”. Après une crise, les malades peuvent présenter des oedèmes autour des yeux.
Contrairement aux migraineux.ses, il n’est pas possible pour les algiques de s’allonger. Au contraire, la jeune femme décrit un basculement du corps, des mouvements vifs “comme un lion en cage”. Dans son livre Mes maux en couleurs (Ed. Leduc) paru le 12 avril 2022, Diane Wattrelos écrit : « je comprends que l’on puisse en venir à vouloir sauter par la fenêtre ou à se taper la tête contre les murs pour que tout s’arrête ». Certain.e.s malades peuvent aussi exprimer un comportement violent envers elles.eux mêmes.
L’algie vasculaire de la face serait le résultat de la compression du nerf trijumeau, le nerf crânien le plus volumineux, causé par la dilatation des vaisseaux sanguins qui l’entourent. C’est ce nerf qui assure la sensibilité et une partie de la motricité. Encore mal expliquée, cette dilatation des vaisseaux pourrait être provoquée par un dysfonctionnement de l’hypothalamus.
L’algie vasculaire de la face, une “bête” qui ne fatigue jamais
Si la propriétaire du compte @les_maux_en_couleurs décrit des crises“courtes” pouvant durer jusqu’à 45 minutes, cette durée semble assez variable selon les cas. Le Dr Valade explique qu’elles peuvent aller de “15 à 180 minutes”.
Très fatigantes, ces crises subites et “insoutenables” se répètent plusieurs fois dans la journée, mais surtout la nuit, ce qui affecte gravement le rythme et la santé mentale des malades. “La nuit, les vaisseaux sont plus dilatés. C’est logique”, explique Diane Wattrelos, qui est régulièrement hospitalisée après ces dernières. Du fait de l’intensité des douleurs, l’algie vasculaire de la face est d’ailleurs considérée comme une urgence médicale.
Atteinte d’une forme sévère et chronique, la mère de famille de 31 ans subit ces douleurs tous les jours, depuis près de 15 ans. Ce qui est plus rare, car dans 90% des cas, l’algie vasculaire de la face est dite « épisodique », s’étalant sur des périodes de 2 à 8 semaines où les crises sont quotidiennes, au rythme de 2 à 3 par jour.
“Lorsque je suis fatiguée, les crises sont plus nombreuses. L’algie entraîne la fatigue, et la fatigue entraîne l’algie”, témoigne Diane. D’autres facteurs comme l’alcool ou le tabac semblent augmenter les risques, même si la génétique serait majoritairement en cause.
“Les enquêtes épidémiologiques génétiques indiquent que les parents au premier degré sont 5 à 18 fois (…) plus susceptibles d’avoir une algie vasculaire de la face que la population générale”, révèle une étude publiée en 2004 dans The Lancet.
Les traitements connus pour soulager les douleurs
Dans un article publié en 1939, le Dr B.T. Horton disait avoir observé des patient.e.s si démuni.e.s face à la douleur, que “la plupart étaient disposés à se soumettre à n’importe quelle opération avec l’espoir d’un soulagement”.
Ce qu’a aussi expérimenté Diane Wattrelos, dès l’annonce de son diagnostic en 2014. “Ce jour-là, tout a changé. J’ai vu de l’espoir et de la délivrance”. Elle dit s’être montrée prête à tout pour parvenir à amoindrir ses douleurs. Avec le recul, elle ne cache pas ses regrets. “Si seulement j’avais su que tous ces traitements allaient me faire … ».
Après l’échec cuisant de plusieurs médicaments, elle découvre peu à peu être réfractaire aux traitements. “Tous les algiques ne sont pas concernés. Pour certain.e.s, la prise d’anticorps marche très bien, par exemple”, note la jeune femme.
On finit par lui prescrire un vasoconstricteur (sumatriptan, ndlr) sous forme de piqûre automatique. Lorsque la crise commence, les malades se piquent dans la cuisse ou le ventre, et ne peuvent pas dépasser deux injections par jour. “Sans les piqûres d’Imiject, je ne serais plus là aujourd’hui”, assure Diane. En parallèle, elle dit avoir testé l’oxygénothérapie, sans grand succès.
La mère de famille a aussi tenté de « calmer » sa souffrance par les anti-douleurs (morphine et tramadol), mais avoue désormais être addicte aux opioïdes.
La neurochirurgie, loin d’être miraculeuse ?
L’algie vasculaire de la face est une maladie qui ne quittera sûrement jamais le corps de Diane. Pourtant, la neurochirurgie teste en permanence de nouvelles techniques. Diane a d’ailleurs participé à la recherche, parfois à ses dépens.
Lors de sa première opération chirurgicale, les neurochirurgiens ont tenté de stimuler ses nerfs occipitaux, via l’implantation d’un stimulateur interne. Si cette intervention améliore les douleurs de 60% des patient.e.s, selon une étude publiée en 2011 dans la National Library of Medicine, ce fut un véritable échec pour Diane.
Plus tard, à Grenoble, elle est à nouveau opérée, mais cette fois-ci dans le cadre d’une stimulation profonde de l’hypothalamus. Les risques sont grands, car l’implantation d’électrodes intracérébrales est dangereuse. Selon Deuxième avis, “les spécialistes estiment qu’il y a environ 4% de chance de déclencher une hémorragie cérébrale”.
En sept ans, elle subit 12 opérations très lourdes, dont plusieurs qui ont été mal orchestrées, lui laissant de sérieuses séquelles. Le tout, sans grands effets sur le nombre de crises.
Aujourd’hui, Diane Wattrelos a le sentiment que l’on a parfois malmené son corps “pour rien”. Depuis un an, elle est hospitalisée toutes les 6 semaines pour un traitement à la kétamine par perfusion. « Grâce à ça, je n’ai plus que six crises par jour ».
En parallèle de son compte Instagram, elle a récemment lancé une pétition pour mieux faire connaître l’algie vasculaire de la face. “Les soignant.e.s me disent que ça les aidera à mieux considérer et traiter les patients. Et surtout, je souhaite faire diminuer l’errance diagnostique que moi-même j’ai subie à l’époque”.
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