Mateo Kries voit-il sa maison comme une prison ou un refuge durant cette période particulière ? Quel impact ce confinement a-t-il sur nos intérieurs ? Comment y vit-on, qui plus est avec trois enfants ? Et est-ce que la maison en sortira modifiée ? L’historien de l’art répond à toutes nos questions.
Mateo Kries est historien de l’art, conservateur, auteur et actuellement directeur du Vitra Design Museum. D’habitude, son temps est partagé entre Weil-am-Rhein où se situe le musée, et Berlin, où il vit depuis 2000. Il a publié de nombreux ouvrages sur le design des villes, Le Corbusier, Rudolf Steiner ou Ludwig Mies van der Rohe. Comme un échos à la situation actuelle, il a accompagné l’exposition actuelle du Vitra Design Museum « Home Stories : 100 Years, 20 Visionary Interiors », débuté le 8 février et qui propose d’étudier les évolutions sociales, politiques et techniques de nos habitats depuis cent ans. Qu’en est-il désormais ? La maison sera-t-elle différente après cet épisode ?
Joint par mail, en anglais, nous avons traduit sa réponse sur sa vision de la maison durant le confinement :
« Notre appartement à Berlin est définitivement un refuge. Il est assez spacieux et lumineux pour que nous ne nous sentions pas enfermés. Mais ce n’est plus juste l’endroit où nous passons pour dormir. C’est désormais le lieu où tout arrive : travailler, étudier, faire du sport, etc. Donc son impact est encore plus grand que d’habitude, nous devons être sûr que nos maisons peuvent offrir toutes ces possibilités en plus de préserver notre intimité. Un facteur, à mon avis sous-estimé, est que beaucoup de gens n’ont pas assez d’espace. Les conflits existants telle que la violence domestique vont augmenter si les gens sont enfermés. La question du foyer devient encore plus existentielle.
Vivre avec les enfants forcent également à un certain lâcher prise. Le concept de la maison musée rangée et bien mise en scène n’est pas réaliste… J’ai néanmoins besoin d’espaces épurés autour de moi (déformation professionnelle), donc je range tous les soirs, pour garder une structure, mais j’accepte que ma maison ne soit pas un musée.
Je pense que nous redécouvrons nos maisons. En tant que grand voyageur pour des raisons professionnelles, le côté positif est que je passe plus de temps avec mes filles et ma femme. On a commencé à jouer à des jeux de société ou analogiques, que les enfants adorent. D’un autre côté, Skype est devenu notre porte vers l’extérieur. Ma fille a même eu une soirée pyjama virtuelle récemment, ce qui veut dire que quatre filles se sont connectées dans leur chambre sur Skype en même temps.
Peut-être allons-nous devenir plus détendus vis-à-vis de nos maisons, découvrant qu’il y a des problèmes bien plus importants.
Mais je pense que la principale conséquence sera que la communication digitale va devenir encore plus omniprésente. Normalement, je suis sceptique concernant le battage médiatique sur le numérique. Mais la crise actuelle nous montre que les réseaux sociaux sont en fait des outils existentiels de communication qui peuvent nous être extrêmement utiles, et peuvent même soutenir l’unité et la solidarité.
Mateo Kries »
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