"La bataille n'est pas finie" : la marche violette qui dit stop aux violences faites aux femmes

Reportage.- Selon un comptage Occurrence pour un collectif de médias, 49.000 personnes ont marché ce samedi dans Paris pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. Un événement d’une ampleur inédite.

Ce samedi 23 novembre, une marée violette a battu le pavé pour dénoncer les violences faites aux femmes. À Paris, près de 50.000 personnes (1) avaient le même mot à la bouche : «Que les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes cessent !» En France, les chiffres sont là pour le rappeler. Une femme meurt en moyenne tous les trois jours, tuée par son (ex-)conjoint.

«Il était très important pour moi de marcher aujourd’hui. La lutte contre les violences faites aux femmes est une cause qui me tient à cœur», assure Christine, 27 ans. Venue avec l’une de ses amies, la jeune femme n’a pas hésité une seconde à défiler. «Par le passé, ma mère a été victime de violences conjugales et cette semaine, ma colocataire a fait une tentative de suicide à cause d’un viol qu’elle a subi en août», confie-t-elle, les larmes au yeux. Puis de poursuivre : «Dans sa lettre, elle a écrit que son geste était lié au fait que la justice soit trop lente et qu’on remette en doute sa parole, plutôt que celle de l’agresseur.»

« Derrières les beaux discours, pas de moyens »

Des personnalités publiques étaient présentes à la marche. Parmi lesquelles Julie Gayet, Muriel Robin ou encore Alexandra Lamy. (Paris, le 23 novembre 2019.)

À l’appel du collectif #NousToutes, des dizaines de milliers de femmes et d’hommes se sont réunis dès 13h30 à quelques pas de l’Opéra. Hymne des femmes, Aretha Franklin, Britney Spears… : à grands renforts de musiques et de slogans «ras le viol», le cortège a convergé vers la place de la Nation, où la foule a pu entendre chanter Amel Bent et Yael Naim.

Sur place, beaucoup de femmes et d’hommes – toutes générations confondues – tirent la sonnette d’alarme. Jean-Baptiste, 31 ans, déplore l’inaction du gouvernement face aux violences sexistes et sexuelles faites aux femmes. «Derrière les beaux discours, il n’y a pas de moyens, juge le chercheur de Greenpeace. Au-delà de la libération de la parole, il faut un accompagnement à la hauteur du drame qui se répète d’année en année.» Lui imagine généraliser partout en France des structures pour accueillir les femmes victimes de violences, à l’instar de la Maison des femmes de Saint-Denis.

En vidéo, ce qu’il faut retenir de la manifestation du 23 novembre

« La bataille n’est pas finie »

Vêtue d’un manteau violet, aux couleurs de la marche #NousToutes, Mathilde a elle aussi participé à la marche. Assise dans un fauteuil roulant, l’étudiante en études théâtrales confie avoir été victime de violences sexuelles à la fin de l’adolescence. Cette dernière a été violée par son grand-père. À la suite de quoi, la jeune femme a développé une maladie pathologique, l’obligeant aujourd’hui à être assistée d’un Golden retriever. «Je suis en colère. La loi promet pleins de choses mais ne protège pas en réalité. Moi-même j’ai été victime d’inceste et ma plainte a finalement abouti à un non-lieu, faute de preuves, dénonce Mathilde. Aujourd’hui, je m’inquiète pour ma filleule dont la mère est victime de violences conjugales. Pour autant, la garde a été confiée à son père.»

Cette année, le thème des féminicides se ressent particulièrement dans le cortège. Aussi bien sur les pancartes que dans les témoignages des gens rencontrés. «Tant que des femmes mourront sous les coups de leurs conjoints, la bataille ne sera pas finie», affirme Laura, 31 ans, médiatrice culturelle. Son amie avocate Mylène enchaîne : «Combien de femmes tuées en 2019 avaient porté plainte ? Cette situation ne peut plus durer, il faut plus de moyens et que les mentalités changent.»

Une jeunesse mobilisée

De son côté, Evelyne, 65 ans et féministe de la première heure, observe une prise de conscience ces derniers mois, portée par le mouvement #MeToo. «La parole s’est libérée et est surtout davantage écoutée. Reste que le sexisme perdure, notamment dans le milieu professionnel», considère celle qui a été commissaire d’exposition à la Cité des Sciences. «Dans les années 1970 et 1980, on a obtenu beaucoup d’acquis et malheureusement on observe que ça régresse, continue-t-elle. Heureusement, aujourd’hui, je suis ravie de voir que la jeune génération est là pour reprendre le flambeau.»

En effet, cette année, un cortège de jeunes s’est mobilisé à l’occasion de la marche. Claire, 19 ans et étudiante en double licence droit-histoire, témoigne : «On s’est organisés en amont via des groupes WhatsApp ou des réunions. L’objectif était de sensibiliser le maximum de jeunes pour montrer qu’on est là et déclarer notre ras-le-bol face aux violences faites aux femmes. Car les violences touchent beaucoup les jeunes filles. En témoignent le slut-shaming, le cyberharcèlement, le taux de suicide, les féminicides…»

Un milliard d’euros supplémentaires

Une chose est sûre : le pari de #NousToutes est réussi. Pour Caroline de Haas, militante féministe et initiatrice du collectif, ce rassemblement montre bel et bien qu’il est temps de passer à l’action. «On constate une absence de réponses concrètes de la part du gouvernement face aux violences faites aux femmes. Il faut un vrai changement de cap en matière de politiques publiques», estime-t-elle. Avant de conclure : «Le gouvernement traite les violences une fois qu’elles ont été commises. On en a besoin, c’est même essentiel mais pas suffisant. Nous exigeons donc un milliard d’euros supplémentaires contre les violences et des mesures d’éducation, de prévention et de formation.»

(1) Selon un comptage Occurrence pour un collectif de médias

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