JO 2020 : un masque rose porté par les escrimeurs américains pour dénoncer un coéquipier accusé de violences sexuelles

Une initiative rare dans le monde du sport de haut niveau, où les violences sexuelles sont encore taboues. Vendredi 30 juillet, aux Jeux olympiques de Tokyo, l’équipe étatsunienne masculine d’escrime a fait parler d’elle à cause de ses masques contre le Covid-19 : sur les quatre escrimeurs présents, trois ont porté un masque rose, en soutien aux victimes de violences sexuelles. 

Au-delà du symbole, Jake Hoyle, Curtis McDowald et Yeisser Ramirez auraient souhaité dénoncer la présence de leur coéquipier, Alen Hadzic, visé par une enquête pour viol et agressions sexuelles, pour des faits qui se seraient déroulés entre 2013 et 2015. Des accusations qu’il nie. Celui-ci arborait un masque noir. Présent en tant que remplaçant, il n’a finalement pas concouru. 

Dénonciation silencieuse

Selon une source anonyme citée par Buzzfeed, les trois épéistes ont « décidé de montrer qu’ils ne soutenaient pas sa présence. Ils voulaient se distinguer en disant qu’ils ne soutiennent pas les violences sexuelles contre les femmes. » 

En mai dernier, trois victimes présumées, des femmes, ont témoigné après la qualification d’Alen Hadzic pour les JO de Tokyo. Une enquête a alors été lancée, questionnant sa présence aux JO.

Tenu à l’écart de son équipe

En juin, l’escrimeur âgé de 29 ans a été suspendu par l’US Center for SafeSport, l’association pour la prévention des abus sexuels dans le sport. Mais il a fait appel de cette décision, et a eu gain de cause. Il avait donc pu se rendre au Japon. 

Pourtant, la Fédération américaine d’escrime aurait préféré se passer de lui. Ses coéquipiers étant mal à l’aise, Alen Hadzic a voyagé seul jusqu’à Tokyo, et a été logé à l’écart du village olympique, dans le cadre d’un « plan de sécurité », a révélé le site Buzzfeed. Il n’a pas non plus eu le droit de participer à des entraînements mixtes.

Le sportif avait aussi fait appel contre ces restrictions, mais avait été cette fois débouté.

« Les athlètes de l’équipe ont exprimé des inquiétudes pour leur sécurité et leur bien-être en raison de votre présence, qui, selon eux, est susceptible d’affecter négativement leurs capacités mentales et émotionnelles à se préparer et à concourir aux plus hauts niveaux requis pour réussir aux Jeux olympiques », explique la Fédération américaine d’escrime, dans un message que s’est procuré le tabloïd USA Today.

Une pétition contre sa venue

Selon Katharine Holmes, membre de l’équipe féminine d’escrime étatsunienne, « tous les membres de l’équipe d’escrime » avaient même signé une pétition demandant qu’Alen Hadzic ne soit pas présent aux JO 2020. Mais l’avocat de l’intéressé nie l’existence d’une telle initiative. 

« Nous sommes excédés d’avoir dû gérer cette affaire », déclare à Buzzfeed une escrimeuse présente à Tokyo, qui a dénoncé l’attitude « prédatrice » d’Hadzic auprès de la Fédération. « Il a été protégé encore et encore ». 

Indignation

Si le masque rose porté par les trois co-équipiers d’Alen Hadzic a été remarqué, il n’a pas convaincu tout le monde.

Jackie Dubrovich, aussi escrimeuse pour les États-Unis, s’est agacée sur Instagram de ce qui est présenté comme « une belle histoire » : « Alen a quand même eu le droit de rejoindre l’équipe. Il n’a pas été tenu pour responsable », dénonce-t-elle, citée par Paris Match. « Les gens responsables de ce système non plus. La Fédération n’a pas donné d’explication alors qu’elle clame l’ignorance à propos de son attitude de prédateur et sa violence qui dure depuis presque 10 ans […]. Qui a menti pour le protéger ? J’espère que l’on ne va pas se perdre dans le récit chaleureux de ce geste [les masques roses, ndr] et oublier de poser les vraies questions. »

« L’activisme de performance ne résout rien au vrai problème ici… Les femmes athlètes n’ont pas été protégées et notre sécurité a été considérée comme pas assez importante », rappelle-t-elle. 

On se demande vraiment jusqu’où quelqu’un doit aller pour qu’il ne soit pas autorisé à prendre part à la compétition

L’une des victimes présumées d’Alen Hadzic a aussi dénoncé sa présence aux JO 2020 : « Je crois qu’un seul cas est suffisant pour que vous ne soyez pas autorisé à participer à ces putains de Jeux Olympiques. On se demande vraiment jusqu’où quelqu’un doit aller pour qu’il ne soit pas autorisé à prendre part à la compétition », a-t-elle déclaré à USA Today.

Auprès de USA Today, Alen Hadzic a quant à lui déploré le geste de ses co-équipiers : « Je me souviens m’être dit que ça serait bizarre si j’étais avec eux avec un masque noir donc j’ai demandé s’ils en avaient un rose en plus et ils m’ont dit non. Ce n’est qu’après avoir vu la photo plus tard, que j’ai réalisé ce qui venait de se passer. » « Ils ne m’ont jamais demandé ma version de l’histoire », s’est-il encore plaint. 

Aux États-Unis, la couleur rose symbolise la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes. Lors de la Marche des femmes de 2017, les militantes avaient été nombreuses à porter des Pussy Hats, des « chapeaux de vagin » roses, en référence aux propos de Donald Trump disant qu’il « [attrapait] les femmes par la chatte » (sic). 

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