"Je ne suis pas une victime" : Asia Argento met les choses au point dans son autobiographie "Anatomie d’un cœur sauvage"

Asia Argento, fille du réalisateur Dario Argento et de l’actrice Daria Nicolidi, est actrice, réalisatrice, scénariste, productrice, mannequin, DJ, chanteuse, italienne. Elle publie aujourd’hui un livre autobiographique, Anatomie d’un cœur sauvage, aux éditions Hors Collection.

Un livre divisé en trois parties dont la première est consacrée à son enfance et aux relations difficiles et compliquées avec sa mère. La deuxième relate sa vie d’adolescente lorsqu’elle part à la conquête d’Hollywood et la troisième met en lumière le mouvement #MeToo avec la place que peuvent occuper les femmes dans la société.

franceinfo : Quand on plonge dans les premiers mots de votre livre Anatomie d’un cœur sauvage, on a l’impression que vous êtes effectivement une survivante. Vous considérez-vous comme telle ?

Asia Argento : Oui, je préfère survivante à victime. Je ne suis pas une victime.

Ce livre est une vraie thérapie ?

Oui, mais je n’ai pas compris ça pendant l’écriture. Pendant l’écriture, c’était vraiment dur. Peut-être qu’une thérapie doit être dure pour aller au fond des choses. Je me suis sentie beaucoup mieux, peut-être même que je ne me suis jamais sentie aussi bien dans ma peau. C’est peut-être l’âge aussi, ça soulage toutes les blessures.

Vous avez subi les coups de votre maman pendant des années. Vous avez mis du temps à comprendre que cette violence n’était pas normale.

Oui, que mon enfance n’était pas normale. J’ai compris que ce n’était pas normal de recevoir cette violence de la part de ma mère. J’ai réussi à ne pas être comme elle. Je n’ai pas fait la même chose avec mes enfants.

Vous vous êtes tournée très vite vers le milieu du cinéma. Vous êtes une enfant de la balle puisque votre père est dans la réalisation, un maître du dialogue et votre maman était actrice. Finalement, que vous apporte ce métier ? Ne vous a-t-il pas dans un premier temps, sauvée ?

Oui, je pouvais échapper à cette identité de « quelqu’un qui n’était pas bien. »

« Le travail m’a toujours sauvée, de ma dépression et aussi de mes autres problèmes comme les drogues ou mon alcoolisme. »

à franceinfo

Ça va mieux aujourd’hui ?

Oui. Je ne bois plus.

Vous êtes très proche de votre père et vous avez travaillé très vite avec lui, à 16 ans. Il y a eu les films : Trauma en 1993, Le syndrôme de Stendhal en 1996. Vous dites que vous avez travaillé avec votre père pour qu’il vous aime.

Oui. Pour qu’il me prête attention. C’est pour me rapprocher de lui car il aime le cinéma plus que la famille, plus que la vie. En travaillant ensemble, on a trouvé une relation très proche, très haute.

Le cinéma vous a donné beaucoup, mais vous a pris beaucoup aussi. Vous êtes la figure de proue du mouvement #MeToo. Au début, vous ne souhaitiez pas en parler dans cet ouvrage, mais vous dites une phrase qui est extrêmement forte : « La honte qui aurait dû retomber sur ces porcs est gravée à jamais sur ma peau« . Comment la vivez-vous aujourd’hui ?

« Je n’ai plus de honte parce que la chose la plus importante et la plus belle que je garde de tous ces moments avec #MeToo, c’est d’avoir rencontré des femmes qui ont vécues la même chose, de la même manière, du même prédateur. »

à franceinfo

Je n’ai plus honte, mais j’avais très peur de raconter cette expérience aux autres, même à mon psychologue.

Pourquoi ?

Parce que ça a fait mal pendant beaucoup d’années. Ce n’était pas simple de parler de ça parce que la première chose que se demande une femme c’est : « Pourquoi ça m’arrive et est-ce que c’était ma faute ?« 

On est le 10 octobre 2017, c’est dans le magazine New Yorker que vous accusez le producteur Harvey Weinstein d’agression sexuelle. Ce qui est incroyable, c’est l’ampleur que tout ça a pris. C’est devenu l’occasion pour plein de femmes, effectivement, de libérer leurs paroles, de pouvoir raconter ce qu’elles vivaient depuis des années, et ce que beaucoup savaient finalement aussi. Comment vivez-vous cette notoriété positive ?

Je suis contente. C’est ça, l’essentiel et peut-être le message du livre, c’est comme la fleur de lotus. On part de la boue et on a une fleur qui produit un fruit dedans. C’était ça, ma vie et c’est ça, ma vie.

Est-ce qu’aujourd’hui, vous vous aimez un peu plus ?

Oui, je vois que je m’aime davantage, mais cela a changé il y a peu de temps. Ça a commencé après l’écriture du livre et la mort de ma mère.

« Je pense quelquefois que la mort de ma mère m’a libérée. C’est bizarre de le penser, et même beaucoup plus de le dire, mais elle avait son ombre sur moi et quand elle est partie, je crois que cela m’a libérée. »

à franceinfo

Je voulais terminer sur une phrase qui est finalement une réplique cinglante dans le film de votre père, Suspiria (2018) : « Le malheur ne vient pas des miroirs brisés, mais des esprits qui le sont« . Aujourd’hui le miroir renvoie la bonne image ?

Il faut prendre chaque jour du temps pour le nettoyer, pour voir son vrai visage, sa vraie âme. Ce miroir qui peut être brisé te montre ta vraie essence.

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