"Je verrai toujours vos visages" : quand la justice tend le miroir

« La justice restaurative est un sport de combat. » Sur ces mots s’achève un film qui semble s’accomplir au contraire dans une grande douceur, impressionnant dans sa logique vertueuse et sa nécessité, dirait-on, de pacifier ce qui, au départ, ne l’est pas.

Après son très beau Pupille en 2018, sur les rouages complexes de l’adoption, Jeanne Herry a décidé de s’intéresser à un autre « gros » morceau, que le ministère de la Justice définit lui-même sur son site internet en ces termes : « Pratique complémentaire au traitement pénal de l’infraction, la justice restaurative consiste à faire dialoguer victimes et auteurs d’infractions (qu’il s’agisse des parties concernées par la même affaire ou non).

Les mesures prises, selon des modalités diverses, visent toutes à rétablir le lien social et à prévenir au mieux la récidive. » Mais le tout n’est pas d’illustrer la chose. La difficulté consiste à ne pas être trop littéral ou scolaire. Et de réussir à incarner tout ça.

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Un bouleversant face-à-face

À plein d’égards, Je verrai toujours vos visages mériterait le titre de fiction réparatrice par sa capacité à représenter toutes les sensibilités, tous les points de vue. Son dispositif même épouse les contours d’une séance de thérapie collective dans l’une de ses parties (un concept très prisé depuis En thérapie), tandis que l’autre met en place un bouleversant face-à-face entre l’une des médiatrices (la délicate Élodie Bouchez) et une jeune femme, ancienne victime de viols incestueux (Adèle Exarchopoulos, magma d’émotions à vif).

Mais si le film fait mouche dans son faisceau de confrontations (« victimes » versus « bourreaux »), c’est grâce à une écriture impeccable (où rien n’est laissé au hasard), des acteur·rices investi·es à 100 % (Leila Bekhti, Gilles Lellouche…) et un dosage parfait entre fiction et exigence documentaire (une qualité déjà présente dans Pupille). Sans tomber dans le relativisme, le parcours du film joue à créer des jeux de symétrie troublante. Et on ne peut que sortir de cette expérience sacrément remué·e.

De Jeanne Herry, avec Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Élodie Bouchez… En salle le 29 mars.

Cette critique a été initialement publiée sur le magazine Marie Claire numéro 847, daté avril 2023.

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