La Côte d’Opale : un charme so british !

Après le sacre de Charles III, c’est le moment de découvrir ce coin du Nord-Pas-de-Calais qui s’est mis depuis longtemps à l’heure anglaise…

À l’horizon, les falaises des côtes anglaises étincellent. De l’autre côté, celles du Cap Blanc-Nez, les plus hautes de France, leur répondent. Une trentaine de kilomètres seulement séparent les deux rives. Le long de la Manche, ces territoires virent s’opposer les suzerains des deux rives pendant le Moyen Âge et la guerre de Cent Ans. Aujourd’hui encore, les écheveaux de cette histoire sont entrelacés et se remarquent par petites touches le long de cette Côte d’Opale qui va de Calais à la baie de Somme.

©Fabien Coisy

Calais, ancienne cité britannique

Devant le beffroi en brique rouge, la statue des Bourgeois de Calais, signée Auguste Rodin, rappelle que la ville fut assiégée par le roi anglais Édouard III, qui accepta de laisser la vie sauve aux habitants affamés à condition que six bourgeois lui soient livrés pour être exécutés. Finalement, la reine insista pour qu’ils aient la vie sauve mais la ville devint anglaise pendant plus de deux cents ans, jusqu’en 1558.

L’église Notre-Dame de Calais fut agrandie pendant cette période et son plan perpendiculaire typiquement britannique est un exemple unique en France. Clin d’œil de l’histoire, c’est ici que le capitaine Charles de Gaulle épousa Yvonne Vendroux. Depuis 2016, le site est entouré des jardins Tudor, inspirés de ceux du château de Hampton Court d’Henri VIII avec leurs arceaux à rosiers grimpants, leurs parterres fleuris et leurs statuettes animalières. Mais l’héritage anglais qui fit la gloire de Calais lui fut transmis au XIXe siècle. À cette époque, l’invention des machines à tisser qui imitaient le geste des dentellières révolutionne le marché. Le climat social et les contraintes fiscales de l’Angleterre poussent les entrepreneurs à délocaliser leur activité à Calais et à Caudry, où elle va connaître un véritable essor et une renommée internationale encore d’actualité grâce à une douzaine d’usines.

Dans les locaux d’un ancien atelier, la Cité de la dentelle et de la mode présente les différentes techniques et des créations (robes, voiles…) du XVIIe siècle à nos jours, dans une scénographie douce et actuelle. Au quatrième et dernier étage, les machines, dont le célèbre Leavers, fonctionnent encore. À partir du 24 juin, une exposition intitulée Transparences sera consacrée au travail d’Yves Saint Laurent à travers une soixantaine de modèles, mais aussi des accessoires, des vidéos de défilés et des photographies.

Architecture : l’apogée de la Belle Époque

©Anne-sophie FLAMENT

L’atout santé des bains de mer naquit de l’autre côté de la Manche avant de susciter un engouement chez nous, lié à l’apparition des stations balnéaires et au développement du chemin de fer. La première ligne de paquebots Folkestone-Boulogne, inaugurée en 1842, facilite le passage des vacanciers qui viennent passer du bon temps au Touquet-Paris-Plage, à Hardelot-Plage, à Wissant ou encore à Wimereux, qui est desservie grâce à un tramway et à la ligne Paris-Calais.

Le succès fut tel que 50 hôtels et 800 villas y furent construits. Maisons doubles, bow-windows, balcons à balustrade, façades colorées, fantaisies égyptiennes, style anglo-normand… Beaucoup de ces demeures furent détruites au cours de la Seconde Guerre mondiale, mais il en reste encore près de 200 et pratiquement autant d’histoires.

La villa Les Mauriciens, par exemple, seul bâtiment classé aux Monuments historiques, fut construite par un architecte londonien influent. Pendant la Première Guerre mondiale, elle accueillit un hôpital militaire dirigé par Flora Murray, première femme chirurgienne connue en Angleterre, accompagnée de nombreuses infirmières issues de l’aristocratie britannique. De son côté, la maison Le Tourbillon appartenait à l’Écossais Ballentyne, un écrivain aventurier qui inspira Stevenson pour son Île au trésor.

Hardelot : Shakespeare dans un manoir Tudor

©Anne-sophie FLAMENT

Symbole de l’amitié entre les deux pays, le château d’Hardelot au style typique de l’ère victorienne est aujourd’hui un lieu de vie culturel et artistique incontournable. Tout à tour pris d’assaut par des Français et des Anglais au fil de l’histoire, sa forme actuelle remonte à la fin du xixe siècle et à ses trois propriétaires britanniques successifs. Le dernier, John Robinson Whitley, entrepreneur passionné, fut d’ailleurs à l’origine des stations balnéaires du Touquet et d’Hardelot-Plage. Il fut soutenu dans cette entreprise par des personnalités comme Sarah Bernhardt, Louis Pasteur et Arthur Sullivan, du duo Gilbert et Sullivan. Restauré et remeublé, l’intérieur raconte le lieu et les relations entre les deux pays à travers l’histoire.

Jusqu’au 20 novembre, le château accueille l’exposition Benjamin Lacombe et le victorien. Dans une scénographie soignée, à laquelle même les papiers peints participent, le jeune dessinateur français présente une sélection des illustrations des œuvres de la littérature victorienne dont Alice au Pays des merveilles, Le Portrait de Dorian Gray ou Les Contes macabres d’Edgar Allan Poe.

Pièce maîtresse de la visite, le théâtre élisabéthain, dont les plans avaient été présentés à la reine Elizabeth II, a reçu le prix de la meilleure construction en bois dans le monde. Jusqu’au 20 mai, les Shakespeare Nights permettent de découvrir l’adaptation de plusieurs pièces de l’écrivain et l’atmosphère intimiste de la salle (350 places).

Puis, le mois de juin sera consacré à la musique baroque. Alors que Charles III aura été couronné roi d’Angleterre, un concert intitulé Au service de sa majesté Charles II mettra à l’honneur, le vendredi 23 juin, des compositeurs anglais et français contemporains de ce cousin de Louis XIV. Enfin, le programme d’été est déjà annoncé : projections de films, animations et musique seront l’occasion de fêter l’amitié entre nos deux cultures.

Et aussi

Du rugby au Touquet L’équipe du XV de la Rose a choisi la station balnéaire comme point d’ancrage pour la Coupe du monde de cet automne.

Carnet pratique

Où manger un fish and chips ? Planète Océan, quai Napoléon 1er à Étaples. www.planeteocean.fr

Où trouver un tea-room (salon de thé) ? Au Touquet chez Elizabeth’s pour déguster un cheesecake, des scones et des cupcakes. 123 rue de Metz.

Quel bed & breakfast choisir ? (chambre d’hôtes avec petit déjeuner) Le Cercle de Malines à Calais, dans une ancienne maison de dentelliers. À partit de 90 € pour deux. www.lecercledemalines.fr

Pour préparer votre voyage et vos visites : www.pas-de-calaistourisme.com. Pour la Cité de la dentelle, tarifs pour la collection permanente et l’exposition temporaire 7 € et 5 €. Pour le château d’Hardelot : visite libre 3 €, guidée 5 €. (recommandé)

Julie BOUCHER

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